11/10/2010

124. "Deux êtres luttent dans mon coeur"


Deux êtres luttent dans mon coeur,
C'est la bacchante avec la nonne,
L'une est simplement toute bonne,
L'autre, ivre de vie et de pleurs.
La sage nonne est calme, et presque
Heureuse par ingénuité.
Nul n'a mieux respiré l'été ;
Mais la bacchante est romanesque,
Romanesque, avide, les yeux
Emplis d'un sanguinaire orage.
Son clair ouragan se propage
Comme un désir contagieux !
La nonne est robuste, et dépense
Son âme d'un air vif et gai.
La païenne, au corps fatigué,
Joint la faiblesse à la puissance.
Cette Ménade des forêts,
Pleine de regrets et d'envies,
A failli mourir de la vie,
Mais elle recommencerait !
La nonne souffre et rit quand même :
C'est une Grecque au coeur soumis.
La dyonisienne gémit
Comme un violon de Bohême !
Pourtant chaque soir dans mon coeur,
Cette sage et cette furie
Se rapprochent comme deux soeurs
Qui foulent la même prairie.
Toute deux lèvent vers les cieux
Leur noble regard qui contemple.
L'étonnement silencieux
De leurs deux âmes fuse ensemble ;
Leurs front graves sont réunis ;
La même angoisse les visite :
Toutes les deux ont, sans limite,
La tristesse de l'infini !...