04/02/2010

004. Anna de Noailles : biographie

Anna Elisabeth de Brancovan, Comtesse de Noailles est née le 1er novembre 1876 à Paris.
Son aïeul paternel, Georges Bibesco avait épousé Zoe Mavrocordato, fille adoptive du dernier prince de Brancovan, descendant des souverains de Valachie. Par sa mère Raoulka Musurus, elle appartenait à une famille grecque d’origine crétoise qui avait compté des poètes et des gens de lettres. Paris, le Bosphore et la Savoie furent les toiles de fond de son enfance et dès l’âge de treize ans, elle s’exerça à la versification. Elle passe ses étés à Amphion, entre Evian et Thonon, à la villa Bassaraba.
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Le 18 août 1897, en l’église de Publier en Haute-Savoie, elle épouse le comte Mathieu de Noailles. Le 1er février 1898, ses premiers poèmes "Litanies" parurent dans la "Revue de Paris" et le 18 septembre 1899, elle donne le jour à un fils, Anne-Jules de Noailles.
Son premier recueil de vers, Le "Cœur innombrable" publié en 1901 reçoit un accueil enthousiaste. C’est la révélation d’un talent hors pair [...] où s’exprime harmonieusement un intense amour de la nature, arbres, plantes, et surtout soleil. Cette œuvre exprime aussi le culte de la jeunesse et des héros avec un sens profond de la mort, la hantise de l’éternel et de l’absolu.
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Au faîte de la gloire, Anna de Noailles est élue membre de l’Académie royale belge de langue et de littérature françaises et l’Académie française lui décerne le grand prix de littérature. Très admirée des écrivains, des hommes politiques et des savants, elle devient un personnage officiel. Elle la première femme à recevoir la cravate de commandeur de la Légion d’Honneur.
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A partir de 1912, la santé d’Anna de Noailles commence de s’altérer et elle quitte de moins en moins sa chambre du 40 rue Scheffer. Elle publie encore deux recueils de poèmes, le Poème de l’amour en 1925, et l’Honneur de souffrir en 1927, consacré à ses morts, ainsi que ses Poèmes d’enfance en 1928. En 1932, paraît "Le Livre de ma vie", éléments d’une biographie intime qui s’arrête à l’année 1896. Elle meurt le 30 avril 1933.

003. L'oeuvre d'Anna de Noailles

Fac similé d'un manuscrit de la Comtesse de Noailles

1901. Le Cœur innombrable.
1902. L'Ombre des jours.
1903. La Nouvelle Espérance.
1904. Le Visage émerveillé.
1905. La Domination.
1907. Les Eblouissements.
1913. De la rive d’Europe à la rive d'Asie.
1913. Les Vivants et les Morts.
1920. Les Forces éternelles.
1921. Conte triste avec une moralité.
1923. Les Innocentes ou la Sagesse des femmes.
1924. Le Poème de l’Amour.
1924. Les Climats : poèmes choisis.
1926. Passions et Vanités.
1927. L’Honneur de souffrir.
1928. Poèmes d'enfance.
1930. Exactitudes.
1932. Le Livre de ma vie - Souvenirs.
1934. Derniers vers et poèmes d’enfance.

002. "Etranger qui viendra"


Anna de Noailles est par excellence, la poétesse du Léman. Elle a chanté, souvent avec davantage de précision descriptive, d'autres lacs savoyards, Annecy ou Le Bourget, mais elle a hautement proclamé son appartenance au Léman. C'est le thème d'un de ses poèmes les plus connus du recueil "Les Forces Éternelles":

ÉTRANGER QUI VIENDRA . . .

Étranger qui viendra, lorsque je serai morte,
Contempler mon lac genevois,
Laisse que ma ferveur dès à présent t'exhorte
A bien aimer ce que je vois.
Au bout d'un blanc chemin bordé par des prairies
S'ouvre mon jardin odorant ;
Descends parmi les fleurs, visite, je te prie
Le beau chalet de mes parents ....
C'est là que j'ai connu, en ouvrant mes fenêtres
Sur les orchestres du matin,
L'ivresse turbulente et monastique d'être
Sûre d'un illustre destin.......
Maintenant, redescends et vois sur le rivage,
Une jetée en blanc granit :
Il n'est pas un plus pur, un plus doux paysage,
Un plus familier infini !.......
Laisse que ton regard dans les flots se délecte
Parmi les fins poissons heureux,
De là, on voit le soir, comme d'ardents insectes
S'allumer Lausanne et Montreux.
Peut-être a-t-on mis là, comme je le souhaite,
Mon cœur qui doit tout à ces lieux,
A ces rives, ces prés, ces azurs qui m'ont faite
Une humaine pareille aux dieux

001. Anna de Noailles


Le voyageur qui passe à Evian, le touriste ou le curiste qui y séjournent ne peuvent manquer de découvrir le nom d'Anna de Noailles. Dès l'entrée de la cité lémanique, en venant de Thonon, le lycée installé dans l'élégant château du Martelet porte le nom d'Anna de Noailles, en bordure de l'avenue du même nom.
Sur la route qui va de Thonon à Evian, après avoir quitté Amphion, on peut encore repérer la plaque discrète qui signale sur le coté gauche de la voie, "le jardin votif Anna de Noailles", généralement fermé et depuis de nombreuses années inaccessible, sauf lorsque, par un pur hasard, l'amabilité du jardinier qui assure son entretien autorise une courte visite.
Un autre nom plus rare provoque aussi l'attention : celui du prince Bassaraba de Brancovan, dont le monument commémoratif s'élève près du port de commerce, au début du quai Paul Léger. Dans le port de plaisance, le touriste peut retrouver ce nom sur les bateaux de la société de sauvetage de la ville d'Evian.
Enfin si le hasard d'une excursion conduit le visiteur sur le plateau de Gavot, dans l'adorable cité de Publier, en poussant la porte du cimetière, il pourra découvrir une stèle portant encore le nom d'Anna de Noailles sous titré par cette mention sans doute la plus connue :
"C'est là que dort mon coeur, vaste témoin du monde"
Si au terme de ces rencontres, la curiosité du visiteur l'emporte sur l'indifférence, il pourra lire, en ouvrant un dictionnaire : "Anna de Brancovan, comtesse Mathieu de Noailles : poète français, Paris 1876-1933. D'origine grecque par sa mère elle recueillit très tôt l'héritage de la culture française et en retint la tendance à l'universalité. Retrouvant, dans une forme néo-classique les sources d'un lyrisme tari depuis le romantisme, elle exprima dès ses premiers vers une passion frémissante de la lumière et des paysages français. [...] Puis elle célébra l'enchantement de la beauté du monde. Un amour païen de la vie s'exhale encore dans ses recueils ou résonnent pourtant les accents d'une gravité nouvelle. Les grands thèmes de la fuite du temps, de l'adieu à la jeunesse, de la solitude, de la mort inéluctable, se développent avec une insistance pathétique dans son oeuvre". (d'après le "Dictionnaire Robert" des noms propres, page 1326, édition 1979)