01/02/2012
358. Anna de Noailles : un point de vue contemporain
Séduisante comtesse et poétesse, la belle et vénéneuse Anna de Noailles fut une des reines de Paris au début du siècle. Elle parlait à merveille, enjôlait le monde littéraire et politique de son charme excentrique, rêvait d'honneur et de gloire. Elle eut tous les honneurs, toutes les gloires. Célébrée de son vivant comme une des artistes les plus sensibles, les plus lyriques, les plus flamboyantes de son temps, à peine si les surréalistes osèrent épingler de leurs sarcasmes celle qui fit saigner le cœur de Maurice Barrès. Et bien d'autres... Madame de Noailles (1876-1933) était une sensuelle, une généreuse, une vorace. Grande admiratrice de Victor Hugo, elle tenta comme lui d'embrasser la vie, la nature, le monde de toutes ses ardeurs, de toute sa fièvre. De toute sa mélancolie, aussi : l'égérie d'Edmond Rostand, la protectrice de Cocteau avait secrètement le goût de la cendre et la fascination du tombeau. La grande mondaine était aussi une rebelle : l'aristocrate parisienne, une femme qui n'hésitait pas à s'engager aux côtés de Dreyfus ou des plus pauvres. Il faut réentendre cette voix injustement oubliée, en savourer la force et l'émotion, la vitalité et la morbidité, la sauvagerie et la grâce.
Fabienne PASCAUD,
Télérama, 3 septembre 1997.