28/02/2010

089. Marcel Proust : "Les Eblouissements". 6

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En raison de sa longueur, le texte de Marcel Proust a été scindé en six parties (084 à 089)
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LES ÉBLOUISSEMENTS par la Comtesse de Noailles
6/6. Un bon écrivain qui ne serait qu'un bon écrivain aurait comparé le cœur à une urne pleine d'amour et ce gosier du printemps au gosier d'un oiseau. C'est le grand poète seul qui ose remplir le cœur d'urnes et le gosier d'oiseaux. Puis, laissant passer avec regret une admirable pièce sur Venise où
La dogana, le soir, montrant u boule d'or,
Semble arrêter le temps et prolonger encore
La forme du soleil qui descend dans l'abîme
et tant d'autres parmi celles que j'aime le mieux, j'arrive à la fin du volume à la dernière pièce sur les héros, les héros, tous les grande hommes du passé qui sont entrés dans la mort avec aisance :
Ainsi que des danseurs sacrés !
Ah ! laissez-moi partir,
s'écrie le poète,
… laissez que je rejoigne
Ce cortège chantant divin,
Que je sois la timide et rêveuse Compagne
Qui porte le sel et le vin !
Combien de fois, n'ayant plus la force de vivre,
Ai-je souvent souri, bondi
Pour avoir entendu les trompettes de cuivre
Des adolescents de Lodi !
Combien de fois, pendant ma dure promenade,
Mon cœur, quand vous vous fatiguiez,
Ai-je évoqué pour vous, dans la claire Troade
Achille sous un haut figuier !
Tout l'azur chaque jour tombé dans ma poitrine
S'élançait en gestes sans fin,
Comme on voit s’élever deux gerbes d'eau marine
Du souffle enivré des dauphins.
Je ne sais si vous vous êtes rendu compte combien vous vous êtes élevé depuis le commencement de cette pièce au-dessus de la zone où se plut souvent, où nous enchanta, l'auteur du "Cœur innommable" et de "l'Ombre des Jours" ; ici, aucune culture potagère ne pourrait plus vivre ; vous êtes entré dam la région des grandes altitudes.
Regardez devant vous : sous la blancheur éblouissante qui seule révèle leur prodigieuse hauteur, les sommets de la Légende des Siècles, quelques massifs sourcilleux, sans qu'on puisse exactement discerner dans l'azur où rien ne nous en sépare, à quelle distance ils se trouvent, semblent tout proches.
Au grand silence qui règne autour de tous les derniers vers que je vous ai cités, à la pureté du souffle qui passe sur eux et exalte vos forces, à l'immensité des horizons environnants et dominés, vous sentez que vous vous trouvez sur une cime.

Marcel Proust.
Le Figaro du 15 juin 1907,
in "Œuvres complètes" - Chroniques – NRF 1936

088. Marcel Proust : "Les Eblouissements". 5


5/6. Connaissez-vous une image plus splendide et plus parfaite que celle-ci [...] :
Comme une jeune esclave
Qui monte, qui descend, qui parfume et qui lave !
Là encore, pour comprendre toute la noblesse, toute la pureté, tout « l'inventé » de cette image si soudaine et si achevée, qui naît immédiate et complète, il faut relire la pièce, l'une des plus poussées en expression, des plus entièrement senties aussi de ce volume, peinte du commencement jusqu'à la fin, en face, en présence d'une sensation pourtant si fugace qu'on sent que l'artiste a dû être obligé de la recréer mille fois en lui pour prolonger les instants de la pose et pouvoir achever sa toile d'après nature, - une des plus étonnantes réussites, le chef-d'œuvre peut-être, de l’impressionnisme littéraire.
Notons au passage des homards bleus dont la couleur fera un peu de tapage, puis qui plairont à tous comme les hérons bleus, les flamants roses, les ours enivrés du raisin s et les jeunes crocodiles du début d'Atala qui, à l'époque, firent crier certaines gens et se sont fondus depuis dans la délicieuse couleur de l'ensemble.
Nous les signalons bravement, ces homards bleus, que nous trouvons, pour notre part, fort à notre goût, aux abbés Morellet du jour. Puis ce sont d'extraordinaires pièces sur la Perse, où
De beaux garçons persans en bonnets de fourrure,
Aux profils aussi ronds que de jeunes béliers,
disent à l'auteur
Nous déploierons pour vous de merveilleux tapis
Où l'on voit s'enfoncer sous des arcs d'églantine
Des lions langoureux et des cerfs assoupis,
tandis qu'un paon :
Enfoncera parfois dans les roses suaves
Son petit front étroit comme un serpent huppé ;
d'adorables strophes au Printemps, où il faudrait noter que dans ce vers
Entendez les oiseaux de mon brillant gosier.l'irrégularité de l'image ajoute une beauté, absolument comme dans ce vers de Baudelaire :
Et les urnes d'amour dont vos grands cœurs ont pleins.

087. Marcel Proust : "Les Eblouissements". 4


4/6. Je ne sais si vous me comprendrez et si le poète sera indulgent à ma rêverie. Mais bien souvent les moindres vers des "Eblouissements" me firent penser à ces cyprès géants, à ces sophoras roses que l'art du jardinier japonais fait tenir, hauts de quelques centimètres, dans un godet de porcelaine de Hizen. Mais l'imagination qui les contemple en même temps que les yeux, les voit, dans le monde des proportions, ce qu'ils sont en réalité, c'est à dire des arbres immenses. Et leur ombre grande comme la main donne à l'étroit carré de terre, de natte, ou de cailloux où elle promène lentement, les jours de soleil, ses songes plus que centenaires, l'étendue et la majesté d'une vaste campagne ou de la rive de quelque grand fleuve.
J'aurais voulu d'un tel livre, un livre unique à qui on pourra trouver dans le passé des égaux, mais pas un semblable, essayer de dégager d'abord l'essence et l'esprit. Il faut finir et je n'ai pas commencé d'en parcourir avec vous les beautés. J'aurais pourtant aimé m'attarder à celles de pure technique aussi bien qu'aux autres, vous signaler au passage, par exemple, de charmants noms français, revivant et vibrant dam la belle lumière où le poète les expose, à la place d'honneur du vers, à la rime, à la rime qui les fait chanter, accompagnés par la musique assortie de la rime voisine [...] tant de notations d'une justesse délicieuse
Dans nos taillis serrés où la pie en sifflant
Roule sous les sapins comme un fruit noir et blanc
Près des flots de la Dranse
Où la truite glacée et fluide s’élance,
Hirondelle d'argent aux ailerons mouillés.
Métaphores qui recomposent et nous rendent le mensonge de notre première impression, quand, nous promenant dans un bois ou suivant les bords d'une rivière, nous avons pensé d'abord, en entendant rouler quelque chose, que c'était quelque fruit, et non un oiseau, ou quand, surpris par là vive fusée au-dessus des eaux d'un brusque essor, nous avions cru au vol d'un oiseau, avant d'avoir entendu la truite retomber dans la rivière.
Mais ces charmantes et toutes vives comparaisons qui substituent, à la constatation de ce qui est, la résurrection de ce que nous avons senti disparaissent elles-mêmes à côté d'images vraiment sublimes, toutes créées, dignes des plus belles d'Hugo. Il faudrait avoir lu toute la pièce sur la splendeur, l'ivresse, l'élan de ces matinées d'été où en renverse la tête afin de suivre des yeux un oiseau lancé jusqu'au ciel, pour éprouver tout le vertige de sentir tout, le vertige de ces deux derniers vers
Tandis que détaché d'une invisible fronde,
Un doux oiseau jaillit jusqu'au sommet du monde.

086. Marcel Proust : "Les Eblouissements". 3

3/6. Dans un livre que j'aimerais écrire et qui s’appellerait les Six Jardins du paradis, le jardin de Madame de Noailles serait, entre tous, le plus naturel, si je puis dire le seul où ne règne que la nature, où ne pénètre que la poésie. Dans les autres la nature n'est pas toujours abordée directement par le sentiment, et la poésie même y est quelquefois atteinte - je suis loin d'ailleurs d'oser décider si c'est un défaut - par les biais de l'étude ou de la philosophie.[…] Car pour cet évolutionniste dans l'absolu - si l'on peut dire, - science, philosophie et morale sont sur le même plan, et l'horizon de bonheur et de vérité n'est pas un mirage résultant des lois de notre optique et de la perspective intellectuelles, mais le terme d'un idéal réel, dont nous nous rapprochons effectivement. […]
Fleurs de la terre, et aussi fleurs de l'eau, ces tendres nymphéas que Claude Monet a dépeints dans des toiles sublimes dont ce jardin – vraie transposition d'art plus encore que modèle de tableaux, tableau déjà exécuté à même la nature qui s'éclaire en dessous du regard d'un grand peintre) est comme une première et vivante esquisse, tout au moins la palette est déjà faite et délicieuse où les tons harmonieux sont préparés. Rien de pareil, nous l'avons vu, dans le jardin de Madame de Noailles. Il semble que ce soit en son honneur qu'Emerson ait composé le magnifique éloge :
« Pourquoi un amateur viendrait-il chercher le poète pour lui faire admirer une cascade ou un nuage doré, quand il ne peut ouvrir les yeux sans voir de la splendeur et de la grâce ? Combien est vain ce choix d'une étincelle éparse çà et là, quand la nécessité inhérente aux choses sème la rose de la beauté sur le front du chaos. O Poète, vrai seigneur de l'eau, de la terre, de l'air, dusses-tu traverser l'univers entier, tu ne parviendrais pas à trouver une chose sans poésie et sans beauté ».Cette puissance de son exaltation et de sa sensibilité poétiques, Madame de Noailles ne l'aperçut longtemps que projetée par elle-même sur les choses. Elle ne l'y reconnaissait point, elle l'appelait innocemment splendeur de l'univers. Maintenant elle en a pris directement conscience dans quelque surplus d'amour, encore inutilisé par les choses, qu'elle aura trouvé un jour dans son cœur. Elle est éblouie par le monde, dit-elle, mais elle rend feu pour feu aux clartés qu'il lui verse. Elle sait que la pensée n'est pas perdue dans l’univers mais que l'univers se représente au sein de la pensée. Elle dit au soleil : « Mon cœur est un jardin dont vous êtes la rose ». Elle sait qu'une idée profonde qui a enclos en elle l'espace et le temps n'est plus soumise à leur tyrannie et ne saurait finir
Un tel élan ne peut être arrêté tout court.
Ma tendresse pour vous dépassera mes jour»
Et ma tombe fermée !
La vue des tombeaux même ne fait que grandir son ardeur et sa joie, car elle croit voir, « ses pieds nus sur les tombe",
Un Éros souriant qui nourrit des colombes.

085. Marcel Proust : "Les Eblouissements". 2

Manuscrit de Marcel Proust
2/6. De là un naturel dont tant de poètes n'auraient rien à tirer, mais qui, s’accordant à merveille avec le tour de son génie, fait qu'elle s'exprime parfois avec cette gracieuse audace des jeunes mortes de la Grèce antique, qui, des vers qui composent leur épitaphe, s'adressent librement au passant. Et tandis que les poètes-hommes quand ils veulent mettre dans une bouche gracieuse de doux vers, sont obligés d'inventer un personnage, de faire parler une femme, Madame de Noailles, qui est en même temps le poète et l'héroïne, exprime directement ce qu'elle a ressenti, sans l'artifice d'aucune fiction, avec une vérité plus touchante. Si elle pleure et vie trop courte, le peu que durera sa jeunesse et "le doux honneur de son âge", si elle a soif - cette admirable soif qui, à chaque page de ce livre, altère tour à tour et désaltère le rend vraiment "chaud comme les soleils, frais comme les pastèques" , elle n'a pas besoin de mettre sur les lèvres d'une autre ses innocente regrets ou ses brûlants désirs.
A la fois l'auteur et le sujet de ses vers, elle sait être alors en une même personne Racine et sa princesse, Chénier et sa jeune captive. Chose curieuse, ce livre des Eblouissements, où l'aspect physique de Madame de Noailles apparaît presque à chaque page, plus charmant encore quand elle demande à l'effacer, à presser si bien son corps contre le mur
Qu’elle sera semblable à ces nymphes des frises
Dont la jambe et la main sont dans la pierre prises
est cependant un de ceux d'où l'auteur est le plus absent.
Tout ce qui peut constituer le moi social, contingent, de Madame de Noailles, ce moi que les poètes aiment tant parfois à nous faire connaître, il n'en est pas parlé une seule fois au cours de ces quatre cents pages. Quand Alfred de Musset [...] a le toupet de nous parler de « l'épervier d'or dont son casque est armé », quand Alfred de Vigny, d'ailleurs dans des vers sublimes, nous parle de son « cimier doré de gentilhomme », je vous défie, en lisant les Éblouissements, si vous ne savez pas que l'auteur s'appelle Madame de Noailles, de deviner que sa condition sociale est celle d'une jeune princesse illustre, plutôt que de gagner sa vie en allant sur les chemins jouer de la flûte ou cueillir des oranges. [...]
Même dans les deux pièces qu'elle adresse à son fils, quand elle lui dit l'atavisme qui le gouvernera, elle n'y comprend guère l'âme de ses ancêtres sur lesquels tout autre n'aurait pas manqué de s'étendre ici ; elle pense surtout à sa sensibilité à elle, à cette sensibilité admirable et terrible qu'elle s'épouvante et se glorifie d'avoir à jamais infusée dans "les veines si douces de cet enfant qui reçut à son berceau, avec le prénom d'un connétable", l'héritage - plus lourd à porter et qui rend la vie autrement difficile et douloureuse - d'un grand poète.
De sorte qu'il n'y a pas de livre où le moi tienne autant de place, et aussi peu ; où en tienne autant, nous verrons comment tout à l'heure, le moi profond qui individualise les oeuvres et les fait durer, si peu le moi qu'on a défini d'un seul mot en disant qu’il était haïssable.

084. Marcel Proust : "Les Eblouissements". 1

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En raison de sa longueur, le texte de Marcel Proust a été scindé en six parties (084 à 089)------------------------------
"LES ÉBLOUISSEMENTS" par la Comtesse de Noailles
1/6. "Mon Dieu, que voulez-vous" répondait Sainte-Beuve à MM. de Goncourt qui se plaignaient qu'on parlât toujours du génie de Voltaire, "je conçois qu'à propos de Voltaire on soit amené à parler de génie; et, entre nous, avouons qu'il ne l'a vraiment pas volé !". On pense à ce mot de Sainte-Beuve quand on vient de finir le dernier volume de vers de Mme de Noailles, "Les Eblouissements", et on l'applique à Mme de Noailles. On se dit que si, à propos d'elle, on parle de génie, elle ne l'a vraiment pas volé !
On pense aussi à cette lettre que Joubert écrivait à Mme de Beaumont au moment de l'apparition d'Atala et qu'on aurait pu écrire à propos des Eblouissements si l'on écrivait encore aussi bien : « Il a dans cet ouvrage une Vénus, céleste pour les uns, terrestre pour les autres, mais se faisant sentir à tous. Ce livre-ci n'est point un livre comme un autre... Les bons juges y trouveront peut-être à reprendre, mais n'y trouveront rien à désirer. Il y a un charme, un talisman qui tient aux doigts de l'ouvrier. Ce livre réussira parce qu'il est de l'enchanteur »
Pendant longtemps, chaque fois que la Revue des Deux Mondes, la Revue de Paris, ou le Figaro faisaient connaître de nouveaux poèmes de Mme de Noailles, on entendit demander avec le Cantique des Cantiques : "Quelle est celle-ci qui s'avance, pareille une colonne de fumée en forme de palme, exhalant de la myrrhe, de l'encens, et toutes les poudres du parfumeur ?"
Et, dans ses vers, le poète nous répondait, comme la Sulamite :
"Venez avec moi au jardin voir les herbes de la vallée, voir si la vigne a germé, si la grenade est en fleurs. Mon jardin a des bosquets où le grenadier se mêle aux plus beaux fruits, le troène au nard, le nard, le safran, la cannelle, le cinname, la myrrhe à toutes sortes d'arbres odorants ".Je dirai plus loin un mot de ce jardin, « de ce jardin dont je parlais toujours », comme dit Madame de Noailles dans une pièce des Éblouissements, parlant d'elle-même avec un sourire. Mais je voudrais tâcher de parler aussi un peu d'autre chose et, pour commencer, d'un aspect tout accessoire, d'un porche secondaire et peu fréquenté de son oeuvre. Mais cette entrée de traverse nous mènera plus rapidement au cœur.
[….] Dans notre triste époque, sous nos climats, les poètes, j'entends les poètes-hommes, dans le moment même où ils jettent sur les champs en fleurs un regard extasié, sont obligés en quelque sorte de s'excepter de la beauté universelle, de s'exclure, par l'imagination du paysage. Ils sentent que la grâce dont ils sont environnés s'arrête à leur chapeau melon, à leur barbe, à leur binocle. Madame de Noailles, elle, sait bien qu'elle n'est pas la moins délicieuse des mille beautés dont resplendit un radieux jardin d'été où elle se confond. Pourquoi, comme le poète-homme qui a honte de son corps, cacherait-elle ses mains, puisqu'elles sont
Comme un bol délicat
En porcelaine japonaise.
et que,
Pour avoir touché les plantes des forêts
Avec des caresses légères,
Elles ont conservé dans leurs dessins secrets
Le corps des petites fougères.
Et pourquoi ne laisserait-elle pas voir
Le clair soleil de son visage.
Ses millions de rais.
Et l'aube de sa joue, et la nuit bleue et noire
Dont ses cheveux sont pleins.


Marcel Proust – Œuvres complètes - Chroniques – NRF 1936

083. Gallica. BNF. Anna de Noailles.



Plusieurs grands recueils de poèmes de la Comtesse de Noailles sont en accès libre sur le site Gallica de la Bibliothèque Nationale de France. Ils peuvent être consultés à l'écran ou copiés légalement au format Acrobat PDF.
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082. "Le paradis, c'est vous"


Le paradis, c’est vous, beaux cieux lourds de nuages,
Cieux vides, mais si vifs, si bons et si charmants,
Où les arbres, avec de longs et verts jambages,
Pointus, larges, légers, agités ou dormants,

Écrivent je ne sais quelle suprême histoire,
Quel livre de l’espace, odorant, triste et vain,
Quel mystique Koran, qui relate la gloire
De l’azur éternel et de l’éther divin.

Le paradis, c’est vous, voyageuse nuée,
Robe aux plis balancés d’un dieu toujours absent,
Vers qui montent sans fin, ardeur exténuée,
Les vapeurs du désir et le parfum du sang.

C’est vous le paradis, jardins gais ou maussades,
Lustrés par le soleil ou le vent du matin,
Où les fleurs de couleur déroulent leurs torsades,
Et jouissent en paix du sensuel instinct ;

Et c’est vous, sol poudreux, argileux, tiède terre,
Le paradis naïf et muet qui m’attend,
Lorsque la mort viendra rompre le mol mystère
Qui me lie, ô douceur ! à la beauté du temps…

Different Kinds of Paradise
Paradise is you, beautiful white cloud-laden sky,
Or you, empty expanse, so lively and demure,
Where green-leaved spreading branches cross and multiply
Like lettering, upright, sloping, flat, ornate or pure,

Spelling out some new masterpiece the world awaits,
A book in space, sweet-scented, melancholy, rare,
A mystical Koran whose wisdom celebrates
The eternal azure and the clear sidereal air.

And paradise is you, far ranging cumulus,
Robe of an absent deity, to whom a flood
Of worn out hopes and fears each day ascend from us,
Vapours of dead desires perfumed by our heart-blood.

You also, garden paths, sombre or debonair,
Given lustre by the sun, or by the morning breeze,
Where multi-coloured flowers let down their twisted hair,
And idly preen themselves in carefree sensual ease.

You also are a paradise, earth that will cover me,
A mute unthinking paradise of dust and clay,
When death at length destroys the languid mystery
That binds me, oh so gently, to the beauty of today

Traduction de Sébastien Hayes
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Source : http://annadenoailles.com/2010/02/27/different-kinds-of-paradise/
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