02/03/2010
100. "C'est là que dort mon coeur"
Anna de Noailles
envoyé par l'auteur
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[...] Une autre image à retenir, et qui hanta durant toute son existence le souvenir du poète : celle du couvent des Clarisses d'Evian, où elle se rendait, le dimanche, avec un plaisir si fort, écrivait-elle en 1913 en se le remémorant, qu'il lui semblait y avoir « failli mourir de la joie de vivre ».
Elle y cherchait moins un lieu de prière qu'un endroit où pût fleurir l'émotion d'y connaître « un lien puissant » qui unit deux êtres même après que se sont évanouies « les sublimes illusions […] saturé de mélancolie, d'espérance sans but et sans moyen, mais qui ne se lasse pas, et que j'appellerais le ciel »
Des raisons liturgiques ont empêché qu'y fût légué son cœur après sa mort. Pour réaliser son vœu de la meilleure façon possible, on le déposa dans le petit cimetière de Publier, en souvenir d'un poème des Forces Eternelles :
Pousse la porte en bois du couvent des Clarisses,
C'est un balsamique relais,
La chapelle se baigne aux liquides délices
De vitraux bleus et violets.
Peut-être a-t-on mis là, comme je le souhaite,
Mon cœur qui doit tout à ces lieux,
A ces rives, ces prés, ces azurs qui m'ont faite
Une humaine pareille aux dieux!
S'il ne repose pas dans la blanche chapelle,
Il est sur le coteau charmant
Qu'ombragent les noyers penchants de Neuvecelle,
Demain montez-y lentement.
Voilà pourquoi, sur le coteau de Publier, à l'ombre d'une stèle qui porte ce vers gravé : "C'est là que dort mon cœur, vaste témoin du monde", la mémoire est fixée jusqu'au moment où « tout siècle sera révolu »
Louis Perche. "Anna de Noailles", page 19 et 20.