20/11/2012

571. Méditation












L'orage est en suspens, l'espace se recueille ;
Dans le jardin où brille une vapeur de four,
Les oiseaux ont un cri fané comme une feuille.
Partout gît mollement, fardeau subtil et lourd,
La chaleur insensée qui fait aimer l'amour.
J'ai recherché Ronsard dans la bibliothèque;
Ma chambre, où les volets emprisonnent le jour
Et d'un tranchant léger et laiteux le dissèquent,
A l'obscure fraîcheur d'un tranquille vallon. .
Un blanc magnolia, froid comme une pastèque,
Épanche son parfum de neige et de melon.
Et je vois tout cela avec des yeux si tendres
Qu'ils émettent un chant que l'on devrait entendre.
La pendule, incessante autant que l'univers.
Accompagne humblement, seconde par seconde,
Le tumulte secret et céleste des mondes.
Et j'écoute l'énigme obsédante de l'air
Et ce cri des oiseaux emplis d'inquiétude...
— Se pourrait-il, ô cieux, que j'eusse l'habitude
De vivre, de goûter le suave désert
Que forme le repos songeur après l'étude !
Ne sais-je pas qu'assis, ou debout et courant.
L'homme est toujours un même et régulier mourant !
Le Sort, qui le poursuit, ne le guette pas même,
Tant le pauvre vivant est désigné : s'il aime,
Quelque chose toujours lentement se défait
Dans son bonheur craintif, sa détresse ou sa paix;
Il ne peut persister en son choix noble et tendre,
U lui faut regretter comme il lui faut attendre,
Il ne connait jamais les vœux du lendemain.
— Et pourtant, moi, le plus combattu des humains.
L'âme la plus souvent par l'orage étonnée.
Qui toujours vis les pleurs au plaisir se mêlant,
Je ne vous reprends pas ma confiance innée.
Querelleuse au beau front, secrète Destinée,
Favorable aux cœurs violents !

Les Forces Eternelles