09/02/2010

020. Anna de Noailles à Evian. 3

Aquarelle de Chiara représentant la place d'Allinges et le mur du couvent des Clarisses
Il suffisait de pousser une porte de bois plein, à ressorts, dont je sens encore sous la main la résistance et la pression contrariée, pour pénétrer dans cet asile souriant, qui chaque fois, installait brusquement dans mes yeux une image d'humble paradis, parfaitement radieux. Dirai-je qu'en me rendant à quatorze ans, les dimanches de juillet, dans un poudroiement de soleil et de poussière, chez les religieuses Clarisses, j'étais une enfant dévote que le service de Dieu uniquement attirait ? Non point. Certes, le dimanche matin me semblait marqué, pour la joie, et pour une joie religieuse, mais j'étendais à tous les sentiments cette gravité et cette liesse.
Jeunesse, ambition, amour, munificence, paysages infinis, je vous ai possédés au son d'une cloche de couvent, dont les vibrations glauques et liquides chantaient tous les départs, toutes les constances, et sanctifiaient la sublime générosité des désirs !
Si jamais j'ai été fière d'un beau visage enfantin, triomphante d'un gai chapeau, occupée de l'ombre régulière que mes cheveux formaient sur mon front, enfin, si jamais j'ai ressenti la gratitude de posséder cette part individuelle du ciel qu'est l'adolescente beauté, c'est bien le dimanche matin en me rendant chez les Clarisses.