03/08/2014

702. Anna de Noailles. La grande guerre. 3/17


Héroïsme

Mourir de maladie c'est mourir chez les morts,
C'est avoir vu s'enfuir la moitié de son âme,
C'est implorer en vain le Destin qui réclame,
Mais ceux qui pleins d'un net et bondissant ressort
Acceptent hardiment le rendez-vous suprême
Et tendent sans trembler leur main à l'autre bord,
Connaissent la fierté de mourir quand on aime,
Portés par le divin au-dessus de l'effort...
- Heureux ceux qui, frappés au moment qu'ils agissent,
Ont franchi d'un seul pas les regrets et la peur,
Et qui, loin de la morne et trainante torpeur,
Sont morts pour la Patrie et morts pour la Justice;
- Pour la calme Justice au cœur plein de bonté,
Compagne de l'esprit et sa grande exigence!
La Justice au bras fort mais jamais irrité,
Et qui, laissant glisser nonchalamment la lance
Dont le lys déchirant ombrageait sa clarté,
Équilibre sa pure et prudente balance
Par le poids de l'amour et de l'intelligence!

La paix

Le déluge a cessé; des humains s'interpellent,
L'on compte les vivants. Sur le globe étonné
Un antique bonheur soudain semble être né:
La Paix! Nul ne savait comment cette infidèle
Reviendrait occuper, dans l'espace surpris,
Son univers brisé. Que d'espoirs autour d'elle!
Mais un fardeau songeur accable mon esprit:
Les morts sont sans nouvelles...