17/02/2010

026. Un témoignage : Angèle Paoli

Le 30 mai 1901 Anna de Noailles est à l’honneur chez Robert de Montesquiou à Neuilly, où le maître de céans organise pour elle un grand dîner.
Sarah Bernhardt, qui a découvert "Le Cœur innombrable" grâce à Reynaldo Hahn, déclare dans une lettre adressée à Marcel Proust qu’Anna est « le plus grand des poètes, un grand génie». Enthousiasmée par la lecture du recueil poétique, la tragédienne est conviée à réciter le poème « L’Offrande à la Nature ».
Très admirée de ses contemporains, Anna Élisabeth de Brancovan, comtesse Mathieu de Noailles, occupe une place importante dans la vie littéraire et mondaine du début du XXe siècle. Marcel Proust voit en elle « une femme-mage », tandis que Jean Moréas la nomme « L’Abeille de l’Hymette ».
Sorti en librairie le 8 mai 1901, son recueil poétique Le Cœur innombrable est accueilli avec un succès qui dépasse de beaucoup les espérances de la « divine ». Anatole France déclare un mois plus tard : "Votre poésie, jeune et charmante comme vous, est auguste et vieille comme la terre, dont elle a les âcres senteurs. Vous exprimez avec une force incroyable la délicieuse nouveauté de la vie et la joie de découvrir l’antique univers. Vous êtes jeune comme la poésie grecque. […] Ces vers candides, étonnés et farouches sont d’une nymphe des eaux, des bois et des montagnes. Vous m’inspirez une amitié craintive et comme une sainte terreur. Car je ne crois pas, Madame, que vous soyez une simple mortelle"
Anna de Noailles n’est pourtant pas une révolutionnaire de la forme poétique. Elle ne se pose nullement dans la lignée de Mallarmé, mais plutôt dans la veine lyrique de Ronsard et, plus proche d’elle, celle d’André Chénier. Et puise son inspiration dans la poésie grecque, dont elle est une fervente lectrice. Dans ses poèmes, Anna de Noailles chante l’amour, la nature et la mort. Mais son « cœur », qu’elle compare à « un palais plein de parfums flottants », y occupe la place privilégiée d’un « cœur innombrable ». Angèle Paoli