25/11/2012

609. L'adolescence - Mes yeux t'écoutent - Séparation

L'ADOLESCENCE


Peut-être n'avons-nous aimé que le plaisir.
Malgré la scrupuleuse et l'ascétique vie,
Malgré l'enchantement innocent des loisirs
(Sans tentation nette et presque sans envie,
Tant l'azur, l'horizon, l'imagination
Comblent une excessive et vague passion),
Peut-être n'avons-nous, femmes candides, sages,
Aimé que le plaisir. Peut-être n'avons-nous,
A travers la beauté des calmes paysages
Où le profond bonheur semble enclos et dissous,
Jamais rien aperçu, jamais rien voulu même
Que le désordre ailé des instants où l'on aime !
Bourgeonnement du chant des oiseaux au matin,
Lac où la blanche barque ondule sous sa tente,
Bonté, compassion, rêve, mémoire, attente,
Berline aux gais grelots passant dans le lointain,
Sacrifice accepté, refus de ce qui tente,
Tout ce que nous avons aimé, donné, souffert,
Amour pour les humains, amour pour l'univers,
Notre vie épandue, active, combattante,
Peut-être n'étiez-vous, — ô multiple soupir !
Que la forme infinie et sainte du plaisir...

MES YEUX T'ECOUTENT..

Mes yeux t'écoutent et te respirent,
Mon âme flotte hors de moi-même,
Je ne regrette ni ne désire,
Je t'aime.

Et cependant ce tendre accord
M'est moins doux que lorsque je presse
Ta main aux suaves caresses.
— Désir, spirituel transport,
Geste des âmes par les corps !

SEPARATION

La nuit a son odeur céleste et forestière,
Un vent froid et tranchant l'anime et la parcourt ;
Son vif méandre ainsi qu'une fine frontière
Semble écarter ma main de tes doigts pleins d'amour.

Je ne peux pas répondre à ta douceur plaintive;
La nuit ce sont les cieux et les arbres qui vivent ;
Nos deux rêves humains se sentent chacun seul,
Je ne t'écoute pas, j'écoute le tilleul
Exhaler dans l'éther ses langueurs expansives.
L'immensité nocturne a fasciné mon cœur.
Le silence est un dieu qui voudrait qu'on le suive.
Il flotte dans la nuit des tisanes d'odeurs...

Les Forces Eternelles