J'espère de mourir d'une mort lente et forte,
Que mon esprit verra doucement approcher
Comme on voit une sœur entrebâiller la porte,
Qui sourit simplement et qui vient vous chercher.
Je lui dirai : Venez, chère mort, je vous aime,
Après mes longs travaux, voici vos nobles jeux.
J'ai longtemps refusé votre secours suprême,
Car si le corps est las, l'esprit est courageux.
Mais venez, délivrez un courage qui s'use,
Abrégez le combat, rendez à l'univers
L'immense poésie embuée et confuse
Dont mon âme et mon corps ont si longtemps souffert !
Les torrents des rochers, le sable blond des rives,
Les vaisseaux balancés, l'Automne dans les bois,
Les bêtes des forêts, surprises et captives,
Méditaient dans mon coeur et gémissaient en moi !
O mort, laissez-les fuir vers la forêt puissante,
Ces fauves compagnons de mon silence ardent !
Que leur native ardeur, féroce et caressante,
Peuple la chaude nuit d'un murmure obsédant.
Ce n'était pas mon droit de garder dans mon être
Un aspect plus divin de la création;
De savoir tout aimer, de pouvoir tout connaître
Par les secrets chemins de l'inspiration !
Ce n'était pas mon droit, aussi la destinée,
Comme un guerrier sournois, chaque jour, chaque nuit,
Attaquait de sa main habile et forcenée
Le sublime butin qui me comble et me nuit.
Mais venez, chère mort; mon âme vous appelle,
Asseyez-vous ici et donnez-moi la main.
Que votre bras soutienne un front longtemps rebelle,
Et recueille la voix du plus las des humains :
Prenez ces yeux, emplis de vastes paysages,
Qui n'ont jamais bien vu l'exact et le réel,
Et qui, toujours troublés par de changeants visages,
Ont versé plus de pleurs que la mer n'a de sel.
Prenez ce coeur puissant qu'un faible corps opprime,
Et qui, heurtant sans fin ses étroites parois,
Eut l'attrait du divin et le pouvoir des cimes,
Et s'élevait aux cieux comme la pierre choit.
Ah ! vraiment le tombeau qui dévore et qui ronge,
Le sol, tout composé d'étranges corrosifs,
L'ombre fade et mouillée où les racines plongent,
Le nid de la corneille au noir sommet des ifs,
Pourront-ils m'accorder cette paix sans seconde,
Sommeil que mon labeur tenace a mérité,
Et saurai-je, en mourant, restituer au monde
Ce grand abus d'amour, de rêve et de clarté ?
Hélas! je voudrais bien ne plus être orgueilleuse,
Mais ce que j'ai souffert m'arrache un cri vainqueur.
Pour élancer encor ma voix tempétueuse
Il faudrait une foule, et qui n'aurait qu'un coeur !
Que mon esprit verra doucement approcher
Comme on voit une sœur entrebâiller la porte,
Qui sourit simplement et qui vient vous chercher.
Je lui dirai : Venez, chère mort, je vous aime,
Après mes longs travaux, voici vos nobles jeux.
J'ai longtemps refusé votre secours suprême,
Car si le corps est las, l'esprit est courageux.
Mais venez, délivrez un courage qui s'use,
Abrégez le combat, rendez à l'univers
L'immense poésie embuée et confuse
Dont mon âme et mon corps ont si longtemps souffert !
Les torrents des rochers, le sable blond des rives,
Les vaisseaux balancés, l'Automne dans les bois,
Les bêtes des forêts, surprises et captives,
Méditaient dans mon coeur et gémissaient en moi !
O mort, laissez-les fuir vers la forêt puissante,
Ces fauves compagnons de mon silence ardent !
Que leur native ardeur, féroce et caressante,
Peuple la chaude nuit d'un murmure obsédant.
Ce n'était pas mon droit de garder dans mon être
Un aspect plus divin de la création;
De savoir tout aimer, de pouvoir tout connaître
Par les secrets chemins de l'inspiration !
Ce n'était pas mon droit, aussi la destinée,
Comme un guerrier sournois, chaque jour, chaque nuit,
Attaquait de sa main habile et forcenée
Le sublime butin qui me comble et me nuit.
Mais venez, chère mort; mon âme vous appelle,
Asseyez-vous ici et donnez-moi la main.
Que votre bras soutienne un front longtemps rebelle,
Et recueille la voix du plus las des humains :
Prenez ces yeux, emplis de vastes paysages,
Qui n'ont jamais bien vu l'exact et le réel,
Et qui, toujours troublés par de changeants visages,
Ont versé plus de pleurs que la mer n'a de sel.
Prenez ce coeur puissant qu'un faible corps opprime,
Et qui, heurtant sans fin ses étroites parois,
Eut l'attrait du divin et le pouvoir des cimes,
Et s'élevait aux cieux comme la pierre choit.
Ah ! vraiment le tombeau qui dévore et qui ronge,
Le sol, tout composé d'étranges corrosifs,
L'ombre fade et mouillée où les racines plongent,
Le nid de la corneille au noir sommet des ifs,
Pourront-ils m'accorder cette paix sans seconde,
Sommeil que mon labeur tenace a mérité,
Et saurai-je, en mourant, restituer au monde
Ce grand abus d'amour, de rêve et de clarté ?
Hélas! je voudrais bien ne plus être orgueilleuse,
Mais ce que j'ai souffert m'arrache un cri vainqueur.
Pour élancer encor ma voix tempétueuse
Il faudrait une foule, et qui n'aurait qu'un coeur !