07/04/2011
210. "Le désert des soirs"
Dans la chaleur compacte et blanche ainsi qu'un marbre,
Le miroir du soleil étale un bleu cerceau.
Comme un troupeau secret d'aériens chevreaux
La rapace chaleur a dévoré les arbres.
Palerme est un désert au blanc scintillement,
Sur qui le parfum met un dais pesant et calme...
Les stores des villas, comme de jaunes palmes,
Aux vérandas, qui n'ont ni portes ni vitrail,
Sont suspendus ainsi que de frais éventails.
La mer a laissé choir entre les roses roches
Son immense fardeau de plat et chaud métal.
Un mur qu'on démolit vibre au contact des pioches;
Une voiture flâne au pas d'un lent cheval,
Tandis que, sous l'ombrelle ouverte sur le siège,
Un cocher sarrasin mange des citrons mous.
La chaleur duveteuse est faible comme un liège;
Sa molle densité a d'argentins remous.
Je suis là; je regarde et respire; que fais-je ?
Puisque cet horizon que mon regard contient
Et que je sens en moi plus aigu qu'une lame,
Mon esprit ne peut plus l'enfoncer dans le tien...
Je dédaigne l'espace en dehors de ton âme.