Espiègle soleil, tu ris
Sur la sourcière prairie,
Où trois, quatre sources jettent
Leur eau tintante et replète,
Qui gonfle, et vient humecter
L'herbeux tapis de l'été !
— Les petits arbres fruitiers
Sont posés tout de travers
Sur ce coteau lisse et vert !
Un neuf et frêle poirier,
Par ses feuilles sans repos.
Pépie autant qu'un oiseau :
Il frémit, babille, opine,
Sous la brise la plus fine.
Quand, le soir, la lune nette
Le peinture d'argent clair,
Il fait, dans le calme éther,
Un bruit frais de castagnettes !
J'entends ce bruit d'arbre et d'eau
Qui s'obstine et se dépense
Comme si le monde immense
Et les vents qui montent haut
Recherchaient la confidence
De l'humble et faible coteau !
— O petite bosse verte
Que le soleil illumine,
Renflement des prés inertes,
Frère cadet des collines,
Coteau dont nul ne saurait
Le vif et pimpant secret.
Si mon œil, en qui tout chante.
N'avait posé sa folie,
Sa foi, sa mélancolie.
Sur ta mollesse penchante.
J'aime tes airs sérieux !
— Petit fragment sous les cieux
De l'univers qui tourmente,
Toi, fier des sources ailées.
De tes hautes roses menthes
Dont les tiges sont mêlées
A l'absinthe crêpelée.
Toi, laborieux autant
Qu'un moulin qui, tout le temps,
Fait mouvoir sa forte roue,
Toi qui travailles et joues,
Ne devrais-je pas aussi
Plier parfois mon souci
A des tâches coutumières ?
Mais, cher coteau, je ne puis !
Il faut à mon âme fière
Tout l'univers pour appui !
Non, je ne suis pas modeste,
Je n'ai pas d'humble devoir,
Tous mes rêves, tous mes gestes
Ont les matins et les soirs
Pour témoins sûrs et célestes !
— Que veux-tu, j'ai, tout enfant.
Dans le soleil et le vent,
Gravi un secret chemin,
Où ne passe nul humain ;
Un chemin où nul ne passe.
Car il n'a, en plein espace.
Ni bornes, ni garde-fou,
Ni discernable milieu.
Ceux qui franchissent ces lieux
Rendent les humains jaloux !
L'on subit grande torture
Sur ces sommets de Nature !
Plus jamais l'on n'est pareil
A ce qui vit sur la terre.
Mais on est un solitaire
A qui parle le soleil !
Jamais plus l'on ne ressemble
A tous ceux qui vont ensemble
Travaillant, riant, dormant;
On rêve du firmament,
Même aux bras de son amant.
Jamais plus l'on n'est joyeux.
Mais l'on est ivre ! Parfois
On est un martyr en croix,
D'où coulent des pleurs de sang,
Et l'on n'a plus d'envieux...
Mais on est un cœur puissant,
Et l'on appartient aux dieux !
Les Forces Eternelles
17/11/2012
537. Vers écrits en Alsace ....
Vers écrits en Alsace pour un côteau de Savoie
Quand deux pays sacrés font retour a la France,
Quand mon cœur les choisit comme un plus fier séjour,
Je sens un susceptible et poétique amour
Me ramener vers vous, jardin de mon enfance,
Dispensateur de tous les biens que j'ai connus !
Je revois vos rondeurs, vos chemins bien venus,
La rose, comme un fruit d'automne, blanche et blette,
Le froid pétillement argentin des ablettes
Dans un lac, île d'eau que baignent des prés verts,
La pureté subtile, infantile de l'air
Où, même aux jours très chauds, l'on sent jouer, fondue,
La neige en vif velours, des sommets descendue,
Qui vit l'aconit bleu et le frais arnica...
Je ressens, en songeant, le bonheur délicat
De voir, de respirer, que l'on avait naguère.
Ce doux je ne sais quoi d'avant la grande guerre,
Quand le cœur n'était pas à jamais abattu
Par ce qui fut possible et qu'on n'avait pas cru.
Dans ces temps bienheureux où les étés brasillent,
Une enfant sur la route, affamée, en guenilles,
Un âne dont le faix ensanglantait le dos,
Étaient toujours pour moi un si cruel fardeau
Que j'avais le désir, tant la pitié m'oppresse,
De mourir, pour cesser d'éprouver la détresse
De ne pouvoir aider et sauver de tout mal
Cette enfant inconnue et cet humble animal...
— Et puis nous avons dû subir le sort terrible
De voir tout ce qui vit et luit passer au crible
De la hideuse mort, qui rendait en lambeaux
Tout ce qu'elle avait pris, si riant et si beau !
— Avoir fait de ces corps de si larges semailles
Que partout où l'on est, que partout où l'on aille,
L'on entende germer des morts adolescents !
— Jardin de mon enfance, il n'y a pas de sang
Parmi l'éclosion de vos plantes naïves ;
Un léger volant d'eau se défait sur la rive
Et couvre, en s'épandant, de sa fraîche clarté,
Mille petits cailloux, chassés et rapportés.
Qui font un bruit secret et glissant de rosaire.
Une joie assurée, et qui n'est pas altière.
Pénètre le tissu des sirupeuses fleurs.
Un roitelet, gonflé de moelleuse chaleur,
Menant dans un sapin sa course étroite et vive.
Semble un fruit remuant sur la branche passive.
O candide beauté des riants éléments :
L'azur, l'onde, le sol, tout est envolement !
L'abeille aux bonds chantants, vigoureusement molle,
Roule, tangue, s'abat de corolle en corolle.
Dans l'éther sans embu, et pareil au cristal.
L'oiseau sème ses cris comme un blé musical.
Les blancs pétunias créponnés, qui se fanent
Dès qu'on veut les toucher ou bien les respirer.
Semblent, dans leur faiblesse humide et diaphane,
Un défaillant bouquet de papillons sucrés.
O Nature divine et fidèle à vous-même,
Exemple du labeur, exemple de l'amour,
Puisqu'il faut que l'on vive et qu'il faut que l'on aime,
Enseignez, par l'éclat éblouissant du jour.
Les cœurs les plus étroits et les fronts les plus sourds !
Les Forces Eternelles
Quand deux pays sacrés font retour a la France,
Quand mon cœur les choisit comme un plus fier séjour,
Je sens un susceptible et poétique amour
Me ramener vers vous, jardin de mon enfance,
Dispensateur de tous les biens que j'ai connus !
Je revois vos rondeurs, vos chemins bien venus,
La rose, comme un fruit d'automne, blanche et blette,
Le froid pétillement argentin des ablettes
Dans un lac, île d'eau que baignent des prés verts,
La pureté subtile, infantile de l'air
Où, même aux jours très chauds, l'on sent jouer, fondue,
La neige en vif velours, des sommets descendue,
Qui vit l'aconit bleu et le frais arnica...
Je ressens, en songeant, le bonheur délicat
De voir, de respirer, que l'on avait naguère.
Ce doux je ne sais quoi d'avant la grande guerre,
Quand le cœur n'était pas à jamais abattu
Par ce qui fut possible et qu'on n'avait pas cru.
Dans ces temps bienheureux où les étés brasillent,
Une enfant sur la route, affamée, en guenilles,
Un âne dont le faix ensanglantait le dos,
Étaient toujours pour moi un si cruel fardeau
Que j'avais le désir, tant la pitié m'oppresse,
De mourir, pour cesser d'éprouver la détresse
De ne pouvoir aider et sauver de tout mal
Cette enfant inconnue et cet humble animal...
— Et puis nous avons dû subir le sort terrible
De voir tout ce qui vit et luit passer au crible
De la hideuse mort, qui rendait en lambeaux
Tout ce qu'elle avait pris, si riant et si beau !
— Avoir fait de ces corps de si larges semailles
Que partout où l'on est, que partout où l'on aille,
L'on entende germer des morts adolescents !
— Jardin de mon enfance, il n'y a pas de sang
Parmi l'éclosion de vos plantes naïves ;
Un léger volant d'eau se défait sur la rive
Et couvre, en s'épandant, de sa fraîche clarté,
Mille petits cailloux, chassés et rapportés.
Qui font un bruit secret et glissant de rosaire.
Une joie assurée, et qui n'est pas altière.
Pénètre le tissu des sirupeuses fleurs.
Un roitelet, gonflé de moelleuse chaleur,
Menant dans un sapin sa course étroite et vive.
Semble un fruit remuant sur la branche passive.
O candide beauté des riants éléments :
L'azur, l'onde, le sol, tout est envolement !
L'abeille aux bonds chantants, vigoureusement molle,
Roule, tangue, s'abat de corolle en corolle.
Dans l'éther sans embu, et pareil au cristal.
L'oiseau sème ses cris comme un blé musical.
Les blancs pétunias créponnés, qui se fanent
Dès qu'on veut les toucher ou bien les respirer.
Semblent, dans leur faiblesse humide et diaphane,
Un défaillant bouquet de papillons sucrés.
O Nature divine et fidèle à vous-même,
Exemple du labeur, exemple de l'amour,
Puisqu'il faut que l'on vive et qu'il faut que l'on aime,
Enseignez, par l'éclat éblouissant du jour.
Les cœurs les plus étroits et les fronts les plus sourds !
Les Forces Eternelles
536. La naissance du printemps
C'est soudain le printemps! La verdure s'enroule
Autour des branchages foncés :
Aériens semis, verte et fine semoule,
Bourgeons crépus, frisés, froncés !
On ne sait quoi d'heureux se concerte et pullule
Dans l'azur enfin revenu.
— Invisible bonheur du printemps sans scrupules,
Et pourtant toujours ingénu,
Se peut-il qu'aujourd'hui votre brusque présence,
Solide comme un marbre bleu.
Altère ma tristesse, endorme ma prudence,
Et que je brûle avec vos feux ?
Se peut-il que, vraiment, mon ferme esprit oublie
Tous les forfaits de l'univers
Parce qu’ivre de jour un fol oiseau délie
Son bec, comme un pépin ouvert !
Quoi ! De l'azur pareil à quelque lac céleste,
Un bourdonnement de chaleur,
L'atmosphère bénigne, et qui fait de doux gestes
De bonté, d'odeurs, de couleurs,
Un silence qui semble épandre une promesse
De familière éternité,
De chauds cocons de fleurs, couvés par la caresse
De la suave immensité.
Serait-ce suffisant pour qu'on perde mémoire
Des pièges sanglants du destin,
Et pour que les sommets rougeoyants de l'Histoire
Se fondent dans un bleu matin ?
Hélas ! Que tout est beau, et que tout nous rappelle.
Sans rien d'usé, rien de terni,
Notre enfance au grand cœur, qui portait devant elle
Son rêve, que rien n'a béni !
Voilà donc ton miracle, enjôleuse Nature !
Tu reprends tes enfants grandis.
Et tu mets ces déçus, ces humaines usures,
Dans ton neuf et vert paradis !
Ils revoient aussitôt cet avenir sans terme
Par quoi l'enfant est exhorté ;
Leur espoir se rallie aux innombrables germes
De la verte nativité !
Ils retrouvent, parmi ces arômes précoces
De la saison qui contient tout.
Leur cœur jeune et puissant, gonflé comme une cosse
Que forcent les grains durs et doux.
Ils se disent : c'est nous que le futur escompte,
Qu'importent nos languissements !
Même quand nous flânons, notre route qui monte
Aboutit au bleu firmament !
Ils se disent : Les maux insignes, l'infortune
Sont pour d'autres, mais non pour nous :
La foudre perd son dard, la haine sa rancune
Dès qu'elles touchent nos genoux.
Ce qu'on n'accepte point jamais ne nous menace :
L'ardent esprit impose au sort ;
La jeunesse est l’archange enflammé, qui terrasse
L'ennui, l'évidence, la mort...
Mais les jours sont venus, ont passé ! Comment dire
Notre affreuse déception !
Seul, le silence peut prendre ce noir délire
Sous sa grande protection.
Quelle voix suffirait ! La muse Polymnie,
Les lèvres jointes, les yeux clos.
Convertissait le chant, la clameur infinie,
En silence qui parle haut ;
Et je n'aurais jamais avoué ma détresse,
O mol printemps pernicieux,
Si vous n'aviez pas fait se rouvrir ma jeunesse
Sous l'ample pression des cieux !
Autour des branchages foncés :
Aériens semis, verte et fine semoule,
Bourgeons crépus, frisés, froncés !
On ne sait quoi d'heureux se concerte et pullule
Dans l'azur enfin revenu.
— Invisible bonheur du printemps sans scrupules,
Et pourtant toujours ingénu,
Se peut-il qu'aujourd'hui votre brusque présence,
Solide comme un marbre bleu.
Altère ma tristesse, endorme ma prudence,
Et que je brûle avec vos feux ?
Se peut-il que, vraiment, mon ferme esprit oublie
Tous les forfaits de l'univers
Parce qu’ivre de jour un fol oiseau délie
Son bec, comme un pépin ouvert !
Quoi ! De l'azur pareil à quelque lac céleste,
Un bourdonnement de chaleur,
L'atmosphère bénigne, et qui fait de doux gestes
De bonté, d'odeurs, de couleurs,
Un silence qui semble épandre une promesse
De familière éternité,
De chauds cocons de fleurs, couvés par la caresse
De la suave immensité.
Serait-ce suffisant pour qu'on perde mémoire
Des pièges sanglants du destin,
Et pour que les sommets rougeoyants de l'Histoire
Se fondent dans un bleu matin ?
Hélas ! Que tout est beau, et que tout nous rappelle.
Sans rien d'usé, rien de terni,
Notre enfance au grand cœur, qui portait devant elle
Son rêve, que rien n'a béni !
Voilà donc ton miracle, enjôleuse Nature !
Tu reprends tes enfants grandis.
Et tu mets ces déçus, ces humaines usures,
Dans ton neuf et vert paradis !
Ils revoient aussitôt cet avenir sans terme
Par quoi l'enfant est exhorté ;
Leur espoir se rallie aux innombrables germes
De la verte nativité !
Ils retrouvent, parmi ces arômes précoces
De la saison qui contient tout.
Leur cœur jeune et puissant, gonflé comme une cosse
Que forcent les grains durs et doux.
Ils se disent : c'est nous que le futur escompte,
Qu'importent nos languissements !
Même quand nous flânons, notre route qui monte
Aboutit au bleu firmament !
Ils se disent : Les maux insignes, l'infortune
Sont pour d'autres, mais non pour nous :
La foudre perd son dard, la haine sa rancune
Dès qu'elles touchent nos genoux.
Ce qu'on n'accepte point jamais ne nous menace :
L'ardent esprit impose au sort ;
La jeunesse est l’archange enflammé, qui terrasse
L'ennui, l'évidence, la mort...
Mais les jours sont venus, ont passé ! Comment dire
Notre affreuse déception !
Seul, le silence peut prendre ce noir délire
Sous sa grande protection.
Quelle voix suffirait ! La muse Polymnie,
Les lèvres jointes, les yeux clos.
Convertissait le chant, la clameur infinie,
En silence qui parle haut ;
Et je n'aurais jamais avoué ma détresse,
O mol printemps pernicieux,
Si vous n'aviez pas fait se rouvrir ma jeunesse
Sous l'ample pression des cieux !
535. Contentement
Réjouissance du froid,
Sa secrète odeur métallique,
Quand les flots du vent dans les bois
Enflent de leurs clameurs épiques
Les grands branchages aux abois !
Le sol sec sonne sous les pas.
Clarté d'un matin de Décembre !
Le ciel est miroitant et plat.
D'un bleu fluide mêlé d'ambre.
— Et toujours la subtile odeur
De ce froid clair, aigu, moqueur,
Qui vient étreindre le visage !
— O beauté d'un froid paysage,
Fierté misérable du sol
Aride comme un dur rivage,
Cependant que, riant et fol,
Tout amusé de son aisance,
— Tel sous un jaune parasol
Un Japonais qui jongle et danse —
Le soleil, ce bel étranger,
Que le froid fait se rengorger,
Crépite, étincelle, s'ébroue,
Darde ses couteaux, fait la roue,
Ne peut pas être fatigué !
— Qu'il est insouciant et gai
Dans son ivresse solitaire.
Ce soleil de toute la terre.
Alors que le pâle Occident
Est déchiré à coups de dents
Par la rude et claire tempête !
Tout nous quitte !... Mais tout à coup
Un oiseau qui gonfle son cou
Semble proclamer à tue-tête.
Faisant face au cinglant éther.
Qu'il n'abandonne pas l'hiver !
Sa secrète odeur métallique,
Quand les flots du vent dans les bois
Enflent de leurs clameurs épiques
Les grands branchages aux abois !
Le sol sec sonne sous les pas.
Clarté d'un matin de Décembre !
Le ciel est miroitant et plat.
D'un bleu fluide mêlé d'ambre.
— Et toujours la subtile odeur
De ce froid clair, aigu, moqueur,
Qui vient étreindre le visage !
— O beauté d'un froid paysage,
Fierté misérable du sol
Aride comme un dur rivage,
Cependant que, riant et fol,
Tout amusé de son aisance,
— Tel sous un jaune parasol
Un Japonais qui jongle et danse —
Le soleil, ce bel étranger,
Que le froid fait se rengorger,
Crépite, étincelle, s'ébroue,
Darde ses couteaux, fait la roue,
Ne peut pas être fatigué !
— Qu'il est insouciant et gai
Dans son ivresse solitaire.
Ce soleil de toute la terre.
Alors que le pâle Occident
Est déchiré à coups de dents
Par la rude et claire tempête !
Tout nous quitte !... Mais tout à coup
Un oiseau qui gonfle son cou
Semble proclamer à tue-tête.
Faisant face au cinglant éther.
Qu'il n'abandonne pas l'hiver !
534. Joviale odeur de la neige ....
Joviale odeur de la neige
Plus bleue que blanche ! et le silence
De tout ce sucre glacial,
Qui papillote, et qui protège
De son calme repos loyal
Le sol où le printemps commence !
— Printemps caché de Février,
Vous me chauffez, vous me riez
De dessous cette nappe claire
De froide farine stellaire,
En ce beau matin d'azur gai !
Le cœur ébloui, intrigué,
J'écoute, Sybille terrestre,
Printemps ! vos souterrains orchestres !
O forces de la profondeur,
Qui, à coups de petites fleurs.
De fines et frêles papules,
De filaments, de vertes bulles,
De petits jets sucrés, laiteux,
Qui tous se concertent entre eux,
En deux mois d'efforts allez faire
S'ouvrir d'amour toute la terre !
Une biche passe à pas lents;
Son souffle est sur son front dolent
Comme une vapeur de théière.
O molle neige cachottière,
Tous vos rires de corail blanc
Annoncent les jeux pétulants
Des belles ruses printanières !
Sur vos édredons cristallins
Cette nuit sont venus s'ébattre,
— Sorciers fourchus et clandestins —
Des pieds de chevreuils et de martres.
O neige, l'hiver est passé !
Ton grand silence, condensé
En mousseuse verroterie,
Prépare la jeune prairie :
Prairie où nous verrons éclos,
Sirupeux et battant de l'aile,
Ces écarlates hirondelles :
Les frémissants coquelicots !
— Neige, brillant sorbet d'étoiles,
Sur ta gouache épaisse et sans plis
Les pas des oiseaux ont molli
Et tracent de légers pétales.
Un roitelet frileux, touffu.
Tassé sur la branche, répète
Son cri aigrelet, vif, pointu
Comme un grain d'épine-vinette.
Ciel et terre sont scintillants :
Je sens que le jeune Orient
Frémit sous la neige laquée,
Comme un groupe d'enfants, riant
Au fond d'une blanche mosquée !...
Les Forces Eternelles
Plus bleue que blanche ! et le silence
De tout ce sucre glacial,
Qui papillote, et qui protège
De son calme repos loyal
Le sol où le printemps commence !
— Printemps caché de Février,
Vous me chauffez, vous me riez
De dessous cette nappe claire
De froide farine stellaire,
En ce beau matin d'azur gai !
Le cœur ébloui, intrigué,
J'écoute, Sybille terrestre,
Printemps ! vos souterrains orchestres !
O forces de la profondeur,
Qui, à coups de petites fleurs.
De fines et frêles papules,
De filaments, de vertes bulles,
De petits jets sucrés, laiteux,
Qui tous se concertent entre eux,
En deux mois d'efforts allez faire
S'ouvrir d'amour toute la terre !
Une biche passe à pas lents;
Son souffle est sur son front dolent
Comme une vapeur de théière.
O molle neige cachottière,
Tous vos rires de corail blanc
Annoncent les jeux pétulants
Des belles ruses printanières !
Sur vos édredons cristallins
Cette nuit sont venus s'ébattre,
— Sorciers fourchus et clandestins —
Des pieds de chevreuils et de martres.
O neige, l'hiver est passé !
Ton grand silence, condensé
En mousseuse verroterie,
Prépare la jeune prairie :
Prairie où nous verrons éclos,
Sirupeux et battant de l'aile,
Ces écarlates hirondelles :
Les frémissants coquelicots !
— Neige, brillant sorbet d'étoiles,
Sur ta gouache épaisse et sans plis
Les pas des oiseaux ont molli
Et tracent de légers pétales.
Un roitelet frileux, touffu.
Tassé sur la branche, répète
Son cri aigrelet, vif, pointu
Comme un grain d'épine-vinette.
Ciel et terre sont scintillants :
Je sens que le jeune Orient
Frémit sous la neige laquée,
Comme un groupe d'enfants, riant
Au fond d'une blanche mosquée !...
Les Forces Eternelles
533. Eté, je ne peux pas ...
Été, je ne peux pas me souvenir de vous :
Tel est votre secret, et telle votre force.
Que dès que je vous vois jaillir de toute écorce
Un radieux effroi fait trembler mes genoux !
Quoi ! Vous étiez ainsi l'autre année, et vous êtes
Ce même éclatement de verdure et d'odeur,
Cet excès d'abandon et de molle tempête
Par quoi vous endormez ou déchaînez le cœur ?
— Le monde est un pompeux pavillon de feuillage
Les bosquets, panachés de bouquets triomphants,
Se balancent ainsi qu'au dos des éléphants
L'éclatant palanquin de l'Inde qui voyage.
L'odeur d'eau d'un torrent s'envole avec gaîté
Et s'épand en subtile et liquide poussière ;
Je songe à mon enfance, où j'ai tant souhaité
Voir l'eau d'un lac charmant rester bleue dans mon verre I
Par ma fenêtre ouverte une guêpe tanguant
Se heurte à tout l'azur et bondit dans ma chambre.
Son corps impétueux, couleur d'agate et d'ambre,
Semble être pourchassé par son propre ouragan.
J'entends les mille chants légers de la Nature ;
Tout composé de bruits, que le silence est beau!
Je vois la fleur crémeuse et large des sureaux
Comme une Voie lactée rêver dans la verdure.
Et le vent buissonnier, indocile, riant,
Chargé de ciel, d'espace et de longs paysages,
Est pareil à ces vins venus de l'Orient
Dont le secret empois a le goût du voyage...
Les Forces Eternelles
Tel est votre secret, et telle votre force.
Que dès que je vous vois jaillir de toute écorce
Un radieux effroi fait trembler mes genoux !
Quoi ! Vous étiez ainsi l'autre année, et vous êtes
Ce même éclatement de verdure et d'odeur,
Cet excès d'abandon et de molle tempête
Par quoi vous endormez ou déchaînez le cœur ?
— Le monde est un pompeux pavillon de feuillage
Les bosquets, panachés de bouquets triomphants,
Se balancent ainsi qu'au dos des éléphants
L'éclatant palanquin de l'Inde qui voyage.
L'odeur d'eau d'un torrent s'envole avec gaîté
Et s'épand en subtile et liquide poussière ;
Je songe à mon enfance, où j'ai tant souhaité
Voir l'eau d'un lac charmant rester bleue dans mon verre I
Par ma fenêtre ouverte une guêpe tanguant
Se heurte à tout l'azur et bondit dans ma chambre.
Son corps impétueux, couleur d'agate et d'ambre,
Semble être pourchassé par son propre ouragan.
J'entends les mille chants légers de la Nature ;
Tout composé de bruits, que le silence est beau!
Je vois la fleur crémeuse et large des sureaux
Comme une Voie lactée rêver dans la verdure.
Et le vent buissonnier, indocile, riant,
Chargé de ciel, d'espace et de longs paysages,
Est pareil à ces vins venus de l'Orient
Dont le secret empois a le goût du voyage...
Les Forces Eternelles
532. Matin de printemps
La pluie, enveloppante, ombrage
L'espace, les bois, la prairie,
Et forme sur le paysage
Une cage en verroterie.
C'est la pluie allègre d'avril,
Elle est mince, dansante et lâche
Comme des perles sur un fil.
Elle est joyeuse ! C'est sa tâche
De descendre en jets allongés,
De se glisser, de se loger
Dans les fentes et les entailles
Des bourgeons aux vertes écailles,
Acérés comme un dur métal.
— Soudain la voici qui s'arrête
Et qui suspend ses gouttelettes
Comme une glycine en cristal.
Déchaînant son étourderie,
Le vent, trébuchant et dansant,
Éparpille sur la prairie
Ses lambeaux d'air réjouissants.
Le soleil renaît, résolu.
— Que l'air est bon quand il a plu !
Le sol, que l'onde pénétrait,
Délivre ses parfums secrets :
Odeur de résines, de graines,
Fines essences souterraines,
Secs effluves des minéraux...
La vrille du chant d'un oiseau
Fouille le ciel et le perfore.
L'azur est peinturé d'aurore.
Jamais midi n'a tant brillé.
Tout éclate de bonne chance !
Un jardin, respirant, élance
Ses mois arômes vanillés.
Une poule, ivre de jactance.
Lasse, heureuse, les yeux cillés.
Adresse au poudroyant silence
Son long hoquet ensoleillé...
Les Forces Eternelles
L'espace, les bois, la prairie,
Et forme sur le paysage
Une cage en verroterie.
C'est la pluie allègre d'avril,
Elle est mince, dansante et lâche
Comme des perles sur un fil.
Elle est joyeuse ! C'est sa tâche
De descendre en jets allongés,
De se glisser, de se loger
Dans les fentes et les entailles
Des bourgeons aux vertes écailles,
Acérés comme un dur métal.
— Soudain la voici qui s'arrête
Et qui suspend ses gouttelettes
Comme une glycine en cristal.
Déchaînant son étourderie,
Le vent, trébuchant et dansant,
Éparpille sur la prairie
Ses lambeaux d'air réjouissants.
Le soleil renaît, résolu.
— Que l'air est bon quand il a plu !
Le sol, que l'onde pénétrait,
Délivre ses parfums secrets :
Odeur de résines, de graines,
Fines essences souterraines,
Secs effluves des minéraux...
La vrille du chant d'un oiseau
Fouille le ciel et le perfore.
L'azur est peinturé d'aurore.
Jamais midi n'a tant brillé.
Tout éclate de bonne chance !
Un jardin, respirant, élance
Ses mois arômes vanillés.
Une poule, ivre de jactance.
Lasse, heureuse, les yeux cillés.
Adresse au poudroyant silence
Son long hoquet ensoleillé...
Les Forces Eternelles
531. Le ciel est d'un bleu ....
Le ciel est d'un bleu qui jubile,
Un oiseau que je ne puis voir
Chante, le beau jour immobile
Proclame un véhément espoir.
Espoir de quoi ? Le temps, en somme,
D'aimer n'est pas indéfini ;
Alors, qu'importe au cœur des hommes
Ce ciel heureux, ce bleu béni ?
Comment ! J'entendrais dans la rue,
Dans l'air, aux volets des maisons
Fourmiller la tendre saison
Sans qu'elle soit pour moi venue ?
Sans qu'elle me promette tout,
L'amour seulement, c'est-à-dire,
Mais l'amour par qui l'on respire
Et sans qui rien n'a plus de goût.
L'amour plus sûr que la science
Qui rêve et qui découvre enfin,
L'amour plus fiévreux que la faim,
Plus rusé que la patience.
L'amour hardi comme un vaisseau
Où, sur les flots que le vent mêle,
L'odeur du goudron bat des ailes
Et fustige les matelots !
Amour, tâche pure et certaine,
Acte joyeux et sans remords,
Le seul combat contre la mort,
La seule arme proche et lointaine
Dont dispose, en sa pauvreté,
L'être hanté d'éternité !
Les Forces Eternelles
Un oiseau que je ne puis voir
Chante, le beau jour immobile
Proclame un véhément espoir.
Espoir de quoi ? Le temps, en somme,
D'aimer n'est pas indéfini ;
Alors, qu'importe au cœur des hommes
Ce ciel heureux, ce bleu béni ?
Comment ! J'entendrais dans la rue,
Dans l'air, aux volets des maisons
Fourmiller la tendre saison
Sans qu'elle soit pour moi venue ?
Sans qu'elle me promette tout,
L'amour seulement, c'est-à-dire,
Mais l'amour par qui l'on respire
Et sans qui rien n'a plus de goût.
L'amour plus sûr que la science
Qui rêve et qui découvre enfin,
L'amour plus fiévreux que la faim,
Plus rusé que la patience.
L'amour hardi comme un vaisseau
Où, sur les flots que le vent mêle,
L'odeur du goudron bat des ailes
Et fustige les matelots !
Amour, tâche pure et certaine,
Acte joyeux et sans remords,
Le seul combat contre la mort,
La seule arme proche et lointaine
Dont dispose, en sa pauvreté,
L'être hanté d'éternité !
Les Forces Eternelles
530. Jour de Juin
Beau jour, tout composé de vert, de bleu cuisant,
Dont le grésillement est menu et paisible,
L'été t'a recouvert d'une gaze d'argent
Qui veut te rendre incorruptible.
Tu semblés protégé, depuis ton clair matin,
Par la fine coupole amollie et soyeuse
De la chaleur, qui croit prolonger ton destin
Par sa force tendre et soigneuse.
Se peut-il, jour parfait, que ton charme obstiné
Résiste au soir naissant ? Déjà les hirondelles
Font entendre leurs cris rassembleurs et fidèles,
Déjà la cloche du dîner
Fait jaillir à travers les blanches clématites
Ses bonds de chevreau fol, à sa corde lié;
Quel rappel de l'enfance en mon âme suscite
Cet humble angélus familier !
Beau jour, le faible soir vous absorbe et vous cède
A la nuit, dont chaque heure est de l'éternité,
Tant ce qui meurt est mort ! Car qui de nous possède
Un seul jour des anciens étés ?
Combien de fois déjà ces pêches azurées
Que sont les cieux dé juin, onctueux, succulents,
Ont-ils nourri avec leurs sèves bigarrées
Mon regard, comme eux opulent ?
Qu'ai-je fait de ces jours dont le suc d'or s'exprime
Sur les yeux éblouis et l'espoir frémissant ?
Ai-je aimé pour eux seuls ces espaces sublimes
Qui voudraient sembler innocents ?
Ai-je d'un cœur dévot, virginal et tranquille
Vénéré dans l'éther les invisibles dieux
Lorsque le soir pâmé étend ses roses huiles
Comme un sanglot voluptueux ?
D'où vient ce chaud pouvoir des soirs qui nous fascinent,
Quand l'hirondelle jette en cercle dans l'azur
Ses cris persécutés d'oiseau qu'on assassine,
Suivis d'un silence ample et pur.
Une abbesse accoudée au puits d'un monastère
Est un lys infini s'allongeant jusqu'aux cieux,
Mais jamais je n'ai cru que le ciel ni la terre
Combleraient mon cœur anxieux.
Je ne contemple pas l'activité suave
De ces soirs traversés par des flèches d'oiseaux
Sans frémir d'écouter l'appel sourd et si grave
Qui monte des bois et des eaux.
Je m'abandonne à vous, éparse songerie
Où le divin s'unit à de profonds instincts;
J'ai toujours déchiffré votre antique furie,
Beaux soirs faussement enfantins !
Comme un métal sur qui le dur marteau s'abaisse,
Mon être, en qui s'émeut le bloc tremblant des pleurs,
Sent descendre sur lui d'implacables caresses,
Jusqu'à l'éclatement du cœur !...
Dont le grésillement est menu et paisible,
L'été t'a recouvert d'une gaze d'argent
Qui veut te rendre incorruptible.
Tu semblés protégé, depuis ton clair matin,
Par la fine coupole amollie et soyeuse
De la chaleur, qui croit prolonger ton destin
Par sa force tendre et soigneuse.
Se peut-il, jour parfait, que ton charme obstiné
Résiste au soir naissant ? Déjà les hirondelles
Font entendre leurs cris rassembleurs et fidèles,
Déjà la cloche du dîner
Fait jaillir à travers les blanches clématites
Ses bonds de chevreau fol, à sa corde lié;
Quel rappel de l'enfance en mon âme suscite
Cet humble angélus familier !
Beau jour, le faible soir vous absorbe et vous cède
A la nuit, dont chaque heure est de l'éternité,
Tant ce qui meurt est mort ! Car qui de nous possède
Un seul jour des anciens étés ?
Combien de fois déjà ces pêches azurées
Que sont les cieux dé juin, onctueux, succulents,
Ont-ils nourri avec leurs sèves bigarrées
Mon regard, comme eux opulent ?
Qu'ai-je fait de ces jours dont le suc d'or s'exprime
Sur les yeux éblouis et l'espoir frémissant ?
Ai-je aimé pour eux seuls ces espaces sublimes
Qui voudraient sembler innocents ?
Ai-je d'un cœur dévot, virginal et tranquille
Vénéré dans l'éther les invisibles dieux
Lorsque le soir pâmé étend ses roses huiles
Comme un sanglot voluptueux ?
D'où vient ce chaud pouvoir des soirs qui nous fascinent,
Quand l'hirondelle jette en cercle dans l'azur
Ses cris persécutés d'oiseau qu'on assassine,
Suivis d'un silence ample et pur.
Une abbesse accoudée au puits d'un monastère
Est un lys infini s'allongeant jusqu'aux cieux,
Mais jamais je n'ai cru que le ciel ni la terre
Combleraient mon cœur anxieux.
Je ne contemple pas l'activité suave
De ces soirs traversés par des flèches d'oiseaux
Sans frémir d'écouter l'appel sourd et si grave
Qui monte des bois et des eaux.
Je m'abandonne à vous, éparse songerie
Où le divin s'unit à de profonds instincts;
J'ai toujours déchiffré votre antique furie,
Beaux soirs faussement enfantins !
Comme un métal sur qui le dur marteau s'abaisse,
Mon être, en qui s'émeut le bloc tremblant des pleurs,
Sent descendre sur lui d'implacables caresses,
Jusqu'à l'éclatement du cœur !...
529. Une heure d'été
Un store jaune, un rosier rose,
L'azur compact et scintillant
Qui parmi les maisons repose
Comme un lait bleu dans un bol blanc,
Une abeille, mol équilibre,
Poids vibrant, velouté, penché,
Qui s'enchaîne aux fleurs, et puis, libre.
Semble en volant se pourchasser.
Le silence, fleuve limpide.
Où, calme navigation,
Indéfiniment se dévident
De fines intonations.
Voilà la beauté pure et pleine
D'un jour par les dieux composé ;
Mais, ô Nuit, comme vous brisez
Cette ineffable porcelaine...
Les Forces Eternelles
L'azur compact et scintillant
Qui parmi les maisons repose
Comme un lait bleu dans un bol blanc,
Une abeille, mol équilibre,
Poids vibrant, velouté, penché,
Qui s'enchaîne aux fleurs, et puis, libre.
Semble en volant se pourchasser.
Le silence, fleuve limpide.
Où, calme navigation,
Indéfiniment se dévident
De fines intonations.
Voilà la beauté pure et pleine
D'un jour par les dieux composé ;
Mais, ô Nuit, comme vous brisez
Cette ineffable porcelaine...
Les Forces Eternelles
528. L'esprit parfois retourne
L'esprit parfois retourne à des séjours lointains,
A de charmants climats aimés dans la jeunesse,
Et voici que dans l'àme abondamment renaissent
Les pétillantes nuits et les naïfs matins.
Je me souviens, ce soir, d'un jardin près de Nice,
Acide à l'odorat par ses mandariniers,
Tendre par ses palmiers inclinés qui bénissent
Les oiseaux turbulents et l'étang résigné.
J'avais vingt ans, j'étais une enfant qui contemple
L'exaltant univers avec un humble amour,
Et cependant, pareille aux colonnes des temples.
Je portais le divin sans le sentir trop lourd !
J'étais une enfant triste, enivrée et chétive,
Avec je ne sais quoi de fort comme la mer
Qui ne saurait manquer, alors qu'il faut que vive
Un corps léger qu'anime un ouragan amer.
La nuit, me soulevant d'un lit tiède et paisible,
M'accoudant au balcon, j'interrogeais les cieux.
Et j'échangeais avec la nue inaccessible
Le langage sacré du silence et des yeux.
Ah ! que je me souviens, enfant grave et profonde,
De vous qui fûtes moi ! Comme j'entends encor
Les grenouilles chanter, ces cigales de l'onde,
Dont l'humide gosier, pareil au son du cor,
Mène autour des bassins une pleurante chasse
Où passe le galop léger du temps qui fuit :
Ce galop délicat, ténébreux, plein d'ennui,
Qu'absorbe sans répit le nonchalant espace...
J'entendais cette plainte et je voyais les cieux,
L'ombre nouait à moi ses frais rubans qui mouillent,
Et j'écoutais perler le sanglot des grenouilles :
Roucoulement de bois, hoquet mystérieux.
Assistantes des nuits, qui, dans les noirs herbages,
Egouttez votre chant d'un rauque et pur cristal,
Peut-être la rosée est-elle le sillage
Que laissent vos soupirs sur le sol matinal ?
Chanteuses sans éclat, qu'on méprise et qu'on blâme.
Vous qui patiemment, longuement protestez
Contre l'enchantement suspect des nuits d'été
Où toutes les beautés sont mortelles à l'âme,
Votre pauvre cantate emplissait mon esprit
Plus que le sublime œil des étoiles fringantes ;
Nous adressions ensemble à la nuit provocante
Vos reproches confus, mais que j'avais compris.
Vous égreniez en moi vos trébuchants rosaires,
Et, devant la splendeur des astres éloignés,
Je sentais s'accorder avec votre misère
Mon cœur, autant que vous par les cieux dédaigné...
Les Forces Eternelles
A de charmants climats aimés dans la jeunesse,
Et voici que dans l'àme abondamment renaissent
Les pétillantes nuits et les naïfs matins.
Je me souviens, ce soir, d'un jardin près de Nice,
Acide à l'odorat par ses mandariniers,
Tendre par ses palmiers inclinés qui bénissent
Les oiseaux turbulents et l'étang résigné.
J'avais vingt ans, j'étais une enfant qui contemple
L'exaltant univers avec un humble amour,
Et cependant, pareille aux colonnes des temples.
Je portais le divin sans le sentir trop lourd !
J'étais une enfant triste, enivrée et chétive,
Avec je ne sais quoi de fort comme la mer
Qui ne saurait manquer, alors qu'il faut que vive
Un corps léger qu'anime un ouragan amer.
La nuit, me soulevant d'un lit tiède et paisible,
M'accoudant au balcon, j'interrogeais les cieux.
Et j'échangeais avec la nue inaccessible
Le langage sacré du silence et des yeux.
Ah ! que je me souviens, enfant grave et profonde,
De vous qui fûtes moi ! Comme j'entends encor
Les grenouilles chanter, ces cigales de l'onde,
Dont l'humide gosier, pareil au son du cor,
Mène autour des bassins une pleurante chasse
Où passe le galop léger du temps qui fuit :
Ce galop délicat, ténébreux, plein d'ennui,
Qu'absorbe sans répit le nonchalant espace...
J'entendais cette plainte et je voyais les cieux,
L'ombre nouait à moi ses frais rubans qui mouillent,
Et j'écoutais perler le sanglot des grenouilles :
Roucoulement de bois, hoquet mystérieux.
Assistantes des nuits, qui, dans les noirs herbages,
Egouttez votre chant d'un rauque et pur cristal,
Peut-être la rosée est-elle le sillage
Que laissent vos soupirs sur le sol matinal ?
Chanteuses sans éclat, qu'on méprise et qu'on blâme.
Vous qui patiemment, longuement protestez
Contre l'enchantement suspect des nuits d'été
Où toutes les beautés sont mortelles à l'âme,
Votre pauvre cantate emplissait mon esprit
Plus que le sublime œil des étoiles fringantes ;
Nous adressions ensemble à la nuit provocante
Vos reproches confus, mais que j'avais compris.
Vous égreniez en moi vos trébuchants rosaires,
Et, devant la splendeur des astres éloignés,
Je sentais s'accorder avec votre misère
Mon cœur, autant que vous par les cieux dédaigné...
Les Forces Eternelles
527. Le cri des hirondelles
Hirondelles du crépuscule
Qui volez sur un ciel de fleurs,
Un ciel couleur de renoncule
Et couleur de pois de senteurs.
Vous qui mêlez par vos coups d'ailes
Ce rose et bleu des ciels du soir,
Et qui jetez vos cris d'espoir,
Mélancoliques hirondelles,
Cris d'espoir plaintifs, anxieux,
Qu'ont aussi les trains qui pénètrent
Dans l'humble et respirant bien-être
Des horizons silencieux,
Hirondelles mélancoliques,
Qui sillonnez l'azur où luit
La pure étoile spasmodique,
Muet balbutiement des nuits,
Pourquoi vos longs vols en détresse
Percent-ils le cœur, harcelé
Du besoin d'être consolé
De la beauté, de la tendresse,
Consolé même de l'amour.
De sa paix distraite ou pensive,
Quand l'amour n'a pas chaque jour
Ses saintes fureurs excessives ?
Que sais-je de plus fou que vous.
Oiseaux dont les cris tourbillonnent ?
Peut-être la nuée où tonne
Le romanesque orage d'août,
Peut-être, dans les soirs trop tendres,
Le flot d'odeurs glissant des bois,
Peut-être le trouble d'attendre.
Secrètement, l'on ne sait quoi...
Les Forces Eternelles
Qui volez sur un ciel de fleurs,
Un ciel couleur de renoncule
Et couleur de pois de senteurs.
Vous qui mêlez par vos coups d'ailes
Ce rose et bleu des ciels du soir,
Et qui jetez vos cris d'espoir,
Mélancoliques hirondelles,
Cris d'espoir plaintifs, anxieux,
Qu'ont aussi les trains qui pénètrent
Dans l'humble et respirant bien-être
Des horizons silencieux,
Hirondelles mélancoliques,
Qui sillonnez l'azur où luit
La pure étoile spasmodique,
Muet balbutiement des nuits,
Pourquoi vos longs vols en détresse
Percent-ils le cœur, harcelé
Du besoin d'être consolé
De la beauté, de la tendresse,
Consolé même de l'amour.
De sa paix distraite ou pensive,
Quand l'amour n'a pas chaque jour
Ses saintes fureurs excessives ?
Que sais-je de plus fou que vous.
Oiseaux dont les cris tourbillonnent ?
Peut-être la nuée où tonne
Le romanesque orage d'août,
Peut-être, dans les soirs trop tendres,
Le flot d'odeurs glissant des bois,
Peut-être le trouble d'attendre.
Secrètement, l'on ne sait quoi...
Les Forces Eternelles
526. La paix du soir - Matin d'été
LA PAIX DU SOIR
Dans l'éther où la lune luit,
Et verse sur la capitale
Sa grande paix provinciale,
Une horloge sonne minuit.
A travers les nocturnes voiles,
Elle sonne, on ne sait pas d'où,
Et ce son est si pur, si doux.
Qu'il semble qu'une blanche étoile
Tombe du ciel à chaque coup :
Douze coups lents, chantants, tranquilles,
Comme l'argent dans la sébile...
MATIN D'ETE
Le chaud velours de l'air offre à la rêverie
Un divan duveteux où mon esprit s'ébat,
La verte crudité de la jeune prairie
Est pour l'œil ébloui un exaltant repas.
L'ombrage et le soleil quadrillent la pelouse
Où le brûlant matin se repose, encagé;
Il semble qu'en volant une guêpe recouse
Le merveilleux éther par ses jeux dérangé.
Mon immobile rêve a l'ampleur d'un voyage ;
J'entends le bruit mouvant et lointain de l'été :
Murmure énigmatique où tout est volupté.
Le ciel, aride et pur, est comme un bleu dallage,
Mon cœur calme bénit les dieux aériens,
Et je croise les mains, n'ayant besoin de rien
Que de penser à toi dans un clair paysage...
Les Forces Eternelles
Dans l'éther où la lune luit,
Et verse sur la capitale
Sa grande paix provinciale,
Une horloge sonne minuit.
A travers les nocturnes voiles,
Elle sonne, on ne sait pas d'où,
Et ce son est si pur, si doux.
Qu'il semble qu'une blanche étoile
Tombe du ciel à chaque coup :
Douze coups lents, chantants, tranquilles,
Comme l'argent dans la sébile...
MATIN D'ETE
Le chaud velours de l'air offre à la rêverie
Un divan duveteux où mon esprit s'ébat,
La verte crudité de la jeune prairie
Est pour l'œil ébloui un exaltant repas.
L'ombrage et le soleil quadrillent la pelouse
Où le brûlant matin se repose, encagé;
Il semble qu'en volant une guêpe recouse
Le merveilleux éther par ses jeux dérangé.
Mon immobile rêve a l'ampleur d'un voyage ;
J'entends le bruit mouvant et lointain de l'été :
Murmure énigmatique où tout est volupté.
Le ciel, aride et pur, est comme un bleu dallage,
Mon cœur calme bénit les dieux aériens,
Et je croise les mains, n'ayant besoin de rien
Que de penser à toi dans un clair paysage...
Les Forces Eternelles
Inscription à :
Articles (Atom)