Par la coloration chaleureuse des heures,
Ont de toi fait un mort, la nuit, dans ta demeure,
Et l'aube, lentement, a blanchi tes volets...
Et tu fus là, dormant, à jamais insensible,
Laissant monter sur ceux que tu privais de toi
Ces grands fardeaux du temps aux contours inflexibles;
J'ai l'âge de ce jour ou je t'ai vu sans voix:
Sans regard et sans voix, achevant ma jeunesse
Par ce spectacle affreux de faiblesse et de paix,
Que mes yeux arrêtés puisaient avec détresse
Sur ton front assombri, si pauvre et si parfait.
Les fleurs, entre tes mains et contre ton doux être,
Parfumaient froidement ton éternel répit;
Jamais je ne verrai l'été sans reconnaître
Ce jardin qui mourait sur ton coeur assoupi !
Et tu n'étais plus là, malgré ton fin visage,
Le dernier de toi-même et qui me plaît le plus;
O visage accablé, suprême paysage
D'un jour de fin du monde, et qu'on ne verra plus !
Les vivants ont repris leurs errantes coutumes;
Ils sont un autre peuple, et tu ne peux toujours
Hanter de ta suave et poétique brume
Ces malheureux, guidés par d'alertes amours.
Mais leur vague existence est par l'ombre absorbée,
Ils meurent chaque jour, sans enfoncer en nous
Ces pointes du malheur, que ta main dérobée
Fixe encore dans mon coeur comme de sombres clous...