24/11/2012

597. Similitude - Non l'univers n'est pas ...

SIMILITUDE


Nous sommes surpris tous les deux
D'être nous deux, et d'être ensemble ;
Nous devinons que nos yeux tremblent,
Errant sur le calme des cieux,
Et nous croyons, dans la faiblesse
De notre bonheur ample et coi,
Que ce beau ciel aussi nous voit,
Et que sa suave tristesse
Avec compassion s'abaisse
Sur vous qui songez près de moi...
— Ce serait un sublime échange
De tout secret essentiel,
Si la musique, comme un ciel
Qui soudain délivre ses anges.
Jaillissait de nous tout à coup.
De mes talons jusqu'à mon cou,
Épandait son langage étrange,
Ce saint langage sensuel
Que seule donne la musique ;
Et notre ardeur serait unique,
O mon amour, ma passion,
Si dans nos rêves sans remède
Nous sentions venir à notre aide
Cette ineffable explosion !...

NON, L'UNIVERS N'EST PAS..,

Non, l'univers n'est pas qu'un astre âpre et maudit;
Ame religieuse, il est des paradis.
Ne cherche pas trop loin ces conquêtes célestes,
Entre dans un jardin.
Le vent soyeux et leste
Se heurte en clapotant aux buissons luxueux.
— Suave hilarité du visage des dieux,
L'azur, émerveillé de lui-même, s'étonne !
Il exulte ! Les fleurs semblent être en cretonne
Tant leur tissu mielleux est naïf et pimpant-
Un plaisir sans déclin est partout en suspens.
Vois, contre l'ancolie obstinée et peureuse,
Voler et se buter l'abeille argumenteuse
Qui rompt, avec son bruit de grêlon et de vent,
La délicate paix des calices rêvant.
Sur la verte pelouse, où le soleil trépigne,
Un merle maladroit happe l'air et le mord ;
Un blanc magnolia, à peine éclos encor,
Sur son luisant feuillage est comme un œuf de cygne.
Qu'ils sont chauds et touffus les flocons bleus de l'air !
Entends jaillir, ainsi qu'une source au désert,
Cet hosanna d'oiseaux, ces vives accordailles,
Ces grains de voix qui sont d'argentines semailles
Dans les sillons d'azur du jubilant éther !
— Au centre d'un bosquet que la chaleur abîme,
Un rayon de soleil use comme une lime
Le pâlissant lilas, dont il vient mordiller
La tiède moelle vanillée...

— Mais si ces chauds parfums, ces azurs, ces silences,
Au plaisir de ton cœur mêlent des coups de lance,
Si dans ces paradis tu soupires encor.
Si le jour exalté te hèle et te torture,
Si tu ne peux vraiment supporter la Nature
Sans te sentir plus tendre envers un autre corps,
O cœur religieux, un corps est une église,
Un corps humain qui rêve est un temple entr'ouvert,
Il est le vase où naît et se meurt l'univers,
Il est aussi l'unique et puissante franchise
Où tu peux te guérir du triomphant été
Au prix de la tristesse et de l'humilité...

Les Forces Eternelles