24/10/2011

310. Poème de l'Amour. 01

1. III


Je voudrais bien qu'on départage
Le double vœu qui me combat:
- Je souhaite ne vivre pas,
Mais je veux revoir ton visage !

Certes, la mort est le seul lieu
Qui convienne à ce corps trop triste,
Mais il faut encor que j'existe:
Je ne peux pas quitter tes yeux !

L'espace, le ciel, la nature
Me plaisent moins que le tombeau;
Je n'aime plus nulle aventure,
Mais savoir que tu vis est beau

Savoir que tu vis, être sûre,
D'être seule à le savoir tant !
Dois-je te faire la blessure
De te rendre moins existant ?

Qui veux-tu qui jamais respire
Ton être avec tant de grandeur ?
Et songe que tu me fais peur,
À moi, la meilleure et la pire !...

IV

Quand mon esprit fringant, et pourtant aux abois,
A tout le jour souffert de sa force prodigue,
L'heure lasse du soir vient m'imposer son poids;
Merci pour la fatigue !

Peut-être que la peur, l'orgueil, l'ambition
Peuvent, par leur angoisse aride et hors d'haleine,
Recouvrir un instant ma triste passion;
Merci pour l'autre peine !

Rétrécissant sur toi le confus infini,
Je ne situais plus que ton coeur dans l'espace;
Le sombre oubli des nuits te rend ta juste place;
Le sommeil soit béni !

Parfois, abandonnée à ma hantise unique,
J'ignore que le corps a ses humbles malheurs,
Mais la souffrance alors m'aborde, ample et tragique;
Merci pour la douleur !

N'octroyant plus au temps ses bornes reposantes,
Tant le désir rêveur m'offre ses océans,
Tu me désapprenais la mort; elle est présente;
Merci pour le néant...