11/02/2012

469. Anna de Noailles : quelques images

 --------------
 ---------------
 ---------------
---------------
----------------

468. Anna de Noailles : portrait

Anna de Noailles

467. Anna de Noailles. Trois caricatures

Anna de Noailles par Izi

 Anna de Noailles et Jean Cocteau

Anna de Noailles et Marcel Proust

466. Deux lettres à Maurice Barrès

Paris, Lundi 30 juillet 1906
Mon ami, vous me manquez plus que je ne puis vous dire, la vie cesse loin de votre amitié visible. Mes lettres, qui n'ont pas le divin accent des vôtres, vous apportent-elles du moins la détresse de mon regard sur cet été si beau, si vide. J'en arrive à une discipline de couvent pour ne pas me désespérer, pour exister
Lire à telle heure, sortir à telle heure, mais la rêverie baigne tant mon coeur que, tout à l'heure, lisant la description d'un dîner que faisaient sous les bambous d'un jardin de Malaisie, au dix-huitième siècle, deux tendres voyageurs, je me sentais mourir de nostalgie, de poésie, de vague et torturante espérance.
Sentez, mon ami, le poids de mes journées sans vous, comme moi je pense sans cesse au vide qui est autour de vous, et que, présente, je comblais de mon amitié infinie. Anna


Paris, Dimanche 29 juillet 1906
Mon ami votre lettre est meilleure que la vie, ce matin où je suis sans courage, triste, fatiguée sous le plus beau ciel. Votre voix lointaine, si bonne, mais voilée, c'est l'irréel, le rêve, - et la vérité qui fait mal c'est cette dure, éblouissante journée. Vous m'êtes plus précieux, meilleur encore, mais plus mystérieux aussi que dans nos après-midi de chez moi, avec tant de paroles, de disputes, d'appui, de concorde. Que c'est loin, indéfiniment loin mes goûters au ministère, mon émoi et ma farouche dignité politiques, mes silencieuses ou débordantes colères ! Je suis alanguie sous l'été, mon esprit replié ne s'ouvre qu'à l'instant de votre lettre, et je referme sur elle tous les soigneux pétales de la douce et triste rêverie. Et puis aussi la surprise de ne pas attendre à quatre heures votre visite fixe la monotone couleur de la journée, et les jours passent, douce cendre, dédiée à vous. [...] Dites-moi si vous vous portez bien; au revoir mon unique ami, toutes mes pensées pensent à vous. Anna
in "Correspondance 1901-1923, Anna de Noailles - Maurice Barrès",
Editions L'Inventaire, Paris 1994
--------------------------
Voir aussi le message 015
--------------------------

465. La chambre d'Anna de Noailles au Musée Carnavalet. Paris

La Chambre de Anna de Noailles au Musée Carnavalet.

Anna de Noailles a été l'une des figures les plus brillantes du monde littéraire du début du siècle. [...] Cette princesse grecque, a qui le mariage avait donné un nom français illustre, paraissait descendre tout droit du Parnasse avec le trépied de la Pythie pour prononcer ses oracles. Emerveillement d’autant plus doux que la Comtesse avait un visage plus séduisant, dévoré par ses admirables yeux sur les paupières desquels tombait la frange de ses cheveux noirs (E. Berl). Dès la parution de son premier recueil, "Le Coeur innombrable", elle connut un succès éclatant. Composés a vingt-quatre ans, ces vers où elle célébrait la nature et les lieux de son enfance l’imposèrent durablement aux yeux du public comme la muse des jardins -.
S’il faut croire qu’une chambre ressemble qui l’habite, celle d’Anna de Noailles a le mérite de surprendre. Elle a en effet la simplicité surannée d’une chambre de jeune fille vers 1900. Elle donne voir, à côté du personnage public, un autre visage, plus rêveur et méditatif.
C’est au 40 de la rue Scheffer où les Noailles emménagèrent en 1909 que fut installée la chambre aux cretonnes. Une porte capitonnée donnait accès a cette retraite toute tapissée de liège pour protéger l’écrivain des bruits domestiques (Proust en reprit l’idée). Sur le liège des cretonnes a lignes et à bouquets bleus s’harmonisaient avec les meubles Louis XV rechampis de bleu. La toile imprimée choisie ici recrée le cadre à la fois paisible et raffiné dans lequel Anna de Noailles aimait a se retrouver. Etendue sur son lit toute petite et menue dans ses écharpes de mousseline, au milieu de coussins soyeux, elle recevait, travaillait, composait. Un grand livre plat lui servait de sous-main. Sur les deux tables gigognes utilisées en tables de chevet s’entassait le désordre familier des objets et livres indispensables : étui a lunettes sur un tome de Hugo, bouilloire sur un volume de Montaigne
Au mur, deux compositions florales exécutées par Anna de Noailles. Le pastel ne fut jamais pour l’écrivain qu’un dérivatif, un passe-temps. Pourtant en juin 1927, la comtesse Greffulhe lui organisa une exposition a la galerie Bernheim : les pastels s’arrachèrent, tandis qu’Anna de Noailles, flattée mais lucide, considérait l’événement comme la plus vaste escroquerie du siècle. Ce décor somme toute modeste a nourri vingt ans durant les rêves et le labeur acharné de la poétesse : son œuvre ne compte pas moins de dix-sept volumes. Mais l’exubérance de la muse des jardins ne doit pas faire oublier l’écrivain reclus, miné par la maladie nerveuse et la révolte. Le versant solaire et sensuel de sa poésie est, en effet, inséparable dune inguérissable nostalgie. Et dans les dépouilles de la chambre aux cretonnes flotte le souvenir dune petite fille inconsolable qui écrivait pour ne pas mourir.

Source : http://carnavalet.paris.fr/fr/collections/chambre-de-anna-de-noailles