17/11/2012

534. Joviale odeur de la neige ....

Joviale odeur de la neige
Plus bleue que blanche ! et le silence
De tout ce sucre glacial,
Qui papillote, et qui protège
De son calme repos loyal
Le sol où le printemps commence !
— Printemps caché de Février,
Vous me chauffez, vous me riez
De dessous cette nappe claire
De froide farine stellaire,
En ce beau matin d'azur gai !
Le cœur ébloui, intrigué,
J'écoute, Sybille terrestre,
Printemps ! vos souterrains orchestres !
O forces de la profondeur,
Qui, à coups de petites fleurs.
De fines et frêles papules,
De filaments, de vertes bulles,
De petits jets sucrés, laiteux,
Qui tous se concertent entre eux,
En deux mois d'efforts allez faire
S'ouvrir d'amour toute la terre !

Une biche passe à pas lents;
Son souffle est sur son front dolent
Comme une vapeur de théière.

O molle neige cachottière,
Tous vos rires de corail blanc
Annoncent les jeux pétulants
Des belles ruses printanières !
Sur vos édredons cristallins
Cette nuit sont venus s'ébattre,
— Sorciers fourchus et clandestins —
Des pieds de chevreuils et de martres.

O neige, l'hiver est passé !
Ton grand silence, condensé
En mousseuse verroterie,
Prépare la jeune prairie :
Prairie où nous verrons éclos,
Sirupeux et battant de l'aile,
Ces écarlates hirondelles :
Les frémissants coquelicots !


— Neige, brillant sorbet d'étoiles,
Sur ta gouache épaisse et sans plis
Les pas des oiseaux ont molli
Et tracent de légers pétales.
Un roitelet frileux, touffu.
Tassé sur la branche, répète
Son cri aigrelet, vif, pointu
Comme un grain d'épine-vinette.
Ciel et terre sont scintillants :
Je sens que le jeune Orient
Frémit sous la neige laquée,
Comme un groupe d'enfants, riant
Au fond d'une blanche mosquée !...

Les Forces Eternelles