Le texte des messages 35, 36, 37 est extrait de l’ouvrage "Anna de Noailles, une amie de la princesse Edmond de Polignac" par Claude Mignot-Ogliastri, pages 35, 36, 37
Fondation Singer-Polignac. Editions Méridiens Klincksieck .
ISBN 2-86563-150-8-----------------------------------------------------------------
1/3. Nature et liberté reprenaient leurs droits à Amphion, où les séjours se prolongeaient de mai à octobre. Les petites filles partaient « munies d'instruments de jardinage, de filets à papillons, de boîtes de botanique ». Après la nuit de train, on découvrait « les stations animées d'Ambérieu, de Culoz, de Thonon-les-Bains, apparition bénie du lac ! ».
Entre les sommets étincelants des Alpes et le front verdoyant du Jura, l'eau miroitait à perte de vue jusqu'à la rive suisse, où, le soir, s'allumaient les mille feux de Lausanne et de Montreux. On écoutait sa caresse régulière sur les graviers du bord, le sifflet rauque et la molle cadence des bateaux à vapeur, on respirait ces parfums « de marine et d'ablettes, de goudron éventé, de barques peintes et clapotantes qui font rêver des grands ports et des voyages ». Les voiliers, « aux ailes croisées et bien ouvertes, dessinaient sur l'horizon […] la forme d'un ange parcourant les flots ».Au bord du lac se pressaient les villes joyeuses et les villages de pêcheurs. Dans ce pays sillonné de voies ferrées, les maisons des gardes-barrières semblaient « des auberges de Kobolds ». Vers les campagnes fleuries, où les châteaux modestes avoisinaient leurs métairies, les routes blanches enlaçaient les coteaux, « stridents de grillons et de cigales », plantés de vergers, de« figuiers accotés à des murs de grès rose ». Les sources jaillissaient de toutes parts. Sur sa terrasse ombragée de marronniers aux fleurs roses s'élève encore aujourd'hui le chalet, avec son balcon de bois aux deux B entrelacés, sa véranda blanche ouvrant de plain-pied sur le jardin, face au lac où nagent les cygnes. Mais on ne peut qu'imaginer les « orangers parfumés, les vignes vierges carminées », les fuchsias aux fleurs purpurines, « ténues danseuses aériennes », et l'intérieur :
La maison ! son vitrail léger comme des bulles
D'eau transparente où joue un vif soleil tremblant,
Le dallage, alterné de marbre noir et blanc,
L'écho et la senteur de bois du vestibule!
Et puis la pièce basse où l'on entrait d'abord,
La terrasse, avec deux tonneaux de porcelaine,
Le jardin, son gazon et ses corbeilles pleines
D'une sauge velue et bleue, qui sentait fort.
Les chambres; de naïfs papiers aux murs s'élancent,
Papiers de fleurs, d'oiseaux, de personnages clairs,
Papiers simples et doux, qui répètent leurs airs
Comme une monotone et sensible romance.
Fondation Singer-Polignac. Editions Méridiens Klincksieck .
ISBN 2-86563-150-8-----------------------------------------------------------------
1/3. Nature et liberté reprenaient leurs droits à Amphion, où les séjours se prolongeaient de mai à octobre. Les petites filles partaient « munies d'instruments de jardinage, de filets à papillons, de boîtes de botanique ». Après la nuit de train, on découvrait « les stations animées d'Ambérieu, de Culoz, de Thonon-les-Bains, apparition bénie du lac ! ».
Entre les sommets étincelants des Alpes et le front verdoyant du Jura, l'eau miroitait à perte de vue jusqu'à la rive suisse, où, le soir, s'allumaient les mille feux de Lausanne et de Montreux. On écoutait sa caresse régulière sur les graviers du bord, le sifflet rauque et la molle cadence des bateaux à vapeur, on respirait ces parfums « de marine et d'ablettes, de goudron éventé, de barques peintes et clapotantes qui font rêver des grands ports et des voyages ». Les voiliers, « aux ailes croisées et bien ouvertes, dessinaient sur l'horizon […] la forme d'un ange parcourant les flots ».Au bord du lac se pressaient les villes joyeuses et les villages de pêcheurs. Dans ce pays sillonné de voies ferrées, les maisons des gardes-barrières semblaient « des auberges de Kobolds ». Vers les campagnes fleuries, où les châteaux modestes avoisinaient leurs métairies, les routes blanches enlaçaient les coteaux, « stridents de grillons et de cigales », plantés de vergers, de« figuiers accotés à des murs de grès rose ». Les sources jaillissaient de toutes parts. Sur sa terrasse ombragée de marronniers aux fleurs roses s'élève encore aujourd'hui le chalet, avec son balcon de bois aux deux B entrelacés, sa véranda blanche ouvrant de plain-pied sur le jardin, face au lac où nagent les cygnes. Mais on ne peut qu'imaginer les « orangers parfumés, les vignes vierges carminées », les fuchsias aux fleurs purpurines, « ténues danseuses aériennes », et l'intérieur :
La maison ! son vitrail léger comme des bulles
D'eau transparente où joue un vif soleil tremblant,
Le dallage, alterné de marbre noir et blanc,
L'écho et la senteur de bois du vestibule!
Et puis la pièce basse où l'on entrait d'abord,
La terrasse, avec deux tonneaux de porcelaine,
Le jardin, son gazon et ses corbeilles pleines
D'une sauge velue et bleue, qui sentait fort.
Les chambres; de naïfs papiers aux murs s'élancent,
Papiers de fleurs, d'oiseaux, de personnages clairs,
Papiers simples et doux, qui répètent leurs airs
Comme une monotone et sensible romance.