Comme vous accablez vos préférés, Seigneur !
Comme l'éclair, comme le vent, comme un voleur,
Vous vous jetez sur eux, dans un désordre étrange;
Vous les frappez, avec l'essaim des mauvais anges;
Vous faites rage, ainsi qu'un typhon sur la mer.
Ni les cris ni les pleurs dans les regards amers
Ne vous arrêtent. Vous secouez jusqu'aux moelles
Le pauvre cèdre humain qui louait vos étoiles !
Vous dispersez, avec votre bras forcené,
L'amour, qui consolait depuis que l'on est né.
Par la douleur physique et la douleur du rêve
Vous nous faites ployer; on se courbe, on se lève,
Comme un rameau rompu qui lutte dans le vent.
On implore, et vos coups vont encor s'aggravant.
Il semble que votre ample et salubre courage
Veuille assainir en nous quelque obscur marécage,
Tant vous nous arrachez, par des sueurs de sang,
L'âcre ferment vivant, orgueilleux et puissant.
On pense qu'on mourra du mal que vous nous faites...
-Et puis, c'est tout à coup la fin de la tempête;
On est comme les bois légers, silencieux,
D'où le vent se retire et monte vers les cieux.
Et l'on est abattu, mais clair, calme, sans tache;
Bercé comme un vaisseau sous une molle attache;
Purifié, prudent, entouré de remparts,
Protégé comme un roi parmi ses étendards...
Mais s'il fallait connaître encor cette furie,
Ah! Seigneur, laissez-moi mourir sur la prairie,
Près de l'arbre du bien et du mal, dont mes mains
Dès l'enfance ont cueilli les délices humains.
Défendez-moi de vous, Seigneur, je vous en prie;
Laissez-moi défaillir, et ne m'arrachez pas
Le perfide serpent qui dort entre mes bras.