10/02/2012

441. Poème de l'Amour - Présentation 2


Poème de l’Amour - Août 1924
in François Broche « Anna de Noailles, un mystère en pleine lumière, pages 378 et 379
Le poème de l’Amour, recueil de deux cent vingt deux-pages n’est officiellement mis en vente que le 25 aout, mais les premiers exemplaires circulent déjà depuis un mois. Le 27 juillet Paul Valéry lui a écrit : C’est un feu extraordinaire que le vôtre, dont chaque palpitation consume et réverbère des années. [...J Vous a-t-on dit que ce volume de vers, votre dernier-né, est un événement de notre littérature ?
On commence a le lui dire. Les premiers comptes rendus sortent a la fin de juillet et au début d’août, signés de Gaston Rageot, d’Albert Thibaudet, d’Henri de Régnier. « Un poème intellectuel de la passion », annonce André Thérive dans L’Opinion du 15 août. En épigraphe, Anna avait place ces mots de Catherine de Sienne: « II faut d’abord avoir soif… » — bouleversante et elliptique définition de la passion.
Mais Anna, elle, définit l’amour comme « une passion cruelle et vaine, et elle a sans doute quelques raisons de se montrer aussi catégorique. Finis les débordements lyriques des précédents recueils, oublié le tumulte d’une sensualité gui paraissait ne jamais devoir s’épuiser, enfuis les grands élans, délaissé l’opulent alexandrin : restent des poèmes brefs (ii y en a en tout cent soixante-quinze), d’une simplicité éclatante, souvent octosyllabiques. Certains critiques lui en voulurent de ce qui était considéré comme un changement de genre malheureux: « Deux cent vingt pages de galimatias, de fausse préciosité, de vide et pénible éloquence », écrivait Emmanuel Buenzod; plus nuancé, Fernand Vandérem signalait « les restrictions, mitigations, extinctions de toute sorte qu’a imposées, dans ce recueil. Mme de Noailles a son exubérant et incandescent lyrisme », expliquant qu’il s’agissait là « d’un dépouillement prémédité, d’un appauvrissement volontaire »

Anna de Noailles par Foujita

Ces rares discordances ne pouvaient ternir la gloire d’Anna ou diminuer la place de l’une des œuvres exceptionnelles de notre temps et de notre littérature », selon le jugement de Bédier et Hazard, dans leur Histoire de La littérature française, publiée en cette même année 1924
Après La Gandara , Jacques-Emile Blanche, Helleu, Forain, Rodin, Romaine Brooks, Laszlo, Zuloaga, Hélène Dufau, Foujita immortalise les traits et surtout la silhouette de celle qu’une revue féminine, Eve, vient de sacrer « princesse des lettres », juste devant Colette): « Faites-moi debout afin qu’on dise: « Comme elle est petite et pourtant comme elle a fait de si grands vers » aurait-elle demandé a ce « Japonais admirable », si l’on en croit René Benjamin.