23/11/2012

585. Le chapelet d'ambre - Le plaisir

















LE CHAPELET D'AMBRE

Mon esprit, libre oiseau toujours effarouché,
Est cependant pareil à ce chapelet d'ambre
(Mirabelles où dort un soleil de septembre)
Qui conserve l'odeur des mains qui l'ont touché.

Ainsi, selon ta gaie ou triste fantaisie,
Mon esprit est joyeux ou bien il est amer.
Console ce cœur plein de pleurs comme la mer,
Caresse, mon amour, ton chaud bijou d'Asie...

LE PLAISIR

Plaisir, le plus profond et triste mot du monde,
Qui contient tout l'espoir et contient tout l'oubli,
Qui dit l’homme exultant ou bien enseveli
Dans l'extase effrayée où les larmes abondent.

Plaisir, le seul vainqueur, pied d'airain arrêté
Sur tout effort humain. Plaisir, terme des choses,
Accostage de l'être avec l'éternité,
Plénitude, désert, ravage, immense pause ;

Interrogation et reproche au destin
Pour ce ciel apparu à travers nos ténèbres,
Pour ce bref incendie enivrant, qui s'éteint
Et nous laisse sa cendre impalpable et funèbre.

Plaisir, effarement, puis révélation,
Passage de la mort franchi, clarté soudaine,
Être un dieu; connaissance, ample précision;
Puis cette pauvreté de la tendresse humaine !

Et pourtant rien ne vaut que vous, plaisir amer,
Sur qui posent le monde et tout l'humain théâtre,
Amer plaisir, profond tel la profonde mer
Qui porte allègrement les pesantes escadres !

N'est-ce pas vous toujours ces rêveuses lourdeurs
Du printemps pluvieux, ce pépiement d'eau fraîche
Dans la noire forêt, ces subites odeurs
Des bourgeons, crépitant sur les écorces rêches;
Ce cri d'oiseau avec sa tristesse de cœur,
(Cri ténu et pourtant enflé comme l'orage).
Ce cri d'oiseau, le soir, n'est-ce pas votre ouvrage,
Sournois compagnon, solennel et moqueur,
Plaisir, vous qui toujours remplacez le bonheur !

Les Forces Eternelles