25/11/2012

613. Le passé - Ceux que la joie enivre -

LE PASSE

Je vis, mais jamais je n'oublie
Les brûlants instants du passé;
Cette immense mélancolie
Quand donc voudra-t-elle cesser ?
— Puissé-je perdre la mémoire
De ces jours violents, bénis.
Où, contente, je pouvais croire
Que mon sort s'était aplani.
Je meurs de ces tendres histoires..
C'est si long ce qui est fini !

CEUX QUE LA JOIE ENIVRE...

Ceux que la joie enivre à l'infini sont ceux
Que la douleur étreint dans la même mesure :
Inconsolables cœurs, heureux ou malheureux,
Ils portent une austère ou brillante blessure.
L'amour, le philtre unique aux humains proposé,
S'efforce d'empêcher ces âmes turbulentes
De rechercher encore, au delà des baisers,
L'océan de l'espace et l'ile de l'attente
Où, large oiseau tremblant, l'espoir vient se poser...
— Nous qui connaissons bien ces grands cœurs frénétiques
Où l'univers se meut sans heurter leurs parois.
Nous savons que l'amour est un refuge étroit :
Alentour, les climats, les parfums, les musiques
S'effacent, assoupis par le fort narcotique
Du sensuel bonheur et du subit effroi...
 — Tous les plaisirs épars que jamais on n'assemble,
Les beaux ciels du voyage, enduits de volupté,
L'étrangère cité sur qui la chaleur tremble.
Les odeurs d'un jardin bues dans l'obscurité,
Les orchestres errants des nuits siciliennes,
La mer, fécond parfum plein do complicité,
Enfin, tous les appels, sont des marchands qui viennent
Déployer les trésors de la félicité,
Dont le faste rêveur vers le désir nous mène...

— Car voici deux humains qui se sont reconnus !
Que leur importe un monde éblouissant ou nu ?
Ces deux humbles vivants, resserrés dans l'espace,
Dont les regards, les bras, les genoux sont liés,
Ne cherchent, dans la sombre ardeur qui les terrasse,
Ni les jardins d'Asie et ses chauds espaliers.
Ni le lac langoureux sur qui des barques passent.
Ni ces soirs infinis où l'espoir se prélasse.
Mais le bonheur restreint et sans fond d'oublier...
— Oublier ! Perdre en toi tout l'univers trop tendre,
Engloutir dans ton cœur l'eau d'or des ciels d'été,
Précipiter en toi, pour ne jamais l'entendre,
Le chant silencieux fusant de tous côtés,
Faire de notre amour une tombe profonde
Où parfums, sons, couleurs, s'épuisent, enfermés;
Abolir l'éphémère, envelopper les mondes.
N'être plus, être toi, dormir, mourir, aimer!...

Les Forces Eternelles