28/02/2012
499. Table des messages : 401 à 499
499. Table des messages : 401 à 499
498. Table des messages : 299 à 400
497. Table des messages : 201 à 298
496. Table des messages : 101 à 200
495. Table des messages : 001 à 100
494. "Danseuse persane"
484-493. Evian au temps de la Comtesse de Noailles
483. Roger Nimier évoque Anna de Noailles
476-482. Anna de Noailles, la poétesse
475. Le cercle Anna de Noailles
474 .Le cimetière de Publier
473, "Le soldat"
472. Anna de Noailles récite "La Jeunesse"
471. Anna de Noailles récite : "J'écris pour que le jour"
470. Le jardin votif Anna de Noailles à Amphion
469. Anna de Noailles : quelques images
468. Anna de Noailles : portrait
467. Anna de Noailles : trois caricatures
466. Deux lettres à Maurice Barrès
465. La chambre d'Anna de Noailles au Musée Carnavalet..
443-464. "Conte triste"
441-442. "Poème de l'Amour"
440. "Toujours, à toutes les secondes"
439. "Quand ce soir tu t’endormiras"
438. "Matin, j’ai tout aimé, et j’ai tout trop aim...
437. "La bonté, n’étant pas l’excès"
436. "Meurt-on d’aimer ? On peut le croire"
435. "Le courage est ce qui remplace"
434. "Les volets, les rideaux, les portes"
433. "Le silence répand son vide"
432. "Le bonheur d’aimer est si fort"
431. "Je ne t’aime pas pour que ton esprit"
430. "Je ne puis comparer mon mal"
429. "En ton absence je ne puis"
428. "Je me taisais, j’avais fait voeu"
427. "Ceux qui, hors du rêve et des transes"
426. "Jadis je me sentais unique"
425. "Je crois que j’ai dû te parler"
424. "J’ai perdu l’univers puisque tu me suffis"
423. "Fais ce que tu veux, désormais"
422. "Je n’ai pas écrit par raison"
421. "Certes j’aime ce que je pense"
420. "Je bénis le sommeil, lui seul peut déformer"...
419. "Ami parmi tous les amis"
418." Aucun jour je ne me suis dit"
417. "C’est l’hiver, le ciel semble un toit"
416. "Automne pluvieux, mélancolique automne"
415. "Tu me donnes enfin la paix"
414. "Il est doux d’aimer faiblement"
413. "Dans les ténèbres de Vérone"
412. "J’ai travesti, pour te complaire"
411. "En ce moment tu ne sais pas"
410. "Vivre, c’est désirer encor"
409. "Un triste orgue de Barbarie"
408. "Enfin la première nuit froide"
407. "J’aime d’un amour clandestin"
406. "Ô suave ami périssable"
405. "Les vers que je t’écris ne sont pas d’Orient...
404. "Ce n’est pas une tendre chose"
403. "Je ne puis jamais reposer"
402. "Faut-il que tu sois juste aussi"
401. "C’est d’une adresse humble et savante"
498. Table des messages : 299 à 400
497. Table des messages : 201 à 298
496. Table des messages : 101 à 200
495. Table des messages : 001 à 100
494. "Danseuse persane"
484-493. Evian au temps de la Comtesse de Noailles
483. Roger Nimier évoque Anna de Noailles
476-482. Anna de Noailles, la poétesse
475. Le cercle Anna de Noailles
474 .Le cimetière de Publier
473, "Le soldat"
472. Anna de Noailles récite "La Jeunesse"
471. Anna de Noailles récite : "J'écris pour que le jour"
470. Le jardin votif Anna de Noailles à Amphion
469. Anna de Noailles : quelques images
468. Anna de Noailles : portrait
467. Anna de Noailles : trois caricatures
466. Deux lettres à Maurice Barrès
465. La chambre d'Anna de Noailles au Musée Carnavalet..
443-464. "Conte triste"
441-442. "Poème de l'Amour"
440. "Toujours, à toutes les secondes"
439. "Quand ce soir tu t’endormiras"
438. "Matin, j’ai tout aimé, et j’ai tout trop aim...
437. "La bonté, n’étant pas l’excès"
436. "Meurt-on d’aimer ? On peut le croire"
435. "Le courage est ce qui remplace"
434. "Les volets, les rideaux, les portes"
433. "Le silence répand son vide"
432. "Le bonheur d’aimer est si fort"
431. "Je ne t’aime pas pour que ton esprit"
430. "Je ne puis comparer mon mal"
429. "En ton absence je ne puis"
428. "Je me taisais, j’avais fait voeu"
427. "Ceux qui, hors du rêve et des transes"
426. "Jadis je me sentais unique"
425. "Je crois que j’ai dû te parler"
424. "J’ai perdu l’univers puisque tu me suffis"
423. "Fais ce que tu veux, désormais"
422. "Je n’ai pas écrit par raison"
421. "Certes j’aime ce que je pense"
420. "Je bénis le sommeil, lui seul peut déformer"...
419. "Ami parmi tous les amis"
418." Aucun jour je ne me suis dit"
417. "C’est l’hiver, le ciel semble un toit"
416. "Automne pluvieux, mélancolique automne"
415. "Tu me donnes enfin la paix"
414. "Il est doux d’aimer faiblement"
413. "Dans les ténèbres de Vérone"
412. "J’ai travesti, pour te complaire"
411. "En ce moment tu ne sais pas"
410. "Vivre, c’est désirer encor"
409. "Un triste orgue de Barbarie"
408. "Enfin la première nuit froide"
407. "J’aime d’un amour clandestin"
406. "Ô suave ami périssable"
405. "Les vers que je t’écris ne sont pas d’Orient...
404. "Ce n’est pas une tendre chose"
403. "Je ne puis jamais reposer"
402. "Faut-il que tu sois juste aussi"
401. "C’est d’une adresse humble et savante"
498. Table des messages : 299 à 400
400. "L'hiver aux opaques parois"
399. "Impérieux mais indolent"
398. " Azuré, faible, blessé"
397. " A quoi veux-tu songer ?"
396. "Ce que je voudrais ..."
395. "Je crois à l'âme"
394. "Je n'aime pas que tu me plaises"
393. "En vain la peur d'un joug ..."
392. "Il faudra bien pourtant"
391. "Crois-moi, ce n'est pas aisément"
390. "A présent que j'ai bien connu"
389. "Offrande à Pan"
388. "Le repos"
387. "L'enfant Eros"
386. "L'Appel"
385. "L'Amour"
384. "Eva"
383. "Chaleur"
372-382. "La Domination"
366-371. "Les innocentes ou la sagesse des femmes"
365. "Les Vivants et les Morts" (1913)
364. BNF. Gallica : un album de photographies
363. "Le coeur innombrable" (1901)
362. Francis James : à Anna de Noailles
361. Jean Rostand évoque Anna de Noailles
360. Francois Mauriac : Anna de Noailles est morte
359. Charles Maurras : la comtesse de Noailles
358. Anna de Noailles : un point de vue contempora...
357. La correspondance d'Anna de Noailles
356. Edouard Herriot : hommage à Anna de Noailles
355. Gabriel Bonnoure : à propos de la Comtesse de...
354. Florilège et citations
353. Vous êtes mort un soir
352. Voix intérieure
351. Vivre, permanente surprise !
350. Soir d'été
349. Paroles à la lune
348. Les saisons et l'amour
347. Les paysages - Les rêves
346. "Les parfums"
345. "Le jardin et la maison" - "Le pays"
344."La nuit lorsque je dors"
343. "La conscience"
342. "La chaude chanson"
341. "L'orgueil"
340. "L'innocence"
339. "L'automne"
338. "L'ardeur"
337. "Dissuasion"
336. "Bitto"
335. Emmanuel Berl : Anna de Noailles
334. Maurice Barrès : lettre à Anna de Noailles
333. A l'Académie Royale de Belgique
332. Une pièce rare, très rare ....
331. Minerve au bouclier d'or
310-330. "Poème de l'Amour"
299-309. Le jardin votif Anna de Noailles
399. "Impérieux mais indolent"
398. " Azuré, faible, blessé"
397. " A quoi veux-tu songer ?"
396. "Ce que je voudrais ..."
395. "Je crois à l'âme"
394. "Je n'aime pas que tu me plaises"
393. "En vain la peur d'un joug ..."
392. "Il faudra bien pourtant"
391. "Crois-moi, ce n'est pas aisément"
390. "A présent que j'ai bien connu"
389. "Offrande à Pan"
388. "Le repos"
387. "L'enfant Eros"
386. "L'Appel"
385. "L'Amour"
384. "Eva"
383. "Chaleur"
372-382. "La Domination"
366-371. "Les innocentes ou la sagesse des femmes"
365. "Les Vivants et les Morts" (1913)
364. BNF. Gallica : un album de photographies
363. "Le coeur innombrable" (1901)
362. Francis James : à Anna de Noailles
361. Jean Rostand évoque Anna de Noailles
360. Francois Mauriac : Anna de Noailles est morte
359. Charles Maurras : la comtesse de Noailles
358. Anna de Noailles : un point de vue contempora...
357. La correspondance d'Anna de Noailles
356. Edouard Herriot : hommage à Anna de Noailles
355. Gabriel Bonnoure : à propos de la Comtesse de...
354. Florilège et citations
353. Vous êtes mort un soir
352. Voix intérieure
351. Vivre, permanente surprise !
350. Soir d'été
349. Paroles à la lune
348. Les saisons et l'amour
347. Les paysages - Les rêves
346. "Les parfums"
345. "Le jardin et la maison" - "Le pays"
344."La nuit lorsque je dors"
343. "La conscience"
342. "La chaude chanson"
341. "L'orgueil"
340. "L'innocence"
339. "L'automne"
338. "L'ardeur"
337. "Dissuasion"
336. "Bitto"
335. Emmanuel Berl : Anna de Noailles
334. Maurice Barrès : lettre à Anna de Noailles
333. A l'Académie Royale de Belgique
332. Une pièce rare, très rare ....
331. Minerve au bouclier d'or
310-330. "Poème de l'Amour"
299-309. Le jardin votif Anna de Noailles
497. Table des messages : 201 à 298
292-298. Anna de Noailles : entre prose et poésie.
291. Angela Bargenda : "Paradeisos"
290. "Il fera longtemps clair ce soir"
289. "La pensée alanguie"
288. "Les espaces infinis"
287. "Regrets"
286. "Offrande"
285. "Mon Dieu, je sais qu'il faut"
284. "Je vivais. Mon regard, comme un peuple ..."
283. "Puisqu'il faut que la mort"
282. "Malgré mes bras tendus"
281. "Je respire et tu dors à présent"
280. "Je ne veux pas savoir s'il fait clair"
279. "La prière devant le soleil"
278. "Puisqu'il faut que l'on vive"
277. "La nuit rapproche mieux"
276. "Ton absence est partout"
275. "Le souvenir des morts"
274. "Les vivants se sont tus"
273. "Il paraît que la mort"
272. "Puisque j'ai su par toi"
271. "Hélas, il pleut sur toi"
270. "L'abime"
269. "Les morts"
268. "O Dieu mystérieux"
267. "Les manes de Napoléon"
266. "Vers écrits sur les champs de bataille d'Alsace
265. "A Mistral"
264. "En ces jours déchirants"
263. "Elévation"
262. "Le destin du poète"
261. "Je sais que rien n'est plus"
260. "Je vis, je pense et l'ombre ..."
259. "L'espace nocturne"
258. "On étouffait d'angoisse atroce"
257. "J'ai revu la nature"
256. "Je suis fière de tout"
255. "Comme vous accablez vos préférés"
254. "Mon Dieu ! Je sais ce qu'il faut ..."
253. "Si vous parliez Seigneur"
252. "La solitude"
251. "Mon dieu, je ne sais rien"
250. "O monde ! Nous passons !"
249. "La prière"
248. "Henri Heine"
247. "Les nuits de Baden"
246. "Ce matin clair et vif"
245. "Le printemps du Rhin ( Strasbourg)"
244. "Un soir à Londres"
243. "Rivages contemplés"
242. "La terre"
241. "La langueur des voyages"
240. "Le ciel bleu du milieu du jour"
239. "Ceux qui n'ont respiré"
238. "L'évasion"
237. "La nuit flotte"
236. "Arles"
235. "Chaleur des nuits d'été"
234. "Automne"
233. "Bonté de l'univers que je croyais éteinte"
232. "Un soir en Flandre"
231. "Au pays de Rousseau"
230. "Les rives romanesques"
229. "Octobre et son odeur"
228. "Ainsi les jours s'en vont"
227. "Je n'ai vu qu'un instant"
226. "Midi sonne au clocher de la tour sarrasine"
225. "Sirocco à Venise"
224. "Cloches vénitiennes"
223. "Nuit vénitienne"
222. "La messe de l'aurore à Venise"
221. "Va prier dans Saint-Marc
220. "Un automne à Venise"
219. "Un soir à Vérone"
218. "Musique pour les jardins de Lombardie"
217. "L'air brûle, la chaude magie"
216. "L'enchantement de la Sicile"
215. "L'auberge d'Agrigente"
214. "Agrigente"
213. "A Palerme, au jardin Tasca"
212. "Les soirs de Catane"
211. "Le port de Palerme"
210. "Le désert des soirs"
209. "Palerme s'endormait"
208. "Dans l'azur antique"
207. "Les soirs du monde"
206. "Les climats"
205. "La constance"
204. "La musique et la nuit"
203. "Un abondant amour"
202. "O mon ami, sois mon tombeau !"
201. "Soir sur la terrasse"
291. Angela Bargenda : "Paradeisos"
290. "Il fera longtemps clair ce soir"
289. "La pensée alanguie"
288. "Les espaces infinis"
287. "Regrets"
286. "Offrande"
285. "Mon Dieu, je sais qu'il faut"
284. "Je vivais. Mon regard, comme un peuple ..."
283. "Puisqu'il faut que la mort"
282. "Malgré mes bras tendus"
281. "Je respire et tu dors à présent"
280. "Je ne veux pas savoir s'il fait clair"
279. "La prière devant le soleil"
278. "Puisqu'il faut que l'on vive"
277. "La nuit rapproche mieux"
276. "Ton absence est partout"
275. "Le souvenir des morts"
274. "Les vivants se sont tus"
273. "Il paraît que la mort"
272. "Puisque j'ai su par toi"
271. "Hélas, il pleut sur toi"
270. "L'abime"
269. "Les morts"
268. "O Dieu mystérieux"
267. "Les manes de Napoléon"
266. "Vers écrits sur les champs de bataille d'Alsace
265. "A Mistral"
264. "En ces jours déchirants"
263. "Elévation"
262. "Le destin du poète"
261. "Je sais que rien n'est plus"
260. "Je vis, je pense et l'ombre ..."
259. "L'espace nocturne"
258. "On étouffait d'angoisse atroce"
257. "J'ai revu la nature"
256. "Je suis fière de tout"
255. "Comme vous accablez vos préférés"
254. "Mon Dieu ! Je sais ce qu'il faut ..."
253. "Si vous parliez Seigneur"
252. "La solitude"
251. "Mon dieu, je ne sais rien"
250. "O monde ! Nous passons !"
249. "La prière"
248. "Henri Heine"
247. "Les nuits de Baden"
246. "Ce matin clair et vif"
245. "Le printemps du Rhin ( Strasbourg)"
244. "Un soir à Londres"
243. "Rivages contemplés"
242. "La terre"
241. "La langueur des voyages"
240. "Le ciel bleu du milieu du jour"
239. "Ceux qui n'ont respiré"
238. "L'évasion"
237. "La nuit flotte"
236. "Arles"
235. "Chaleur des nuits d'été"
234. "Automne"
233. "Bonté de l'univers que je croyais éteinte"
232. "Un soir en Flandre"
231. "Au pays de Rousseau"
230. "Les rives romanesques"
229. "Octobre et son odeur"
228. "Ainsi les jours s'en vont"
227. "Je n'ai vu qu'un instant"
226. "Midi sonne au clocher de la tour sarrasine"
225. "Sirocco à Venise"
224. "Cloches vénitiennes"
223. "Nuit vénitienne"
222. "La messe de l'aurore à Venise"
221. "Va prier dans Saint-Marc
220. "Un automne à Venise"
219. "Un soir à Vérone"
218. "Musique pour les jardins de Lombardie"
217. "L'air brûle, la chaude magie"
216. "L'enchantement de la Sicile"
215. "L'auberge d'Agrigente"
214. "Agrigente"
213. "A Palerme, au jardin Tasca"
212. "Les soirs de Catane"
211. "Le port de Palerme"
210. "Le désert des soirs"
209. "Palerme s'endormait"
208. "Dans l'azur antique"
207. "Les soirs du monde"
206. "Les climats"
205. "La constance"
204. "La musique et la nuit"
203. "Un abondant amour"
202. "O mon ami, sois mon tombeau !"
201. "Soir sur la terrasse"
496. Table des messages : 101 à 200
200. "Ainsi les jours ont fui"
199. "Vous emplissez ma vie"
198. "Comme le temps est court"
197. "Destin imprévisible"
196. "Je ne me réjouis de rien"
195. "Le monde intérieur"
194. "Tendresse"
193. "Je ne puis pas comprendre"
192. "La passion"
191. "La nue est radieuse"
190. "Les soldats sur la route"
189. "La tempête"
188. "Tout semble libéré"
187. "Bénissez cette nuit !"
186. "Qu'ai-je à faire de vous ?"
185. "En écoutant Schumann"
184. "Je t'aime et cependant"
183. "Tu ressembles à la musique"
182. "La musique de Chopin"
181. "Avoir tout accueilli"
180. "Cantique"
179. "T'aimer et quand le jour timide"
178. "Tel l'arbre de corail"
177. "Je marchais près de vous"
176. "J'ai vu à ta confuse"
175. "Nous n'avions plus besoin de parler"
174. "O mon ami, souffrez"
173. "Je vous avais donné"
172. "Le chant du printemps"
171. "Seigneur, pourquoi l'amour ?
170. "La douleur"
165-169. "Le livre de ma vie" (extraits)
164. Deux esprits détachés
163. Retour à Amphion (1910)
162. L'insatisfaction et l'isolement
161. Les innocentes ou la sagesse des femmes
160. A propos du poème "Les paradis"
159. "Le jardin perfide"
158. "Lever au soleil"
157. "La côte est de feux bleus"
156. "A propos du lac Léman"
155. "Vous que jamais"
154. "Ô lumineux matin !"
153. "Chant Dionysien"
152. "L'île des folles à Venise"
151 "Le verger"
150. "Les journées romaines"
149. "Syracuse"
148. "Nous étions de très petits enfants"
147. "Le premier chagrin"
146. "La promesse"
145. "Une ile"
142-144. "Tumulte"
136-141. E. Savy : l'imaginaire dans l'oeuvre d'A. de Noailles
135. Les paradis d'Anna de Noailles
133-134. "L'honneur de souffrir"
132. Anna de Noailles : images
131. Un manuscrit d'Anna de Noailles
128-130. Anna de Noailles et le jardin.
127. "Si je n'aimais que toi"
126. "L'inquiet désir"
125. "Le coeur, La chaude chanson, Azur"
124. "Deux êtres luttent dans mon coeur"
123. Un ouvrage en anglais
122-121. Un portrait inconnu d'Anna de Noailles
120. "Le baiser"
119. Un poème à écouter : "Enfance"
118. Anna de Noailles et Amphion
117. Manuscrit de la Comtesse de Noailles
116. Anna de Noailles et la revue "Annales"
115. Anna de Noailles et Rabindranath Tagore
114. Un portrait de la comtesse de Noailles
112-113. Sur le fil d'Archal : Anna de Noailles
111. Le vélocipède du prince de Brancovan
110. La poésie d'Anna de Noailles
109. Jean Cocteau évoque Anna de Noailles
108. Emmanuel Berl évoque Anna de Noailles
107. Colette évoque Anna de Noailles
106. "Plainte"
105. "Le retour au lac Léman"
104. "La vie profonde"
103. "Je me défends de toi"
102. "Un jour, on avait tant souffert ..."
101. "L'image"
199. "Vous emplissez ma vie"
198. "Comme le temps est court"
197. "Destin imprévisible"
196. "Je ne me réjouis de rien"
195. "Le monde intérieur"
194. "Tendresse"
193. "Je ne puis pas comprendre"
192. "La passion"
191. "La nue est radieuse"
190. "Les soldats sur la route"
189. "La tempête"
188. "Tout semble libéré"
187. "Bénissez cette nuit !"
186. "Qu'ai-je à faire de vous ?"
185. "En écoutant Schumann"
184. "Je t'aime et cependant"
183. "Tu ressembles à la musique"
182. "La musique de Chopin"
181. "Avoir tout accueilli"
180. "Cantique"
179. "T'aimer et quand le jour timide"
178. "Tel l'arbre de corail"
177. "Je marchais près de vous"
176. "J'ai vu à ta confuse"
175. "Nous n'avions plus besoin de parler"
174. "O mon ami, souffrez"
173. "Je vous avais donné"
172. "Le chant du printemps"
171. "Seigneur, pourquoi l'amour ?
170. "La douleur"
165-169. "Le livre de ma vie" (extraits)
164. Deux esprits détachés
163. Retour à Amphion (1910)
162. L'insatisfaction et l'isolement
161. Les innocentes ou la sagesse des femmes
160. A propos du poème "Les paradis"
159. "Le jardin perfide"
158. "Lever au soleil"
157. "La côte est de feux bleus"
156. "A propos du lac Léman"
155. "Vous que jamais"
154. "Ô lumineux matin !"
153. "Chant Dionysien"
152. "L'île des folles à Venise"
151 "Le verger"
150. "Les journées romaines"
149. "Syracuse"
148. "Nous étions de très petits enfants"
147. "Le premier chagrin"
146. "La promesse"
145. "Une ile"
142-144. "Tumulte"
136-141. E. Savy : l'imaginaire dans l'oeuvre d'A. de Noailles
135. Les paradis d'Anna de Noailles
133-134. "L'honneur de souffrir"
132. Anna de Noailles : images
131. Un manuscrit d'Anna de Noailles
128-130. Anna de Noailles et le jardin.
127. "Si je n'aimais que toi"
126. "L'inquiet désir"
125. "Le coeur, La chaude chanson, Azur"
124. "Deux êtres luttent dans mon coeur"
123. Un ouvrage en anglais
122-121. Un portrait inconnu d'Anna de Noailles
120. "Le baiser"
119. Un poème à écouter : "Enfance"
118. Anna de Noailles et Amphion
117. Manuscrit de la Comtesse de Noailles
116. Anna de Noailles et la revue "Annales"
115. Anna de Noailles et Rabindranath Tagore
114. Un portrait de la comtesse de Noailles
112-113. Sur le fil d'Archal : Anna de Noailles
111. Le vélocipède du prince de Brancovan
110. La poésie d'Anna de Noailles
109. Jean Cocteau évoque Anna de Noailles
108. Emmanuel Berl évoque Anna de Noailles
107. Colette évoque Anna de Noailles
106. "Plainte"
105. "Le retour au lac Léman"
104. "La vie profonde"
103. "Je me défends de toi"
102. "Un jour, on avait tant souffert ..."
101. "L'image"
495. Table des messages : 001 à 100
100. "C'est là que dort mon coeur ...."
090-099. Citations I à X.
084-089. Marcel Proust : les "Eblouissements"
083. Gallica. BNF : Anna de Noailles
082. "Le paradis, c'est vous ....."
081. Correspondance
080. "La course dans l'azur"
079. La prose de Madame de Noailles
078. "Le temps de vivre"
077. "Soir de Rome".
076. "Je dormais, je m'éveille"
075. "Que m'importe aujourd'hui"
074. "J'espère de mourir"
073. "Tu t'éloignes cher être"
072. "L'amitié"
071. "J'ai tant révé par vous"
070. Henry Bordeaux évoque Anna de Noailles
069. Ignacio Zuloaga
068. Anna de Noailles : un timbre-poste
067. Emilio Terry : le jardin d'Amphion
063-066. Anna de Noailles par Francois Mauriac
062. "Nuit voluptueuse"
061. Anna de Noailles par Rodin
060. Table des messages.
059. "La tristesse dans le parc"
058. "La journée heureuse"
057. "L'hiver"
056. "Il n'est pas un instant"
055. "La cité natale"
054. "A la nuit"
053. "Ainsi les jours légers"
052. Anna de Noailles : blog en anglais
051. La mort du poète
049-050. Anna de Noailles et Jean Rostand
048. "On ne peut rien vouloir"
047. "La mort fervente"
046. "La mort dit à l'homme"
045. Amphion : le monument Anna de Noailles
044. Dédicace et Citations
043. Anna de Noailles par elle-même
042. Anna de Noailles : quatre portraits
041. Un ouvrage plus rare
040. Un petit livre passionnant
039. Un autre ouvrage de référence
038. Un ouvrage de référence
035-037. Anna de Noailles à Amphion.
034. Amphion : la villa Bassaraba
032-033. Le prince de Brancovan.
031. Pastels de la comtesse de Noailles
030. A propos des poèmes 28 et 29.
029. "Notre amour"
028. "C'est après les moments ..."
027. "Exaltation"
026. Un témoignage : Angèle Paoli
025. "Jeunesse"
024. "La Jeunesse"
023. "La Nature et l'Homme"
022. "L'empreinte"
021. "In Nature's Praise"
018-020. Anna de Noailles à Evian.
017. Evian, au temps d'Anna de Noailles
016. Dédicace du roman "Le couple nu"
015. Lettre à Maurice Barrès.
014. Evian : le lycée Anna de Noailles
013. "L'offrande à la nature"
012. La table de travail d'Anna de Noailles
011. A propos d'Anna de Noailles
009-010. Le monument votif à Amphion.
007-008. La tombe d'Anna de Noailles à Publier.
006. "Tu vis, je bois l'azur"
005. Anna de Noailles : bibliographie
004. Anna de Noailles : biographie
003. L'oeuvre d'Anna de Noailles
002. "Etranger qui viendra ..."
001. La Comtesse de Noailles
090-099. Citations I à X.
084-089. Marcel Proust : les "Eblouissements"
083. Gallica. BNF : Anna de Noailles
082. "Le paradis, c'est vous ....."
081. Correspondance
080. "La course dans l'azur"
079. La prose de Madame de Noailles
078. "Le temps de vivre"
077. "Soir de Rome".
076. "Je dormais, je m'éveille"
075. "Que m'importe aujourd'hui"
074. "J'espère de mourir"
073. "Tu t'éloignes cher être"
072. "L'amitié"
071. "J'ai tant révé par vous"
070. Henry Bordeaux évoque Anna de Noailles
069. Ignacio Zuloaga
068. Anna de Noailles : un timbre-poste
067. Emilio Terry : le jardin d'Amphion
063-066. Anna de Noailles par Francois Mauriac
062. "Nuit voluptueuse"
061. Anna de Noailles par Rodin
060. Table des messages.
059. "La tristesse dans le parc"
058. "La journée heureuse"
057. "L'hiver"
056. "Il n'est pas un instant"
055. "La cité natale"
054. "A la nuit"
053. "Ainsi les jours légers"
052. Anna de Noailles : blog en anglais
051. La mort du poète
049-050. Anna de Noailles et Jean Rostand
048. "On ne peut rien vouloir"
047. "La mort fervente"
046. "La mort dit à l'homme"
045. Amphion : le monument Anna de Noailles
044. Dédicace et Citations
043. Anna de Noailles par elle-même
042. Anna de Noailles : quatre portraits
041. Un ouvrage plus rare
040. Un petit livre passionnant
039. Un autre ouvrage de référence
038. Un ouvrage de référence
035-037. Anna de Noailles à Amphion.
034. Amphion : la villa Bassaraba
032-033. Le prince de Brancovan.
031. Pastels de la comtesse de Noailles
030. A propos des poèmes 28 et 29.
029. "Notre amour"
028. "C'est après les moments ..."
027. "Exaltation"
026. Un témoignage : Angèle Paoli
025. "Jeunesse"
024. "La Jeunesse"
023. "La Nature et l'Homme"
022. "L'empreinte"
021. "In Nature's Praise"
018-020. Anna de Noailles à Evian.
017. Evian, au temps d'Anna de Noailles
016. Dédicace du roman "Le couple nu"
015. Lettre à Maurice Barrès.
014. Evian : le lycée Anna de Noailles
013. "L'offrande à la nature"
012. La table de travail d'Anna de Noailles
011. A propos d'Anna de Noailles
009-010. Le monument votif à Amphion.
007-008. La tombe d'Anna de Noailles à Publier.
006. "Tu vis, je bois l'azur"
005. Anna de Noailles : bibliographie
004. Anna de Noailles : biographie
003. L'oeuvre d'Anna de Noailles
002. "Etranger qui viendra ..."
001. La Comtesse de Noailles
27/02/2012
494. Danseuse persane
Dame persane, en robe rose,
Qui dansez dans le frais vallon,
Tournez vers mon âme morose
Votre oeil de biche, sombre et long.
Veuillez écouter ma complainte:
J’étais faite aussi pour danser
Sur la tulipe et la jacinthe
Que vos pieds viennent caresser.
Un bas en or sur votre jambe
Luit comme un réseau de soleil,
Et tout votre jeune être flambe
Auprès d’un branchage vermeil.
Ce bel arbuste solitaire,
Où vous enroulez votre bras,
Est en feu comme un lampadaire,
Et parfume comme un cédrat.
Indiquez-moi la douce allée
Qui mène à ce pays charmant;
Quel est le nom de la vallée
Où vous dansez éperdument ?
[...] Comme je vois à tous vos gestes,
A vos secrets qu’on peut saisir,
A toutes vos mines célestes,
Que vous n’aimiez que le plaisir !
Que t’importait, ange farouche,
Ardent, faible et voluptueux,
Ce que, loin de ta douce bouche,
Les vieux sages disaient entre eux.
Pendant leur morne promenade,
Sur les bords du Tigre, en été
Roulant leurs chapelets de jade,
Ils maudissaient la volupté.
Ils disaient que, puisque tout passe,
Puisque l’être est pareil au vent,
Il faut méditer dans l’espace,
Sous les platanes d’un couvent…
– Mais toi, danseuse au clair délire,
Gâteau de miel, de lis et d’or,
Tu ris et dédaignes de lire
Leurs manuscrits où l’on s’endort.
Que leur corps usé se repose !
Mais toi, lorsque le rossignol
Se gorge du vin de la rose
Et tombe étourdi sur le sol,
Lorsque, sous la blanche églantine,
Dans l’épais tapis des cerfeuils,
La lune emplit d’ardeur divine
Les loups, les lynx et les chevreuils,
Tu t’élances sous le beau cèdre,
Tu caresses ses noirs rameaux,
Tu danses, grave comme un prêtre,
Chaude comme les animaux !
Tu chantes, et ta cantilène
Jaillit, bondit, comme un jet d’eau,
Toute ton âme se promène
Du vallon noir au noir coteau !
Tu dis que c’est l’heure de vivre,
Que le moment de vivre est court,
Que ton Dieu veut que l’on s’enivre
De parfum, de vin et d’amour !
Tu dis que la terre est sans joie
Pour ceux qui sont dans le tombeau,
Qu’il faut que le désir s’éploie
Comme un vautour cruel et beau !
Tu dis, danseuse sanglotante,
Mêlant les pleurs à ton appel,
Que voici l’heure haletante
Où bout le sang universel !
Voix joyeuse et désespérée,
Ah ! que veux-tu donc obtenir
Par ton angoisse humble et sacrée,
Qui semble gémir ou hennir ?
Tu chantes la vie, et la vie!
Mais, ô soif de l’immensité,
Je sais que ta suprême envie
Est de mourir de volupté…
Les Éblouissements (1907)
Source : http://www.annadenoailles.org/bibliographie/poesie/eblouissements/
493. Evian au temps de la Comtesse de Noailles. 1
La petite ville d'Evian, en Savoie, au bord du Lac Léman, est pour moi le lieu de tous les souvenirs. C'est là que j'ai, dans mon enfance, tout possédé, et dans l'adolescence tout espéré. Si le parfum est le plus prompt véhicule que l'âme puisse emprunter au monde pour rejoindre le passé, l'infini, les cieux, je suis ici dans ce royaume de la mémoire. Je reconnais les vives odeurs du Lac, légères et mouvementées, où l'on discerne un parfum de marine et d'ablettes, de goudron éventé, de barques peintes et clapotantes, qui font rêver des grands ports et des voyages. A cette jubilante émanation du rivage, il faut joindre l'arôme matinal de la rosée des nuits, partout encore en suspens et que l'azur s'assimile; des effluves d'herbes et de pollens qui contaminent suavement l'intact pureté de l'air et de fines senteurs animales: plumages volants et pépiants, roitelets, chardonnerets, merles charmants et maladroits, fardeau de la délicate pelouse. Le Lac, en été, est un satin tendu, plus soyeux que l'éther, moins que lui cristallin. Le silence, dans cette atmosphère de turquoise crémeuse, formerait un bloc de compact azur s'il n'était disjoint de moment en moment par le bourdonnement saccadé des bateaux à vapeur qui semblent transporter d'une rive à l'autre l'impatience aventureuse et l'exaucement des désirs. Là j'ai vraiment connu la joie, visiteuse forcenée, archange tumultueux qui pénétrait en moi avec toutes ses ailes pour m'entraîner, trébuchante de radieux vertige, vers les régions illimitées de l'espérance. (Anna de Noailles)
-------------------------------Je propose ci-après (messages 493 à 484) une sélection d'images anciennes évoquant la ville d'Evian au temps de la Comtesse de Noailles
-------------------------------
Cliquez sur l'image pour l'agrandir
-------------------------------
25/02/2012
483. Roger Nimier évoque Anna de Noailles
Roger NIMIER, romancier, critique littéraire et scénariste français (1925-1962), disciple de Giraudoux et de Cocteau.
-----------------------
On ferait tout un cahier des éloges qui furent écrits sur la belle comtesse de Noailles. Elle fut la femme la plus célèbre d’une époque dont Sarah Bernhardt était la tragédienne, D’Annunzio, l’écrivain et Bergson le penseur. André Gide a constaté " Sur son berceau toutes les fées s’étaient penchées. Elle avait tout pour elle : nom, fortune, beauté ; mieux encore : grâce exquise faite d’abandon, de défaillance, de sursaut d’une fureur sacrée ; il suffisait de l’entendre parler quelques instants pour comprendre qu’un étrange génie l’habitait qui ne lui permettait à jamais plus d’être modeste, ni de se taire ; oui, de faire silence en elle, parfois." Cette œuvre même, l’excellente anthologie de Marcel Béalu nous invite à la regarder avec des yeux nouveaux. Sans doute Marie Noël est-elle plus touchante, Louise de Vilmorin plus fraîche et plus tendre, Catherine Pozzi plus rigoureuse ; il n’en reste pas moins qu’Anna de Noailles pourrait nous servir à définir la poésie féminine, si ce monstre existe, avec ses cheveux en forme de serpents alexandrins, ses douze ailes, ses trois queues de dragon, et son œil plus grand que sa tête. Et puis il y a ce prestige qui reste accroché au nom de la comtesse et qui fait encore pleurer François Mauriac, comme il avait ému Marcel Proust.
Gide disait beaucoup en regrettant qu’elle fût incapable de faire silence en elle. Ses vers nous paraissent doublement bruyants : par leur mouvement et leur sonorité, d’abord, et aussi par l’impression qu’ils nous donnent au moment où nous les lisons, qu’une dame se frappe énergiquement la poitrine et se traîne à nos pieds, en nous les récitant d’une voix pâmée et nasillarde, qui pourrait être celle de Sarah Bernhardt. Ce qu’il y a de charnel chez Anna de Noailles nous semble d’une ivresse assez limitée. Et puisqu’elle n’est pas faite pour la discrétion, nous voudrions la trouver, non pas plus véhémente mais plus brûlante encore et telle que Louise Labbé savait l’être. Elle célébrait le "cœur innombrable", les forces de l’univers. Tandis qu’Henri Bergson racontait l’évolution créatrice dans un agréable roman-feuilleton qui fut quelque temps estimé en Sorbonne, elle tentait de se fondre à la nature. Ce qui nous donne Le Verger, dont voici deux strophes :
Mon cœur indifférent et doux aura la pente
Du feuillage flexible et plat des haricots
Sur qui l’eau de la nuit se dépose et serpente
Et coule sans troubler son rêve et son repos.[…]
Et ce sera très bon et très juste de croire
Que mes yeux ondoyants sont à ce lin pareils,
Et que mon cœur, ardent et lourd, est cette poire
Qui mûrit doucement sa pelure au soleil.
Evidemment, nous sommes loin de la Voie lactée ou de Dionysos : c’est une extase de jardinier, qui aurait fait pleurer l’abbé Delille. Anna de Noailles s’appliqua beaucoup à chanter l’amour. Là encore, nous avons grand-peine à la suivre dans ses débordements rythmiques. Dès qu’elle se lance dans l’espace, invoque la volupté qui éclaire le monde ou la jeunesse éternelle, une très sage envie nous prend de fermer les yeux. Cette belle et fraîche jeune femme manquait de vigueur pour prendre les dieux par la main. Nous la préférons dans son testament spirituel, quand elle dit :
Je vous laisse le clair soleil de mon visage
Ses millions de rais
Et mon cœur faible et doux, qui eut tant de courage
Pour ce qu’il désirait.
Je vous laisse ce cœur et toute son histoire,
Et sa douceur de lin,
Et l’aube de ma joue, et la nuit bleue et noire
Dont mes cheveux sont pleins".
C’est de la poésie pour jeunes filles, qui n’est pas sans charme. (Un seul malheur : elle croyait écrire pour les jeunes gens.) Il est classique de distinguer deux aspects chez la plupart des poètes. Il y a le Valéry philosophe et celui des "Pas" et de "l'Ode secrète". Il y a le Victor Hugo épique et celui qui siffle entre ses doigts. Nous avons tendance, aujourd’hui, à détester les éclats de voix poétiques. C’est pourquoi Anna de Noailles est très loin de nous. Nous avons peine à penser qu’elle mourut en 1933 et qu’elle aurait pu connaître Michaux, Prévert ou Audiberti. Au contraire nous avons le sentiment qu’elle est la contemporaine de Leconte de Lisle, que Vigny l’a aimée, que Fernand Gregh l’a fait sauter sur ses genoux quand elle était petite...
"Je ne souffrirai plus, je ne penserai plus", écrit-elle encore, mais nous ne sommes pas certain qu’elle ait jamais pensé. Ce n’était pas non plus son affaire. Son métier était de ressembler à une femme célèbre. Charles Du Bos a écrit un livre intitulé : "La Comtesse de Noailles ou le Climat du génie". Elle pouvait donner cette illusion et après tout, montrer du génie dans ses battements de paupières. La plupart des lecteurs préfèrent les paroles aux mots imprimés. Ils s’exaltent aisément sur le compte de ces étranges personnes, bavardes, vaniteuses, flatteuses, jacassantes, comme il en naît deux ou trois tous les siècles : "Que n’a-t-elle écrit les choses qu’elle a dites et qu’elle n’estimait pas dignes de son orgueil".(Cocteau.)
Avec le temps, une conspiration du respect s’ajoute à ces premiers enthousiasmes. La personne élue devient une figure nationale et quitte absolument la littérature pour le Panthéon. Quand la gloire de Proust éclata, Anna de Noailles fut confondue. Pourquoi faisait-on si grand cas de ce vieux jeune homme ? Elle mourut en tout cas sans être détrompée sur son génie. Il est certain qu’à l’heure présente, elle raconte aux enfers que sa gloire n’a pas bougé et que plusieurs jeunes gens se tuent d’amour pour elle, chaque année.
Roger Nimier. Journées de lecture II. NRF mars 1995
-----------------------
On ferait tout un cahier des éloges qui furent écrits sur la belle comtesse de Noailles. Elle fut la femme la plus célèbre d’une époque dont Sarah Bernhardt était la tragédienne, D’Annunzio, l’écrivain et Bergson le penseur. André Gide a constaté " Sur son berceau toutes les fées s’étaient penchées. Elle avait tout pour elle : nom, fortune, beauté ; mieux encore : grâce exquise faite d’abandon, de défaillance, de sursaut d’une fureur sacrée ; il suffisait de l’entendre parler quelques instants pour comprendre qu’un étrange génie l’habitait qui ne lui permettait à jamais plus d’être modeste, ni de se taire ; oui, de faire silence en elle, parfois." Cette œuvre même, l’excellente anthologie de Marcel Béalu nous invite à la regarder avec des yeux nouveaux. Sans doute Marie Noël est-elle plus touchante, Louise de Vilmorin plus fraîche et plus tendre, Catherine Pozzi plus rigoureuse ; il n’en reste pas moins qu’Anna de Noailles pourrait nous servir à définir la poésie féminine, si ce monstre existe, avec ses cheveux en forme de serpents alexandrins, ses douze ailes, ses trois queues de dragon, et son œil plus grand que sa tête. Et puis il y a ce prestige qui reste accroché au nom de la comtesse et qui fait encore pleurer François Mauriac, comme il avait ému Marcel Proust.
Gide disait beaucoup en regrettant qu’elle fût incapable de faire silence en elle. Ses vers nous paraissent doublement bruyants : par leur mouvement et leur sonorité, d’abord, et aussi par l’impression qu’ils nous donnent au moment où nous les lisons, qu’une dame se frappe énergiquement la poitrine et se traîne à nos pieds, en nous les récitant d’une voix pâmée et nasillarde, qui pourrait être celle de Sarah Bernhardt. Ce qu’il y a de charnel chez Anna de Noailles nous semble d’une ivresse assez limitée. Et puisqu’elle n’est pas faite pour la discrétion, nous voudrions la trouver, non pas plus véhémente mais plus brûlante encore et telle que Louise Labbé savait l’être. Elle célébrait le "cœur innombrable", les forces de l’univers. Tandis qu’Henri Bergson racontait l’évolution créatrice dans un agréable roman-feuilleton qui fut quelque temps estimé en Sorbonne, elle tentait de se fondre à la nature. Ce qui nous donne Le Verger, dont voici deux strophes :
Mon cœur indifférent et doux aura la pente
Du feuillage flexible et plat des haricots
Sur qui l’eau de la nuit se dépose et serpente
Et coule sans troubler son rêve et son repos.[…]
Et ce sera très bon et très juste de croire
Que mes yeux ondoyants sont à ce lin pareils,
Et que mon cœur, ardent et lourd, est cette poire
Qui mûrit doucement sa pelure au soleil.
Evidemment, nous sommes loin de la Voie lactée ou de Dionysos : c’est une extase de jardinier, qui aurait fait pleurer l’abbé Delille. Anna de Noailles s’appliqua beaucoup à chanter l’amour. Là encore, nous avons grand-peine à la suivre dans ses débordements rythmiques. Dès qu’elle se lance dans l’espace, invoque la volupté qui éclaire le monde ou la jeunesse éternelle, une très sage envie nous prend de fermer les yeux. Cette belle et fraîche jeune femme manquait de vigueur pour prendre les dieux par la main. Nous la préférons dans son testament spirituel, quand elle dit :
Je vous laisse le clair soleil de mon visage
Ses millions de rais
Et mon cœur faible et doux, qui eut tant de courage
Pour ce qu’il désirait.
Je vous laisse ce cœur et toute son histoire,
Et sa douceur de lin,
Et l’aube de ma joue, et la nuit bleue et noire
Dont mes cheveux sont pleins".
C’est de la poésie pour jeunes filles, qui n’est pas sans charme. (Un seul malheur : elle croyait écrire pour les jeunes gens.) Il est classique de distinguer deux aspects chez la plupart des poètes. Il y a le Valéry philosophe et celui des "Pas" et de "l'Ode secrète". Il y a le Victor Hugo épique et celui qui siffle entre ses doigts. Nous avons tendance, aujourd’hui, à détester les éclats de voix poétiques. C’est pourquoi Anna de Noailles est très loin de nous. Nous avons peine à penser qu’elle mourut en 1933 et qu’elle aurait pu connaître Michaux, Prévert ou Audiberti. Au contraire nous avons le sentiment qu’elle est la contemporaine de Leconte de Lisle, que Vigny l’a aimée, que Fernand Gregh l’a fait sauter sur ses genoux quand elle était petite...
"Je ne souffrirai plus, je ne penserai plus", écrit-elle encore, mais nous ne sommes pas certain qu’elle ait jamais pensé. Ce n’était pas non plus son affaire. Son métier était de ressembler à une femme célèbre. Charles Du Bos a écrit un livre intitulé : "La Comtesse de Noailles ou le Climat du génie". Elle pouvait donner cette illusion et après tout, montrer du génie dans ses battements de paupières. La plupart des lecteurs préfèrent les paroles aux mots imprimés. Ils s’exaltent aisément sur le compte de ces étranges personnes, bavardes, vaniteuses, flatteuses, jacassantes, comme il en naît deux ou trois tous les siècles : "Que n’a-t-elle écrit les choses qu’elle a dites et qu’elle n’estimait pas dignes de son orgueil".(Cocteau.)
Avec le temps, une conspiration du respect s’ajoute à ces premiers enthousiasmes. La personne élue devient une figure nationale et quitte absolument la littérature pour le Panthéon. Quand la gloire de Proust éclata, Anna de Noailles fut confondue. Pourquoi faisait-on si grand cas de ce vieux jeune homme ? Elle mourut en tout cas sans être détrompée sur son génie. Il est certain qu’à l’heure présente, elle raconte aux enfers que sa gloire n’a pas bougé et que plusieurs jeunes gens se tuent d’amour pour elle, chaque année.
Roger Nimier. Journées de lecture II. NRF mars 1995
24/02/2012
482. Anna de Noailles, la poétesse. 1
"Anna de Noailles, la poétesse"
par Arthur Conte,
in "Grandes Françaises du XX° siècle", Plon 1995.
------------------------
Journaliste, homme politique et historien, Arthur Conte s'est rendu célèbre en tant que président de l'ORTF de 1972 à 1973. Originaire des Pyrénées Orientales, fils de viticulteur, il suit des études de lettres à Perpignan puis à l'université de Montpellier. Editorialiste spécialisé dans les affaires internationales pour le quotidien régional L' Indépendant, le journaliste travaille ensuite pour la presse nationale, au Figaro et à France-Soir notamment. Il débute une carrière politique en tant que maire de Salses en 1947 sous les couleurs de la SFIO, avant de devenir député à partir de 1951. On doit à Arthur Conte, observateur assidu du monde contemporain, plusieurs ouvrages sur l'histoire du XXe siècle.
---------------------
Son étude sur Anna de Noailles est publiée ci-après en sept messages : 482 à 476
---------------------
1. Quand 1900 la rencontre, elle est la soie diaphane et exquise. Elle a vingt-quatre ans. Elle descend des Bibesco, princes valaques, étant née à Paris Anne-Elisabeth de Brancovan, fille du prince roumain Grégoire Bassaraba de Brancovan et de la grande pianiste grecque Ralouka Musurus, qu’admire Paderewski.
A dix ans, elle a pour dieu Mistral. A onze, elle compose ses premiers vers. Trois ans avant le siècle, elle épouse d’amour le comte Mathieu de Noailles. Elle est la sœur de la belle princesse Alexandra de Caraman-Chimay. Vous découvrez une petite personne délicate et frémissante. Les mains s’agitent beaucoup, mais harmonieusement, pour accompagner chaque propos. Les yeux sont violets. Madame la comtesse parle beaucoup, et le Tout-Paris le sait. Jules Lemaître l’appelle " un insecte charmant ". Il dit qu’en elle " le microscope dénonce un arsenal de scies, de pinces et d’antennes ". Maurice Barrès la désigne comme " le point le plus sensible de l’univers ". Colette est éblouie " par ces lacs d’yeux sans bornes, où boivent tous les spectacles de l’univers ".
Il faut l’imaginer chez elle, avenue Henri-Martin, recevant ses visiteurs, le plus souvent languissamment allongée sur un sofa, parmi un paysage de dentelles, de cretonne et de rubans jaunes. On aperçoit autour d’elle la princesse de Polignac, la comtesse Greffulhe, Paul Hervieu, qui ambitionne le titre de " tragique moderne " et qui vient d’accéder à l’Académie française, l’inévitable Robert de Montesquiou, les Bibesco, Maurice Barrès qui lui pardonne même de nourrir des idées démocrates et des convictions radicales.
"Que voulez-vous ! fait-il, Anna de Noailles est une princesse d’Orient pour qui le sultan garde toujours son prestige, qu’il s’appelle Waldeck-Rousseau, Clemenceau, Briand ou Caillaux." Elle est la grâce. De sa plume délicate, la voici maintenant qui se prépare à entrer dans notre Parnasse. Elle écrit des poèmes qui seront rassemblés sous un titre qui, à lui seul, la décrit toute : "Le Cœur innombrable".
Garde ton âme ouverte aux parfums d’alentour
Aux mouvements de l’onde
Aime l’effort, l’espoir, l’orgueil, aime l’amour
C’est la chose profonde.
En attendant que, du même lyrisme ardent, viennent, en 1902, L’Ombre des jours, puis toute une série de romans sensibles, La Nouvelle Espérance (1903), Le Visage émerveillé (1904), La Domination (1905), puis encore des poésies de la même veine, Les Eblouissements (1907), Les Vivants et les Morts (1913), Les Forces éternelles (1921), Honneur de souffrir (1927). Dès son premier livre, on s’émerveille de tant de flamme et, comme le dira Robert Brasillach "d’une si riche et orientale jungle". C’est aussi qu’elle innove, en faisant entrer le soleil à fenêtres ouvertes dans la littérature française. Elle chante toutes les forces de la nature.
par Arthur Conte,
in "Grandes Françaises du XX° siècle", Plon 1995.
------------------------
Journaliste, homme politique et historien, Arthur Conte s'est rendu célèbre en tant que président de l'ORTF de 1972 à 1973. Originaire des Pyrénées Orientales, fils de viticulteur, il suit des études de lettres à Perpignan puis à l'université de Montpellier. Editorialiste spécialisé dans les affaires internationales pour le quotidien régional L' Indépendant, le journaliste travaille ensuite pour la presse nationale, au Figaro et à France-Soir notamment. Il débute une carrière politique en tant que maire de Salses en 1947 sous les couleurs de la SFIO, avant de devenir député à partir de 1951. On doit à Arthur Conte, observateur assidu du monde contemporain, plusieurs ouvrages sur l'histoire du XXe siècle.
---------------------
Son étude sur Anna de Noailles est publiée ci-après en sept messages : 482 à 476
---------------------
1. Quand 1900 la rencontre, elle est la soie diaphane et exquise. Elle a vingt-quatre ans. Elle descend des Bibesco, princes valaques, étant née à Paris Anne-Elisabeth de Brancovan, fille du prince roumain Grégoire Bassaraba de Brancovan et de la grande pianiste grecque Ralouka Musurus, qu’admire Paderewski.
A dix ans, elle a pour dieu Mistral. A onze, elle compose ses premiers vers. Trois ans avant le siècle, elle épouse d’amour le comte Mathieu de Noailles. Elle est la sœur de la belle princesse Alexandra de Caraman-Chimay. Vous découvrez une petite personne délicate et frémissante. Les mains s’agitent beaucoup, mais harmonieusement, pour accompagner chaque propos. Les yeux sont violets. Madame la comtesse parle beaucoup, et le Tout-Paris le sait. Jules Lemaître l’appelle " un insecte charmant ". Il dit qu’en elle " le microscope dénonce un arsenal de scies, de pinces et d’antennes ". Maurice Barrès la désigne comme " le point le plus sensible de l’univers ". Colette est éblouie " par ces lacs d’yeux sans bornes, où boivent tous les spectacles de l’univers ".
Il faut l’imaginer chez elle, avenue Henri-Martin, recevant ses visiteurs, le plus souvent languissamment allongée sur un sofa, parmi un paysage de dentelles, de cretonne et de rubans jaunes. On aperçoit autour d’elle la princesse de Polignac, la comtesse Greffulhe, Paul Hervieu, qui ambitionne le titre de " tragique moderne " et qui vient d’accéder à l’Académie française, l’inévitable Robert de Montesquiou, les Bibesco, Maurice Barrès qui lui pardonne même de nourrir des idées démocrates et des convictions radicales.
"Que voulez-vous ! fait-il, Anna de Noailles est une princesse d’Orient pour qui le sultan garde toujours son prestige, qu’il s’appelle Waldeck-Rousseau, Clemenceau, Briand ou Caillaux." Elle est la grâce. De sa plume délicate, la voici maintenant qui se prépare à entrer dans notre Parnasse. Elle écrit des poèmes qui seront rassemblés sous un titre qui, à lui seul, la décrit toute : "Le Cœur innombrable".
Garde ton âme ouverte aux parfums d’alentour
Aux mouvements de l’onde
Aime l’effort, l’espoir, l’orgueil, aime l’amour
C’est la chose profonde.
En attendant que, du même lyrisme ardent, viennent, en 1902, L’Ombre des jours, puis toute une série de romans sensibles, La Nouvelle Espérance (1903), Le Visage émerveillé (1904), La Domination (1905), puis encore des poésies de la même veine, Les Eblouissements (1907), Les Vivants et les Morts (1913), Les Forces éternelles (1921), Honneur de souffrir (1927). Dès son premier livre, on s’émerveille de tant de flamme et, comme le dira Robert Brasillach "d’une si riche et orientale jungle". C’est aussi qu’elle innove, en faisant entrer le soleil à fenêtres ouvertes dans la littérature française. Elle chante toutes les forces de la nature.
481. Anna de Noailles, la poétesse. 2
2. Le romantisme, de fait, manqua à sa mission principale, que semblaient annoncer certaines rêveries de Jean-Jacques Rousseau : il s’attacha davantage à développer l’égocentrisme et à trouver dans l’individu le fondement d’une société et d’une métaphysique qu’à comprendre cette nature dont il parla pourtant de l’excès. Mais s’il en a tant parlé, c’est qu’il la faisait parler. En revanche, Anna de Noailles survient, inséparable de la nature, des forces naturelles, des étés puissants. Elle réhabilite les forces obscures.
Dans "Le Coeur innombrable" comme dans "L’Ombre des jours", avec un parfait dédain pour toutes les règles et toutes les froideurs, elle apporte une poésie neuve et d’autant plus saisissante. Autant l’entendre bruisser comme une abeille. Elle qui étonne avec ses doux yeux graves et son air cruel, " valaque ", voici qu’elle chante les fleurs, les rivières, les étés, les arbres, comme si elle était elle-même élément de flore.
Peu importe la réputation de mondaine qui s’attache vite à ses pas. Peu importe, comme dit encore Brasillach, "des énumérations trop longues, avec tout un froissement d’épithètes et de métaphores pas toujours heureuses". C’est quasiment du "modern style", au miroir d’une Belle Epoque toute en ondulations. Ou du Gabriele d’Annunzio en vers. Soudain, viennent quatre lignes étincelantes.
Un goût d’éclosion et de choses juteuses
Montera de la courge humide et du melon
Midi fera flamber l’herbe silencieuse
Le jour sera tranquille, inépuisable et long.
Au fond, elle rétablit en poésie le climat savoureux des livres de Colette. Savoureux, tel est l’adjectif qui convient. Tout est savoureux sous sa plume, " les époques ardentes d’une Grèce imaginaire, la petite Bittô, la danseuse aux crotales... les fruits pacifiques... "."Je viens vers vous, divins poètes romantiques". Elle n’a pas à aller vers eux. Elle sera même allée au-delà. Elle n’aura jamais connu que la libre inspiration. Elle aura à jamais leur impatience, leur instinct, leur désordre. Même faux lyrisme verbal. Mêmes ivresses d’encens. Mais elle est sauvée par la finesse. "La finesse, comme le dit Stendhal dans une lettre à sa sœur Pauline, c’est l’habitude d’employer des termes qui laissent beaucoup à deviner. " Ce que Vauvenargues appelle dire en ne disant pas ; Gide "l'art d’exprimer le plus en disant le moins […] un art de pudeur et de modestie".
C'est aussi "l'insinuant" de Paul Valéry. Précisément, Anna de Noailles a un rare génie pour suggérer, laisser à deviner. Tant pis si un tel art est aux antipodes du grand génie lyrique. Elle communiquera même sa finesse à un vaste fleuve ou à la montagne la plus massive. En tout cas, vingt ans plus tard, elle a atteint à la grande gloire nationale, et elle règne tout en soupirant sur un cénacle de dévots et de dévotes. A quarante-cinq ans, pourtant, elle est toujours la même.
Dans "Le Coeur innombrable" comme dans "L’Ombre des jours", avec un parfait dédain pour toutes les règles et toutes les froideurs, elle apporte une poésie neuve et d’autant plus saisissante. Autant l’entendre bruisser comme une abeille. Elle qui étonne avec ses doux yeux graves et son air cruel, " valaque ", voici qu’elle chante les fleurs, les rivières, les étés, les arbres, comme si elle était elle-même élément de flore.
Peu importe la réputation de mondaine qui s’attache vite à ses pas. Peu importe, comme dit encore Brasillach, "des énumérations trop longues, avec tout un froissement d’épithètes et de métaphores pas toujours heureuses". C’est quasiment du "modern style", au miroir d’une Belle Epoque toute en ondulations. Ou du Gabriele d’Annunzio en vers. Soudain, viennent quatre lignes étincelantes.
Un goût d’éclosion et de choses juteuses
Montera de la courge humide et du melon
Midi fera flamber l’herbe silencieuse
Le jour sera tranquille, inépuisable et long.
Au fond, elle rétablit en poésie le climat savoureux des livres de Colette. Savoureux, tel est l’adjectif qui convient. Tout est savoureux sous sa plume, " les époques ardentes d’une Grèce imaginaire, la petite Bittô, la danseuse aux crotales... les fruits pacifiques... "."Je viens vers vous, divins poètes romantiques". Elle n’a pas à aller vers eux. Elle sera même allée au-delà. Elle n’aura jamais connu que la libre inspiration. Elle aura à jamais leur impatience, leur instinct, leur désordre. Même faux lyrisme verbal. Mêmes ivresses d’encens. Mais elle est sauvée par la finesse. "La finesse, comme le dit Stendhal dans une lettre à sa sœur Pauline, c’est l’habitude d’employer des termes qui laissent beaucoup à deviner. " Ce que Vauvenargues appelle dire en ne disant pas ; Gide "l'art d’exprimer le plus en disant le moins […] un art de pudeur et de modestie".
C'est aussi "l'insinuant" de Paul Valéry. Précisément, Anna de Noailles a un rare génie pour suggérer, laisser à deviner. Tant pis si un tel art est aux antipodes du grand génie lyrique. Elle communiquera même sa finesse à un vaste fleuve ou à la montagne la plus massive. En tout cas, vingt ans plus tard, elle a atteint à la grande gloire nationale, et elle règne tout en soupirant sur un cénacle de dévots et de dévotes. A quarante-cinq ans, pourtant, elle est toujours la même.
480. Anna de noailles, la poétesse. 3
3. Elle garde toutes les grâces alanguies dont elle s’enchantait jeune fille et jeune femme. Les humbles sont aussi nombreux à porter jusqu’à son chevet de perpétuelle nostalgique leurs hommages.
Maurice Barrès : "Si j’aime un peu l’humanité, c’est qu’elle renferme quelques êtres de cette sorte, que d’ailleurs elle écrase soigneusement."
Jean Moréas : "Elle est l’abeille de l’Hymette."
Joseph Reinach : "Il existe en France trois miracles : Jeanne d’Arc, la Marne et vous."
A savoir simplement que quelques dragées portent la goutte de fiel.
Paul Claudel : "Une colombe en bois avec un œil blanc".
Léon-Paul Fargue : "La mâtine ! Elle a encore tiré dans le mille !"
François Mauriac : "Le vacarme de son dialogue tue autour d’elle toute conversation ; elle porte son feu d’artifice à domicile, toujours le même, après deux ans, je reconnais les fusées"
Les hommages sont beaucoup plus nombreux que les cruautés. Elle ne se lève qu’à l’heure du dîner. Elle reçoit dans sa chambre, rue Scheffer, assise dans son lit, ses formes suavement dessinées, bien calée sur les oreillers aux linons ocrés. Elle a griffonné dans l’après-midi une poésie ou une lettre. Elle appelle sa fidèle Sara pour lui redonner l’écritoire, répétant pour la millième fois qu’elle se meurt. Elle défaille avec une telle insistance qu’elle réveille son médecin trois fois par semaine en pleine nuit pour lui raconter ses épouvantes et ses insomnies. Puis elle se tourne vers le visiteur qui vient d’entrer, le plus souvent ce cher Jean Cocteau, peut-être Max Jacob, ou un musicien d’avant-garde. Elle semble ouvrir grand ses yeux pour en mieux révéler l’éclat violet. Le petit visage pâle cesse de se chiffonner. Les délicates narines du long nez palpitent. Il suffit de ce premier contact visuel pour qu’elle se remette à vivre. Elle devrait toujours garder Cocteau comme un caniche sur sa descente de lit. Beaucoup de peintres auront du reste saisi ce regard améthyste, ce nez fleuret, ces épaules idéalement rondes. Les plus illustres : Antonio de La Gandara, mi-Greco, mi-Watteau, peintre de nos plus belles neurasthéniques, taille raide, poil noir, peau mate, sanglé dans un dolman de velours les pieds dans des bottines vernies non boutonnées, accueillant en grand d’Espagne toute la noblesse de Paris, Tsougou-Horu Fujita, devenu l’un des rois de Montparnasse, très typé avec ses cheveux à la papou ses boucles d’oreille, ses lunettes de philosophe ébahi et ses chemises qu’il taille lui-même dans des toiles d’emballage ou des rideaux d’ameublement chez son voisin et ami le tailleur grec Pétridis, mais aussi Forain, Helleu, Zuloaga, Rodin lui même.
C’est elle qui aura été cependant le meilleur peintre d’elle-même, avec ce doigté dont elle est si fière. Voyez donc comment elle se contemple dans son propre miroir quand elle écrit les pages qui introduisent en 1928 aux Poèmes d’enfance : "J’ai le souvenir estompé et fragmenté de la vie depuis l’âge de deux ans, et je sais que peu de temps après je devins, avec conscience, cette enfant ardente, sans compagnie qui la satisfît, heureuse ou triste avec excès que le tout petit âge maintenait dans la modération.
Maurice Barrès : "Si j’aime un peu l’humanité, c’est qu’elle renferme quelques êtres de cette sorte, que d’ailleurs elle écrase soigneusement."
Jean Moréas : "Elle est l’abeille de l’Hymette."
Joseph Reinach : "Il existe en France trois miracles : Jeanne d’Arc, la Marne et vous."
A savoir simplement que quelques dragées portent la goutte de fiel.
Paul Claudel : "Une colombe en bois avec un œil blanc".
Léon-Paul Fargue : "La mâtine ! Elle a encore tiré dans le mille !"
François Mauriac : "Le vacarme de son dialogue tue autour d’elle toute conversation ; elle porte son feu d’artifice à domicile, toujours le même, après deux ans, je reconnais les fusées"
Les hommages sont beaucoup plus nombreux que les cruautés. Elle ne se lève qu’à l’heure du dîner. Elle reçoit dans sa chambre, rue Scheffer, assise dans son lit, ses formes suavement dessinées, bien calée sur les oreillers aux linons ocrés. Elle a griffonné dans l’après-midi une poésie ou une lettre. Elle appelle sa fidèle Sara pour lui redonner l’écritoire, répétant pour la millième fois qu’elle se meurt. Elle défaille avec une telle insistance qu’elle réveille son médecin trois fois par semaine en pleine nuit pour lui raconter ses épouvantes et ses insomnies. Puis elle se tourne vers le visiteur qui vient d’entrer, le plus souvent ce cher Jean Cocteau, peut-être Max Jacob, ou un musicien d’avant-garde. Elle semble ouvrir grand ses yeux pour en mieux révéler l’éclat violet. Le petit visage pâle cesse de se chiffonner. Les délicates narines du long nez palpitent. Il suffit de ce premier contact visuel pour qu’elle se remette à vivre. Elle devrait toujours garder Cocteau comme un caniche sur sa descente de lit. Beaucoup de peintres auront du reste saisi ce regard améthyste, ce nez fleuret, ces épaules idéalement rondes. Les plus illustres : Antonio de La Gandara, mi-Greco, mi-Watteau, peintre de nos plus belles neurasthéniques, taille raide, poil noir, peau mate, sanglé dans un dolman de velours les pieds dans des bottines vernies non boutonnées, accueillant en grand d’Espagne toute la noblesse de Paris, Tsougou-Horu Fujita, devenu l’un des rois de Montparnasse, très typé avec ses cheveux à la papou ses boucles d’oreille, ses lunettes de philosophe ébahi et ses chemises qu’il taille lui-même dans des toiles d’emballage ou des rideaux d’ameublement chez son voisin et ami le tailleur grec Pétridis, mais aussi Forain, Helleu, Zuloaga, Rodin lui même.
C’est elle qui aura été cependant le meilleur peintre d’elle-même, avec ce doigté dont elle est si fière. Voyez donc comment elle se contemple dans son propre miroir quand elle écrit les pages qui introduisent en 1928 aux Poèmes d’enfance : "J’ai le souvenir estompé et fragmenté de la vie depuis l’âge de deux ans, et je sais que peu de temps après je devins, avec conscience, cette enfant ardente, sans compagnie qui la satisfît, heureuse ou triste avec excès que le tout petit âge maintenait dans la modération.
479. Anna de Noailles, la poétesse. 4
4. Car l’enfance est la saison de la sagesse. L’être étonné, qui n’a droit à rien, qui ne reçoit que ce qu’on lui accorde capricieusement, dont le cœur attentif est exercé à la gratitude et l’esprit à la précaution, domine avec force sur son monde intérieur. Il s’agit, pour l’enfant, de voir se réaliser un peu de son désir sans se heurter d’un choc trop vif aux volontés distraites ou impulsives de supérieurs.
Rêveuse et raisonnable, une petite fille recherche son équilibre dans l’extrême dignité, en ne se permettant de former que des souhaits mesurés, en ruminant avec effusion et, fière et timide, elle s’avance ainsi, pendant des années, ingénument, vers l’heure de son pouvoir prodigue et dévorateur. Si difficile à déchiffrer pour son entourage et plus encore pour ses parents, l’enfant a bien la connaissance de ceux qui le dirigent. Il pressent leur beau temps, suppute leurs orages et leurs grêles, se méfie, ne se risque à les solliciter qu’avec prudence et innocente stratégie. La poésie chez l’enfant est donc une solitude. Seul, ne sachant encore à quoi s’appuyer dans le royaume de l’esprit, il énonce un appel, un reproche, un ravissement. L’inquiétude et la plainte elles-mêmes ne s’exaltent pas avec amertume, tant l’enfant se sait au commencement des choses.
Il peut être désolé, envahi de mortelle tristesse mais non point désespéré. Ne plus espérer et s’en réjouir, c’est avoir rompu l’alliance, la vie, c’est, le cœur épuisé par la dure expérience, approuver l’anéantissement. L’enfant, lui, en colloque mystérieux avec l’avenir, s’affirme et s’accroît de seconde en seconde, se fraie un chemin vers le bonheur, acquiesce aux signaux que lui fait la secrète éternité, visage turbulent et trompeur de l’éphémère destin." Par touches légères, la poétesse enfant vient de se révéler dans ses vérités fondamentales.
Colette trouve que déjà son aurore couvait dans le sombre vers qu’elle lui donne comme devise : "Solitaire, nomade et toujours étonnée". Il est trop vrai que le crépuscule ne modifie pas l’aurore, sauf qu’Anna n’est plus nomade en rêve, simplement un peu moins étonnée et beaucoup plus volubile. Son fils prétend qu’elle et Cocteau sont "seuls à pouvoir faire taire l’un l’autre". Cocteau, sans doute jaloux, ou submergé, dit l’avoir vue "à table, boire de la main droite et agiter la main gauche afin que les convives ne lui arrachent pas le crachoir". Elle n’arrête pas de pérorer, s’enivrant des mêmes mots-liqueurs toujours recommencés, tels que langueur, astre, azur, éther... Simplement, soudain, sa voix se hausse de deux octaves. Elle fit rougir Henri Bergson la première fois qu’elle le vit en s’arrêtant trois fois tandis qu’elle se dirigeait vers lui en criant : "Maître ! Maître ! Acropole de la pensée !" Puis, elle reprend comme si de rien n’était son débit inlassable en rivière de miel.
Même mourante, elle se lèvera pour dîner, et dînera bien. Elle saura au besoin poivrer d’une rosserie la sauce, car il lui arrive d’avoir la dent - ou la plume - dure. A une poétesse qui lui a envoyé son livre, elle peut susurrer : "Chère madame, j’ai lu vos livres, j’en ai été quitte pour la peur." A une de ses amies qui vient de faire un riche mariage, elle glisse : "Ne prenez donc pas l’air infatué de la femme de ménage qui fait un extra dans une grande maison".
Rêveuse et raisonnable, une petite fille recherche son équilibre dans l’extrême dignité, en ne se permettant de former que des souhaits mesurés, en ruminant avec effusion et, fière et timide, elle s’avance ainsi, pendant des années, ingénument, vers l’heure de son pouvoir prodigue et dévorateur. Si difficile à déchiffrer pour son entourage et plus encore pour ses parents, l’enfant a bien la connaissance de ceux qui le dirigent. Il pressent leur beau temps, suppute leurs orages et leurs grêles, se méfie, ne se risque à les solliciter qu’avec prudence et innocente stratégie. La poésie chez l’enfant est donc une solitude. Seul, ne sachant encore à quoi s’appuyer dans le royaume de l’esprit, il énonce un appel, un reproche, un ravissement. L’inquiétude et la plainte elles-mêmes ne s’exaltent pas avec amertume, tant l’enfant se sait au commencement des choses.
Il peut être désolé, envahi de mortelle tristesse mais non point désespéré. Ne plus espérer et s’en réjouir, c’est avoir rompu l’alliance, la vie, c’est, le cœur épuisé par la dure expérience, approuver l’anéantissement. L’enfant, lui, en colloque mystérieux avec l’avenir, s’affirme et s’accroît de seconde en seconde, se fraie un chemin vers le bonheur, acquiesce aux signaux que lui fait la secrète éternité, visage turbulent et trompeur de l’éphémère destin." Par touches légères, la poétesse enfant vient de se révéler dans ses vérités fondamentales.
Colette trouve que déjà son aurore couvait dans le sombre vers qu’elle lui donne comme devise : "Solitaire, nomade et toujours étonnée". Il est trop vrai que le crépuscule ne modifie pas l’aurore, sauf qu’Anna n’est plus nomade en rêve, simplement un peu moins étonnée et beaucoup plus volubile. Son fils prétend qu’elle et Cocteau sont "seuls à pouvoir faire taire l’un l’autre". Cocteau, sans doute jaloux, ou submergé, dit l’avoir vue "à table, boire de la main droite et agiter la main gauche afin que les convives ne lui arrachent pas le crachoir". Elle n’arrête pas de pérorer, s’enivrant des mêmes mots-liqueurs toujours recommencés, tels que langueur, astre, azur, éther... Simplement, soudain, sa voix se hausse de deux octaves. Elle fit rougir Henri Bergson la première fois qu’elle le vit en s’arrêtant trois fois tandis qu’elle se dirigeait vers lui en criant : "Maître ! Maître ! Acropole de la pensée !" Puis, elle reprend comme si de rien n’était son débit inlassable en rivière de miel.
Même mourante, elle se lèvera pour dîner, et dînera bien. Elle saura au besoin poivrer d’une rosserie la sauce, car il lui arrive d’avoir la dent - ou la plume - dure. A une poétesse qui lui a envoyé son livre, elle peut susurrer : "Chère madame, j’ai lu vos livres, j’en ai été quitte pour la peur." A une de ses amies qui vient de faire un riche mariage, elle glisse : "Ne prenez donc pas l’air infatué de la femme de ménage qui fait un extra dans une grande maison".
478. Anna de Noailles, la poétesse. 5
5. Ou alors elle soupire : "Jammes sera de l’Académie, puisque je ne puis pas en être !" Je ne puis pas être toute dans mes poèmes, observe-t-elle. L’on n’en aime que davantage sa poésie. Ainsi Les Forces éternelles. On croit entendre murmurer la rivière : "C’est là que dort mon cœur, vaste témoin du monde".
Certes, les poétesses sont pléthore et dans ces années 1920-1930, il y a toute une armée de romancières […] Mais c’est Anna de Noailles qui, avec Colette, a le talent le moins discuté. Elle seule peut avoir la mélancolie poétique de Sapho. Elle seule, aussi tendrement, peut aimer son temps, et, songeant aux femmes futures, soupirer : "Et ma cendre sera plus chaude que leur vie".
Non qu’elle ne soit pas capable de sentiments forts. Elle dit n’être redevable de son don de poésie qu’au ravissant génie de la grande pianiste qui sut tenir tant d’auditeurs sous son charme. Pourtant, elle n’est pas musicienne elle-même, même si la musique ne la quittera plus et l’accompagnera toute sa vie. Elle supporte mal, à douze ans, son professeur de solfège et, du coup, pour se venger, malmène "même Mozart et Mendelssohn". Elle vénère le monde de la musique, est même fière de ses "attaques guerrières sur l’ivoire et l’ébène", connaît au piano des enchantements, mais elle n’arrive pas à maîtriser ce que sa mère appelle son "tumulte". Elle supportera beaucoup mieux les " suaves mathématiques " en vertu desquelles la musique de La Jeune Parque et de Charmes est aussi "gouvernée" que la musique d’un concerto de Bach. Ainsi, à la musique, finit-elle par préférer la prosodie. La lecture d’un sonnet d’Alfred de Musset donne l’étincelle. Un grand feu flambe.
Anna n’abdiquera plus. Elle est franche. "Jamais la vérité ne m’a coûté à dire", confie-t-elle dans la première phrase de son Livre de ma vie. D’ailleurs pour une simple raison : elle est sans contradiction intérieure. Elle peut sans effort exprimer ce qu’elle appelle "la solitaire et dure continuité". Elle admire par-dessus tout les héroïques. Hugo est son dieu ; elle va jusqu’à trouver que, " chez Hugo, l’honneur est inclus dans la sonorité même des syllabes". Si sa propre violence intime s’accorde fatalement avec la passion des héroïnes raciniennes et si " la liquidité de la lave torride des vers de Racine" l’enivre "comme du brûlant Mozart", c’est cependant à Corneille qu’elle soumet toujours la direction de sa vie et de sa morale. Elle nous le dit en personne : "Qui est né au pays de Corneille et a écouté sa voix vit et meurt selon ses commandements. Dans les conflits du cœur, ses leçons stoïques se dressent en nous, comme l’ange sévère, à l’épée flamboyante, debout devant les portes de l’Eden, et obtiennent notre soumission. " Elle lance à un ami : "Vous vantez sans cesse Corneille, moi je vis selon lui." Enfin, elle vénère Friedrich Nietzsche, le Nietzsche de Humain trop humain, parce que personne n’aura mieux enseigné que l’on n’échappe au pessimisme que par un héroïque effort de volonté et d’imagination. D’où dans toute son existence l’immense place de la religion, de l’honneur et du culte des géants. Elle va même en revendiquer l’Honneur de souffrir.
Certes, les poétesses sont pléthore et dans ces années 1920-1930, il y a toute une armée de romancières […] Mais c’est Anna de Noailles qui, avec Colette, a le talent le moins discuté. Elle seule peut avoir la mélancolie poétique de Sapho. Elle seule, aussi tendrement, peut aimer son temps, et, songeant aux femmes futures, soupirer : "Et ma cendre sera plus chaude que leur vie".
Non qu’elle ne soit pas capable de sentiments forts. Elle dit n’être redevable de son don de poésie qu’au ravissant génie de la grande pianiste qui sut tenir tant d’auditeurs sous son charme. Pourtant, elle n’est pas musicienne elle-même, même si la musique ne la quittera plus et l’accompagnera toute sa vie. Elle supporte mal, à douze ans, son professeur de solfège et, du coup, pour se venger, malmène "même Mozart et Mendelssohn". Elle vénère le monde de la musique, est même fière de ses "attaques guerrières sur l’ivoire et l’ébène", connaît au piano des enchantements, mais elle n’arrive pas à maîtriser ce que sa mère appelle son "tumulte". Elle supportera beaucoup mieux les " suaves mathématiques " en vertu desquelles la musique de La Jeune Parque et de Charmes est aussi "gouvernée" que la musique d’un concerto de Bach. Ainsi, à la musique, finit-elle par préférer la prosodie. La lecture d’un sonnet d’Alfred de Musset donne l’étincelle. Un grand feu flambe.
Anna n’abdiquera plus. Elle est franche. "Jamais la vérité ne m’a coûté à dire", confie-t-elle dans la première phrase de son Livre de ma vie. D’ailleurs pour une simple raison : elle est sans contradiction intérieure. Elle peut sans effort exprimer ce qu’elle appelle "la solitaire et dure continuité". Elle admire par-dessus tout les héroïques. Hugo est son dieu ; elle va jusqu’à trouver que, " chez Hugo, l’honneur est inclus dans la sonorité même des syllabes". Si sa propre violence intime s’accorde fatalement avec la passion des héroïnes raciniennes et si " la liquidité de la lave torride des vers de Racine" l’enivre "comme du brûlant Mozart", c’est cependant à Corneille qu’elle soumet toujours la direction de sa vie et de sa morale. Elle nous le dit en personne : "Qui est né au pays de Corneille et a écouté sa voix vit et meurt selon ses commandements. Dans les conflits du cœur, ses leçons stoïques se dressent en nous, comme l’ange sévère, à l’épée flamboyante, debout devant les portes de l’Eden, et obtiennent notre soumission. " Elle lance à un ami : "Vous vantez sans cesse Corneille, moi je vis selon lui." Enfin, elle vénère Friedrich Nietzsche, le Nietzsche de Humain trop humain, parce que personne n’aura mieux enseigné que l’on n’échappe au pessimisme que par un héroïque effort de volonté et d’imagination. D’où dans toute son existence l’immense place de la religion, de l’honneur et du culte des géants. Elle va même en revendiquer l’Honneur de souffrir.
477. Anna de Noailles, la poétesse. 6
6. Et voyez donc ce qu’elle écrit dans son poème Les Héros, "affirmation de la vie" :
La tristesse du soir autour de moi s’amasse
Le monde est un étroit enclos
Mais je quitte le sol, je monte dans l’espace
Et je parle avec les héros !
Que d’autres cherchent l’air des bois, de la montagne
Et la brise des océans
Je m’enferme dans l’ombre où nul ne m’accompagne
Je respire chez les géants.
Elle voue à la France un intransigeant amour. Elle cite à satiété ce vers de Verlaine : "L’amour de la patrie est le premier amour". Tantôt, pour la chanter, elle trouve les tons les plus délicats, célébrant par exemple à ravir "les ruisseaux parfumés de trèfle et d’armoise... au-dessus desquels s’élève le clocher de Corbeil ou de Château-Thierry". Tantôt, elle la déifie, même si elle ne lui appartient pas par le sang. A d’autres, qui ont eu le bonheur de lui appartenir "depuis des siècles", de répondre désormais à l’adage de Goethe : "Ce que tu as hérité de tes pères, acquiers-le pour le posséder". Quant à elle, elle aura même chanté la France, dans Le Pays, avec ivresse :
Ma France, quand on a nourri son cœur latin
Du lait de votre Gaule,
Quand on a pris sa vie en vous comme le thym
La fougère et le saule
Quant on a bien aimé vos forêts et vos eaux
L’odeur de vos feuillages
La couleur de vos jours, le chant de vos oiseaux
Dès l’aube de son âge.
Quand amoureux du goût de vos bonnes saisons
Chaudes comme la laine
On a fixé son âme et bâti sa maison
Au bord de votre Seine...
[…] Quand votre nom, miroir de toute vérité
Emeut comme un visage
Alors on a conclu avec votre beauté
Un si fort mariage
Que l’on ne sait plus bien, quand l’azur de votre œil
Sur le monde flamboie
Si c’est dans sa tendresse ou bien dans son orgueil
Qu’on a le plus de joie...
La tristesse du soir autour de moi s’amasse
Le monde est un étroit enclos
Mais je quitte le sol, je monte dans l’espace
Et je parle avec les héros !
Que d’autres cherchent l’air des bois, de la montagne
Et la brise des océans
Je m’enferme dans l’ombre où nul ne m’accompagne
Je respire chez les géants.
Elle voue à la France un intransigeant amour. Elle cite à satiété ce vers de Verlaine : "L’amour de la patrie est le premier amour". Tantôt, pour la chanter, elle trouve les tons les plus délicats, célébrant par exemple à ravir "les ruisseaux parfumés de trèfle et d’armoise... au-dessus desquels s’élève le clocher de Corbeil ou de Château-Thierry". Tantôt, elle la déifie, même si elle ne lui appartient pas par le sang. A d’autres, qui ont eu le bonheur de lui appartenir "depuis des siècles", de répondre désormais à l’adage de Goethe : "Ce que tu as hérité de tes pères, acquiers-le pour le posséder". Quant à elle, elle aura même chanté la France, dans Le Pays, avec ivresse :
Ma France, quand on a nourri son cœur latin
Du lait de votre Gaule,
Quand on a pris sa vie en vous comme le thym
La fougère et le saule
Quant on a bien aimé vos forêts et vos eaux
L’odeur de vos feuillages
La couleur de vos jours, le chant de vos oiseaux
Dès l’aube de son âge.
Quand amoureux du goût de vos bonnes saisons
Chaudes comme la laine
On a fixé son âme et bâti sa maison
Au bord de votre Seine...
[…] Quand votre nom, miroir de toute vérité
Emeut comme un visage
Alors on a conclu avec votre beauté
Un si fort mariage
Que l’on ne sait plus bien, quand l’azur de votre œil
Sur le monde flamboie
Si c’est dans sa tendresse ou bien dans son orgueil
Qu’on a le plus de joie...
476. Anna de Noailles, la poétesse. 7
7. A d’autres de penser qu’elle est une païenne, de la même âme que Catulle ou Properce, voluptueusement dolente même quand elle chante " mes cheveux bleus comme des prunes ".
A d’autres d’estimer qu’elle est avant tout une triste : "Pourtant, tu t’en iras un jour de moi, jeunesse". Elle n’aura pas cessé de chanter les ans qui s’enfuient. Le Larousse peut juger l’ensemble de cette seule phrase : "Un mélange poignant de volupté, d’inquiétude, de mélancolie et de détresse caractérise cette poésie qui chante la joie païenne de l’amour et la hantise de la mort".
A d’autres de juger qu’elle n’aura jamais écrit de plus belles lignes que pour chanter les douces splendeurs d’Amphion, son plus cher refuge où elle va chercher solitude et repos : "Il n’est pas un plus pur, un plus doux paysage, Un plus familier infini". Le nom provient du fils de Zeus et d’Antiope, Amphion, le poète-musicien qui aurait bâti les murs de Thèbes : les pierres venaient se placer d'elles-mêmes au son de sa lyre. Comme l’écrit Charles Du Bos, "il règne à Amphion un calme, une épaisseur et une intensité de calme, dans lequel on est pris comme en globe infrangible et tutélaire".
Voilà la beauté pure et pleine
D’un jour par les dieux composé ;
Mais, ô Nuit, comme vous brisez
Cette ineffable porcelaine...
Il en est ainsi : tout le bonheur du monde peut se trouver dans une simple "véranda rêveuse ". C’est vrai, cependant, la mort l’obsède, y compris quand elle pratique une sorte de stoïcisme plein d’orgueil.
J’écris pour que le jour où je ne serai plus
On sache comme l’air et le plaisir m’ont plu.[…]
Et le jour où je serai morte
Vous direz à ceux qui croiront
Que j’ai poussé la sombre porte
Qui mène à l’empire âpre et rond :
Je l’ai vue errer et sourire
Et s’en aller dans le soleil. "
Comme si elle répondait à un mystérieux appel, la mort vient même trop tôt au rendez-vous. En 1933, quand Anna a cinquante-sept ans. "Je meurs de moi-même", pourrait-elle chanter. Avec elle - comme en 1909 avec Swinburne - disparaît le dernier de ces grands lyriques qui, pareils à l’alouette de l’ode de Shelley, "répandent la plénitude de leur cœur dans la profusion d’accents d’un art non prémédité ".
Daniel-Rops, apprenant la nouvelle, pense à une phrase de D’Annunzio, dans Le Feu, devant l’annonce de la mort de Wagner : "Le monde parut diminué de valeur." Robert Brasillach la contemple, "jusque dans la mort conservant la chaleur du sang humain et cette dureté royale, jusque dans la mort cherchant à emporter les beaux présents de la lumière et des jardins, et à expliquer aux ombres la plénitude de la vie charnelle, les nuits de quinze ans, et l’odeur de l’été... ".
A d’autres d’estimer qu’elle est avant tout une triste : "Pourtant, tu t’en iras un jour de moi, jeunesse". Elle n’aura pas cessé de chanter les ans qui s’enfuient. Le Larousse peut juger l’ensemble de cette seule phrase : "Un mélange poignant de volupté, d’inquiétude, de mélancolie et de détresse caractérise cette poésie qui chante la joie païenne de l’amour et la hantise de la mort".
A d’autres de juger qu’elle n’aura jamais écrit de plus belles lignes que pour chanter les douces splendeurs d’Amphion, son plus cher refuge où elle va chercher solitude et repos : "Il n’est pas un plus pur, un plus doux paysage, Un plus familier infini". Le nom provient du fils de Zeus et d’Antiope, Amphion, le poète-musicien qui aurait bâti les murs de Thèbes : les pierres venaient se placer d'elles-mêmes au son de sa lyre. Comme l’écrit Charles Du Bos, "il règne à Amphion un calme, une épaisseur et une intensité de calme, dans lequel on est pris comme en globe infrangible et tutélaire".
Voilà la beauté pure et pleine
D’un jour par les dieux composé ;
Mais, ô Nuit, comme vous brisez
Cette ineffable porcelaine...
Il en est ainsi : tout le bonheur du monde peut se trouver dans une simple "véranda rêveuse ". C’est vrai, cependant, la mort l’obsède, y compris quand elle pratique une sorte de stoïcisme plein d’orgueil.
J’écris pour que le jour où je ne serai plus
On sache comme l’air et le plaisir m’ont plu.[…]
Et le jour où je serai morte
Vous direz à ceux qui croiront
Que j’ai poussé la sombre porte
Qui mène à l’empire âpre et rond :
Je l’ai vue errer et sourire
Et s’en aller dans le soleil. "
Comme si elle répondait à un mystérieux appel, la mort vient même trop tôt au rendez-vous. En 1933, quand Anna a cinquante-sept ans. "Je meurs de moi-même", pourrait-elle chanter. Avec elle - comme en 1909 avec Swinburne - disparaît le dernier de ces grands lyriques qui, pareils à l’alouette de l’ode de Shelley, "répandent la plénitude de leur cœur dans la profusion d’accents d’un art non prémédité ".
Daniel-Rops, apprenant la nouvelle, pense à une phrase de D’Annunzio, dans Le Feu, devant l’annonce de la mort de Wagner : "Le monde parut diminué de valeur." Robert Brasillach la contemple, "jusque dans la mort conservant la chaleur du sang humain et cette dureté royale, jusque dans la mort cherchant à emporter les beaux présents de la lumière et des jardins, et à expliquer aux ombres la plénitude de la vie charnelle, les nuits de quinze ans, et l’odeur de l’été... ".
23/02/2012
475. Le cercle Anna de Noailles
(1) Le cercle Anna de Noailles a pour vocation de mieux faire connaître l’œuvre poétique de cette femme "divinement simple et sublimement orgueilleuse" (dixit Cocteau) née Anna de Brancovan à Paris, de mère grecque et de père roumain, passant son enfance entre la capitale, les rives du Bosphore et la Savoie. Les vers lyriques et romantiques de la Comtesse de Noailles sont le reflet éminent d’un cœur pur, amoureux et bercé par une nature qui remplit son âme mélancolique de ses parfums contrastés. Dans son chef d’œuvre qui lui donna une aura en France et au-delà de nos frontières, le Cœur innombrable (1901), salué par Edmond Rostand et Marcel Proust, elle exprimait toute la générosité de ses sens à fleur de peau et combattait toute forme d’exaltation personnelle tout en célébrant "le temps de vivre", autant dans sa difficulté d’être que dans la joie des soirs chagrins.
"Soyez pleins d’horizon, de silence et d’ardeur
Comme un désert brûlant qu’un sable chaud arrose,
Et le mourant soleil descendra dans vos coeurs
Quand l’ombre est violette et que la mer est rose... "
Comme l’écrira Claude Arnaud, le biographe de Jean Cocteau (Gallimard, 2003) " Le verbe d’Anna de Noailles agissait à la façon d’un opium ; ses volutes gagnaient l’esprit de l’auditeur, jusqu’à le mêler profondément à elles ; elle ajoutait au charme de Shéhérazade l’esprit de Ronsard, le génie du chant à celui de la rime, au dire de Cocteau, qui la mettra plus haut que Hugo et Racine. "
Admiratrice d’Isadora Duncan, comme de Nijinski, de Barrès (aux amours sublimées) comme d’Henry Bataille, cette Minerve au fin visage d’oiseau, aimait autant écrire que converser, surtout dans son Olympe de la rue Scheffer à Paris. Maurice Rostand en dressera un portrait vénéré dans ses Confessions d’un masque.
Ainsi, le Cercle Anna de Noailles pourra tenter de redessiner l’esprit et le verbe de celle qui publiera L’Honneur de souffrir (1927) et qui ne fut jamais remplacée.
Colloques, matinées musicales, lectures et déclamatoires, thés et goûters variés seront au fil de l’année des rendez-vous littéraires et poétiques qui permettront à tous ses admirateurs de revivre le parfum jamais fané d’une époque où les rêves et les espoirs se confondaient avec une jeunesse avide d’Eros et de héros nouveaux.
"Vivre, c’est désirer encore ;
Le courage, c’est l’espérance ;
Quand l’esprit se meurt de souffrance,
On sent parfois rêver le corps."
(Poème de l’amour).
(1) Présentation du cercle par ses animateurs sur le site Internet http://annadenoailles.free.fr/
474. Le cimetière de Publier
Au cimetière de Publier, au-dessus d'Evian,
où repose le coeur de la comtesse de Noailles
Clip vidéo réalisé par l'auteur
473. "Le soldat"
Ô mort parmi les morts, dont nul ne gardera
Le nom, humble relique,
Toi qui fus un élan, une démarche, un bras
Dans la masse héroïque,
Faible humain qui connus jusqu'au fond de tes os
L'unanime victoire
D'être à toi seul un peuple entier, qui prend d'assaut
Les sommets de l'histoire !
Toi, corps et coeur chétifs, mais en qui se pressait,
Comme aux bourgeons sur l'arbre,
Le renaissant printemps du grand destin français,
Fait de rire et de marbre,
Enfant qui n'avais pas, avant le dur fléau,
L'âme prédestinée à un devoir si haut, -
Quand même ta naïve et futile prunelle
N'eût jamais reflété
Qu'un champ d'orge devant la maison paternelle,
que ta vigne en été,
Quand tu n'aurais perçu de l'énigme du monde
Que le soir étoilé,
Quand tu n'aurais empli ta jeune tête ronde
Que d'un livre épelé,
Quand tu n'aurais donné qu'une caresse frêle
À quelque humble beauté,
Se peut-il que tu sois dans la nuit éternelle,
Toi qui avais été !
Les Forces Eternelles. Arthème Fayard
14/02/2012
472. Anna de Noailles récite "La Jeunesse"
Publié sur YouTube par joselapuerta123 le 30.12.2011
------------------------------------Anna de Noailles récite "Jeunesse". Documents Gallica BNF
Enregistremernts Pathé en 1921
Photos et portraits (d'amateurs) tirées de l'album de la poétesse.
------------------------------------
471. Anna de Noailles récite : "J'écris pour que le jour"
Publié sur YouTube par joselapuerta123, le 29.12.2011
---------------------------------------------
Anna de Noailles récite : "J'écris pour que le jour". Documents Gallica, BNF
Le disque Pathé a été enregistré le 12 avril 1921. La photo a été prise en 1929 dans les studios de la R.T.F.
---------------------------------------------
13/02/2012
470. Le jardin votif Anna de Noailles à Amphion
Montage vidéo réalisé par l'auteur : laclaud74@gmail.com
11/02/2012
469. Anna de Noailles : quelques images
--------------
---------------
---------------
---------------
----------------
466. Deux lettres à Maurice Barrès
Paris, Lundi 30 juillet 1906
Mon ami, vous me manquez plus que je ne puis vous dire, la vie cesse loin de votre amitié visible. Mes lettres, qui n'ont pas le divin accent des vôtres, vous apportent-elles du moins la détresse de mon regard sur cet été si beau, si vide. J'en arrive à une discipline de couvent pour ne pas me désespérer, pour exister
Lire à telle heure, sortir à telle heure, mais la rêverie baigne tant mon coeur que, tout à l'heure, lisant la description d'un dîner que faisaient sous les bambous d'un jardin de Malaisie, au dix-huitième siècle, deux tendres voyageurs, je me sentais mourir de nostalgie, de poésie, de vague et torturante espérance.
Sentez, mon ami, le poids de mes journées sans vous, comme moi je pense sans cesse au vide qui est autour de vous, et que, présente, je comblais de mon amitié infinie. Anna
Paris, Dimanche 29 juillet 1906
Mon ami votre lettre est meilleure que la vie, ce matin où je suis sans courage, triste, fatiguée sous le plus beau ciel. Votre voix lointaine, si bonne, mais voilée, c'est l'irréel, le rêve, - et la vérité qui fait mal c'est cette dure, éblouissante journée. Vous m'êtes plus précieux, meilleur encore, mais plus mystérieux aussi que dans nos après-midi de chez moi, avec tant de paroles, de disputes, d'appui, de concorde. Que c'est loin, indéfiniment loin mes goûters au ministère, mon émoi et ma farouche dignité politiques, mes silencieuses ou débordantes colères ! Je suis alanguie sous l'été, mon esprit replié ne s'ouvre qu'à l'instant de votre lettre, et je referme sur elle tous les soigneux pétales de la douce et triste rêverie. Et puis aussi la surprise de ne pas attendre à quatre heures votre visite fixe la monotone couleur de la journée, et les jours passent, douce cendre, dédiée à vous. [...] Dites-moi si vous vous portez bien; au revoir mon unique ami, toutes mes pensées pensent à vous. Anna
in "Correspondance 1901-1923, Anna de Noailles - Maurice Barrès",
Editions L'Inventaire, Paris 1994
--------------------------
Voir aussi le message 015
--------------------------
Mon ami, vous me manquez plus que je ne puis vous dire, la vie cesse loin de votre amitié visible. Mes lettres, qui n'ont pas le divin accent des vôtres, vous apportent-elles du moins la détresse de mon regard sur cet été si beau, si vide. J'en arrive à une discipline de couvent pour ne pas me désespérer, pour exister
Lire à telle heure, sortir à telle heure, mais la rêverie baigne tant mon coeur que, tout à l'heure, lisant la description d'un dîner que faisaient sous les bambous d'un jardin de Malaisie, au dix-huitième siècle, deux tendres voyageurs, je me sentais mourir de nostalgie, de poésie, de vague et torturante espérance.
Sentez, mon ami, le poids de mes journées sans vous, comme moi je pense sans cesse au vide qui est autour de vous, et que, présente, je comblais de mon amitié infinie. Anna
Paris, Dimanche 29 juillet 1906
Mon ami votre lettre est meilleure que la vie, ce matin où je suis sans courage, triste, fatiguée sous le plus beau ciel. Votre voix lointaine, si bonne, mais voilée, c'est l'irréel, le rêve, - et la vérité qui fait mal c'est cette dure, éblouissante journée. Vous m'êtes plus précieux, meilleur encore, mais plus mystérieux aussi que dans nos après-midi de chez moi, avec tant de paroles, de disputes, d'appui, de concorde. Que c'est loin, indéfiniment loin mes goûters au ministère, mon émoi et ma farouche dignité politiques, mes silencieuses ou débordantes colères ! Je suis alanguie sous l'été, mon esprit replié ne s'ouvre qu'à l'instant de votre lettre, et je referme sur elle tous les soigneux pétales de la douce et triste rêverie. Et puis aussi la surprise de ne pas attendre à quatre heures votre visite fixe la monotone couleur de la journée, et les jours passent, douce cendre, dédiée à vous. [...] Dites-moi si vous vous portez bien; au revoir mon unique ami, toutes mes pensées pensent à vous. Anna
in "Correspondance 1901-1923, Anna de Noailles - Maurice Barrès",
Editions L'Inventaire, Paris 1994
--------------------------
Voir aussi le message 015
--------------------------
465. La chambre d'Anna de Noailles au Musée Carnavalet. Paris
La Chambre de Anna de Noailles au Musée Carnavalet.
Anna de Noailles a été l'une des figures les plus brillantes du monde littéraire du début du siècle. [...] Cette princesse grecque, a qui le mariage avait donné un nom français illustre, paraissait descendre tout droit du Parnasse avec le trépied de la Pythie pour prononcer ses oracles. Emerveillement d’autant plus doux que la Comtesse avait un visage plus séduisant, dévoré par ses admirables yeux sur les paupières desquels tombait la frange de ses cheveux noirs (E. Berl). Dès la parution de son premier recueil, "Le Coeur innombrable", elle connut un succès éclatant. Composés a vingt-quatre ans, ces vers où elle célébrait la nature et les lieux de son enfance l’imposèrent durablement aux yeux du public comme la muse des jardins -.
S’il faut croire qu’une chambre ressemble qui l’habite, celle d’Anna de Noailles a le mérite de surprendre. Elle a en effet la simplicité surannée d’une chambre de jeune fille vers 1900. Elle donne voir, à côté du personnage public, un autre visage, plus rêveur et méditatif.
C’est au 40 de la rue Scheffer où les Noailles emménagèrent en 1909 que fut installée la chambre aux cretonnes. Une porte capitonnée donnait accès a cette retraite toute tapissée de liège pour protéger l’écrivain des bruits domestiques (Proust en reprit l’idée). Sur le liège des cretonnes a lignes et à bouquets bleus s’harmonisaient avec les meubles Louis XV rechampis de bleu. La toile imprimée choisie ici recrée le cadre à la fois paisible et raffiné dans lequel Anna de Noailles aimait a se retrouver. Etendue sur son lit toute petite et menue dans ses écharpes de mousseline, au milieu de coussins soyeux, elle recevait, travaillait, composait. Un grand livre plat lui servait de sous-main. Sur les deux tables gigognes utilisées en tables de chevet s’entassait le désordre familier des objets et livres indispensables : étui a lunettes sur un tome de Hugo, bouilloire sur un volume de Montaigne
Au mur, deux compositions florales exécutées par Anna de Noailles. Le pastel ne fut jamais pour l’écrivain qu’un dérivatif, un passe-temps. Pourtant en juin 1927, la comtesse Greffulhe lui organisa une exposition a la galerie Bernheim : les pastels s’arrachèrent, tandis qu’Anna de Noailles, flattée mais lucide, considérait l’événement comme la plus vaste escroquerie du siècle. Ce décor somme toute modeste a nourri vingt ans durant les rêves et le labeur acharné de la poétesse : son œuvre ne compte pas moins de dix-sept volumes. Mais l’exubérance de la muse des jardins ne doit pas faire oublier l’écrivain reclus, miné par la maladie nerveuse et la révolte. Le versant solaire et sensuel de sa poésie est, en effet, inséparable dune inguérissable nostalgie. Et dans les dépouilles de la chambre aux cretonnes flotte le souvenir dune petite fille inconsolable qui écrivait pour ne pas mourir.
Source : http://carnavalet.paris.fr/fr/collections/chambre-de-anna-de-noailles
10/02/2012
464. Conte triste. 01
01. Après avoir mis en ligne (messages 366 à 371) la nouvelle "Pendant l'absence" , je propose une lecture de la seconde nouvelle publiée, intitulée "Conte triste avec une morale" (messages 443 à 463)
Inscription à :
Articles (Atom)