BUEE
Allègre humidité de la terre qui germe !
On croirait, tant le bois, noir encor, semble gai,
Que le sol crépitant devine qu'il renferme
La multitude heureuse et vive des muguets.
Un turbulent oiseau, dont la voix étincelle,
S'exténue en cris vifs, acharnés, diligents,
Comme s'il lui fallait, pour que le jour ruisselle.
Dans l'espace alourdi percer des trous d'argent...
POUR OUBLIER LA MORNE HOULE.
Pour oublier la morne houle
Humaine, affairée et frivole,
Écoutons respirer la foule
Des belles choses sans paroles.
Calme du soir, fraîche candeur !
— Que j'aime ces abords des bois
Où gît, invisible et sans poids,
La masse immense des odeurs...
LA NOBLE NUIT EST.
La noble nuit, est sans langueur,
Toute pure, calme, frétée
Pour naviguer sans bruit ni heurt
Sur la nette et froide senteur
Qui comble la nue argentée.
Ah ! cette cristalline odeur,
Méditative et solennelle,
Dans cette vide immensité
Où mon esprit déploie une aile,
Cette froide odeur, d'où vient-elle,
Cette odeur de la nuit d'été ?
— Rien que le vent et les étoiles.
Ce sont deux puretés égales.
Et sur cet océan d'acier
Composé d'ombre et de silence,
Mon rêve lentement s'avance
Comme un vaisseau dans des glaciers...
ECLOSION
Amère odeur des primevères,
Arôme inquiet, ingénu,
Posé sur le sol triste et nu
Du pauvre printemps qui s'avère,
Je sais votre effluve inconnu.
Votre odeur de froid et de terre.
Ce parfum timide, frileux,
Puisé dans l'abîme argileux
Où tout commence, où tout s'achève.
— Et voici qu'un subit oiseau
Jette une note étrange et brève.
L'espace est encor baigné d'eau.
Le ciel est gris. Pourtant le rêve
Que rapporte chaque printemps
Vient de naître en ce simple instant
Où la faible fleur, qui décide.
Avec son arôme ténu.
Que le bonheur est revenu,
A, dans le soir humide, acide,
Perçu le cri neuf, entêté,
D'un humble oiseau ressuscité...
Les Forces Eternelles