05/02/2010

010. Le monument votif à Amphion. 2


009. Le monument votif à Amphion. 1


008. La tombe d'Anna de Noailles à Publier. 2


007. La tombe d'Anna de Noailles à Publier. 1

Ci dessus : la chapelle du couvent des Clarisses d'Evian (document d'archives)

Une image hanta durant toute son existence la comtesse de Noailles : celle du couvent des Clarisses d'Evian, où elle se rendait, le dimanche, avec un plaisir si fort, écrivait-elle en 1913 en se le remémorant, qu'il lui semblait y avoir "failli mourir de la joie de vivre". Elle y cherchait moins un lieu de prière qu'un endroit où pût fleurir l'émotion d'y connaître "un lieu puissant qui unit deux êtres, même après que se sont évanouies les sublimes illusions [...] saturé de mélancolie, d'espérance sans but et sans moyen, mais qui ne se lasse pas, et que j'appellerais le ciel".
Des raisons liturgiques ont empêché qu'y fut légué son cœur après sa mort comme elle le souhaitait. Pour réaliser son vœu de la meilleure façon possible, on le déposa dans le petit cimetière de Publier, en souvenir d'un poème des "Forces Éternelles":

Pousse la porte en bois du couvent des Clarisses,
C'est un balsamique relais,
La chapelle se baigne aux liquides délices
De vitraux bleus et violets.
Peut-être a-t-on mis là, comme je le souhaite,
Mon cœur qui doit tout à ces lieux,
A ces rives, ces prés, ces azurs qui m'ont faite
Une humaine pareille aux dieux.
S'il ne repose pas dans la blanche chapelle,
Il est sur le coteau charmant
Qu'ombragent les noyers penchants de Neuvecelle,
Demain montez y lentement.

Ainsi le vœu de la comtesse de Noailles a-t-il été exaucé : son cœur repose au cimetière de Publier, au-dessus d'Evian, et à Amphion, avant l'entrée du village, en bordure de la route qui va d'Evian à Thonon, un jardin votif descend vers le rivage. Sous un monument en forme de rotonde (message 09) se dresse une stèle commémorative sur laquelle sont gravés les vers du premier quatrain du poème cité ci-dessus (message 02)
Dans l'ouvrage qu'il a consacré à la poétesse sous le titre "Madame de Noailles dans le jardin de sa poésie", Guy de Pourtalès écrit : "La petite fille que le hasard prévoyant laissa croître dans l'odeur molle des châtaigniers, au pied des Allinges de Monseigneur de Sales, entre le rayonnement azuré du lac et l'ombre paysanne d'un couvent de Clarisses, elle eut beau recevoir toutes les palmes de la renommée, l'hommage de l'esprit et des foules, nous ne la verrons jamais autrement que savoyarde et tressant de ses jeunes mains les mystiques couronnes dont elle para ses reposoirs intimes. Cette grande européenne demeure native d'Amphion".

006. "Tu vis, je bois l'azur"


Tu vis, je bois l'azur qu'épanche ton visage,
Ton rire me nourrit comme d'un blé plus fin,
Je ne sais pas le jour, où, moins sûr et moins sage,
Tu me feras mourir de faim.

Solitaire, nomade et toujours étonnée,
Je n'ai pas d'avenir et je n'ai pas de toit,
J'ai peur de la maison, de l'heure et de l'année
Où je devrai souffrir de toi.

Même quand je te vois dans l'air qui m'environne,
Quand tu sembles meilleur que mon coeur ne rêva,
Quelque chose de toi sans cesse m'abandonne,
Car rien qu'en vivant tu t'en vas.

Tu t'en vas, et je suis comme ces chiens farouches
Qui, le front sur le sable où luit un soleil blanc,
Cherchent à retenir dans leur errante bouche
L'ombre d'un papillon volant.

Tu t'en vas, cher navire, et la mer qui te berce
Te vante de lointains et plus brûlants transports.
Pourtant, la cargaison du monde se déverse
Dans mon vaste et tranquille port.

Ne bouge plus, ton souffle impatient, tes gestes
Ressemblent à la source écartant les roseaux.
Tout est aride et nu hors de mon âme, reste
Dans l'ouragan de mon repos !

Quel voyage vaudrait ce que mes yeux t'apprennent
Quand mes regards joyaux font jaillir dans les tiens
Les soirs de galata, les forêts des Ardennes
Les lotus des fleuves indiens ?

Hélas ! quand ton élan, quand ton départ m'oppresse
Quand je ne peux t'avoir dans l'espace où tu cours
Je songe à la terrible et funèbre paresse
Qui viendra l'engourdir un jour.

Toi si gai, si content, si rapide et si brave,
Qui règnes sur l'espoir ainsi qu'un conquérant,
Tu rejoindras aussi ce grand peuple d'esclaves
Qui gît, muet et tolérant.

Je le vois comme un point délicat et solide
Par delà les instants, les horizons, les eaux,
Isolé, fascinant comme les Pyramides,
Ton étroit et fixe tombeau;

Et je regarde avec une affreuse tristesse,
Au bout d'un avenir que je ne verrai pas,
Ce mur qui te résiste et ce lieu où tu cesses,
Ce lit où s'arrêtent tes pas !

Tu seras mort, ainsi que David, qu'Alexandre,
Mort comme le thébain lançant ses javelots
Comme ce danseur grec dont j'ai pesé la cendre
Dans un musée au bord des flots.

J'ai vu sous le soleil d'un antique rivage
Qui subit la chaleur comme un céleste affront,
Des squelettes légers au fond des sarcophages,
Et j'ai touché leurs faibles fronts.

Et je savais que moi, qui contemplais ces restes,
J'étais déjà ce mort, mais encor palpitant,
Car de ces ossements à mon corps tendre et preste
Il faut le cours d'un peu de temps...

Je l'accepte pour moi ce sort si noir, si rude,
Je veux être ces yeux que l'infini creusait;
Mais, palmier de ma joie et de ma solitude,
Vous avec qui je me taisais,

Vous à qui j'ai donné, sans même vous le dire,
Comme un prince remet son épée au vainqueur,
La grâce de régner sur le mystique empire
Où, comme un Nil, s'épand mon coeur,

Vous en qui, flot mouvant, j'ai brisé tout ensemble,
Mes rêves, mes défauts, ma peine et ma gaîté,
Comme un palais debout qui se défait et tremble
Au miroir d'un lac agité,

Faut-il que vous aussi, le Destin vous enrôle
Dans cette armée en proie aux livides torpeurs
Et que, réduit, le cou rentré dans les épaules,
Vous ayez l'aspect de la peur.

Que plus que le froid, sans regard, sans oreille,
Germe qui se rendort dans l'oeuf universel
Vous soyez cette cire âcre, dont les abeilles
Ecartent leur vol fraternel !

N'est-il pas suffisant que déjà moi je parte,
Que j'aille me mêler aux fantômes hagards,
Moi qui, plus qu'Andromaque et qu'Hélène de Sparte,
Ai vu guerroyer des regards ?

Mon amour, je me hais, je méprise mon âme,
Ce détestable orgueil qu'ont les filles des rois,
Puisque je ne peux pas être un rempart de flamme
Entre la triste mort et toi !

Mais puisque tout survit, que rien de nous ne passe,
Je songe, sous les cieux où la nuit va venir,
A cette éternité du temps et de l'espace
Dont tu ne pourras pas sortir.

O beauté des printemps, alacrité des neiges,
Rassurantes parois du vase immense et clos
Où, comme de joyeux et fidèles arpèges,
Tout monte et chante sans repos.

005. Anna de Noailles : bibliographie


Louis PERCHE
Anna de Noailles
Seghers 1964
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Claude MIGNOT-OGLIASTRI
Anna de Noailles
Méridiens Klincksieck - 1986
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François BROCHE.
Anna de Noailles, un mystère en pleine lumière.
Robert Laffont - 1990
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Angela BARGENDA
La poésie d'Anna de Noailles
L'Harmattan - 1995
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Antoine GALLIEN
Anna de Noailles
Vidéo de la série "Un siècle d'écrivains"
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Jean LARNAC
Comtesse de Noailles, sa vie son oeuvre.
Sagittaire - 1931
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Edmée de la ROCHEFOUCAULT
Anna de Noailles
Mercure de France - 1976
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Marthe BORELY
L'émouvante destinée d'Anna de Noailles
Éditions Albert - 1939
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Jean COCTEAU
La Comtesse de Noailles, oui ou non
Librairie Académique Perrin
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Vassiliki LALAGIANNI
Anna de Noailles et le monde sensible.
Thèse présentée en vue de l'obtention du Doctorat de l'Université de Metz,
sous la direction de Monsieur Michel Baude, professeur des Universités (1989)
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Elyane SAVY
Étude de l'imaginaire dans l'œuvre d'Anna de Noailles.
Thèse pour le Doctorat de troisième cycle
Université de La Sorbonne Nouvelle - UER de Littérature française (1982)
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