17/11/2012

530. Jour de Juin

Beau jour, tout composé de vert, de bleu cuisant,
Dont le grésillement est menu et paisible,
L'été t'a recouvert d'une gaze d'argent
Qui veut te rendre incorruptible.

Tu semblés protégé, depuis ton clair matin,
Par la fine coupole amollie et soyeuse
De la chaleur, qui croit prolonger ton destin
Par sa force tendre et soigneuse.

Se peut-il, jour parfait, que ton charme obstiné
Résiste au soir naissant ? Déjà les hirondelles
Font entendre leurs cris rassembleurs et fidèles,
Déjà la cloche du dîner

Fait jaillir à travers les blanches clématites
Ses bonds de chevreau fol, à sa corde lié;
Quel rappel de l'enfance en mon âme suscite
Cet humble angélus familier !

Beau jour, le faible soir vous absorbe et vous cède
A la nuit, dont chaque heure est de l'éternité,
Tant ce qui meurt est mort ! Car qui de nous possède
Un seul jour des anciens étés ?

Combien de fois déjà ces pêches azurées
Que sont les cieux dé juin, onctueux, succulents,
Ont-ils nourri avec leurs sèves bigarrées
Mon regard, comme eux opulent ?

Qu'ai-je fait de ces jours dont le suc d'or s'exprime
Sur les yeux éblouis et l'espoir frémissant ?
Ai-je aimé pour eux seuls ces espaces sublimes
Qui voudraient sembler innocents ?

Ai-je d'un cœur dévot, virginal et tranquille
Vénéré dans l'éther les invisibles dieux
Lorsque le soir pâmé étend ses roses huiles
Comme un sanglot voluptueux ?

D'où vient ce chaud pouvoir des soirs qui nous fascinent,
Quand l'hirondelle jette en cercle dans l'azur
Ses cris persécutés d'oiseau qu'on assassine,
Suivis d'un silence ample et pur.

Une abbesse accoudée au puits d'un monastère
Est un lys infini s'allongeant jusqu'aux cieux,
Mais jamais je n'ai cru que le ciel ni la terre
Combleraient mon cœur anxieux.

Je ne contemple pas l'activité suave
De ces soirs traversés par des flèches d'oiseaux
Sans frémir d'écouter l'appel sourd et si grave
Qui monte des bois et des eaux.

Je m'abandonne à vous, éparse songerie
Où le divin s'unit à de profonds instincts;
J'ai toujours déchiffré votre antique furie,
Beaux soirs faussement enfantins !

Comme un métal sur qui le dur marteau s'abaisse,
Mon être, en qui s'émeut le bloc tremblant des pleurs,
Sent descendre sur lui d'implacables caresses,
Jusqu'à l'éclatement du cœur !...