Le souffle
Tu ne respires plus, le vent
Ne pénètre jamais la pierre
Qui ferme sa dure paupière
Sur ton être fixe et rêvant;
Et je vois la nue infinie
Qui t'a refusé l'humble part
Que ton souffle anxieux, hagard,
Implorait, dans ton agonie.
Comment est ce refus soudain
De l'espace à la créature ?
Quel est ce moment, ô Nature,
Où l'homme meurt de ton dédain ?
J'ai, par-dessus tous les mystères,
Béni la respiration,
Cette sublime passion
Qui soulève toute la terre !
Et je contemple l'air mouvant:
- O force ineffable du vent,
C'est surtout par toi que diffèrent
Les tombeaux d'avec l'atmosphère,
Et les morts d'avec les vivants !
Le chant d'un Écossais
Les cieux étoilés sont infiniment paisibles
Malgré leur turbulent et secret mouvement.
La nuit circule avec sa démarche invisible,
Un Écossais, au loin, chante en son campement.
Il élance un chant vif de ses pipeaux d'ébène,
Ce soldat que la guerre au vent ensanglanté
Mêle aux soldats de France, en cette nuit d'été...
Nostalgique exilé des lacs et des bruyères,
O stoïque berger, ton chant plaintif et gris
Ainsi qu'un vol crispé de sauvages perdrix,
Ainsi que la fumée au toit de ta chaumière,
Insuffle au calme éther ton flegmatique orgueil.
Je vois naître ta ville où, dans les brumes, flambent,
Lorsque ton régiment court d'un pas de chevreuil,
La noblesse du rire et la fierté des jambes !
Bel être, nous savons ce que ton sort sera:
Tu l'as dit l'autre jour, d'une voix gaie et grave,
Que le musicien doit être le plus brave
Et mourir devant ceux que son chant baignera
D'un flot mélodieux aux suaves méandres.
Demain, lorsque ton peuple alerte attaquera
L'ennemi enfoui dans les terreuses Flandres,
Tu siffleras cet air plein de rêve et de cendre
Qui semble distiller finement dans la nuit
La grisaille d’Écosse et son lunaire ennui:
Musique de brouillard qui perle et qui bruine !
Un cheval canadien hennit dans le lointain;
La mer souffle sans fin son haleine saline.
Monte-t-il jusqu'à vous, beaux astres inhumains,
Dont parfois on croirait que le regard s'incline, -