11/10/2010

127. "Si je n'aimais que toi."

Si je n'aimais que toi en toi
Je guérirais de ton visage
Je guérirais bien de ta voix
Qui m'émeut comme lorsqu'on voit
Dans le nocturne paysage
La lune énigmatique et sage
Qui nous étonne chaque fois
Si c'était toi par qui je rêve
Toi vraiment seul, toi seulement
J'observerais tranquillement
Ce clair contour, cette âme brève
Qui te commence et qui t'achève
Mais à cause de nos regards
A cause de l'insaisissable
A cause de tous les hasards
Je suis parmi toi haute et stable
Comme le palmier dans les sables
Nous sommes désormais égaux
Tout nous joint, rien ne nous sépare
Je te choisis si je compare
C'est toi le riche et moi l'avare
C'est toi le chant et moi l'écho
Et t'ayant comblé de moi-même
O visage par qui je meurs
Rêves, désir, parfums, rumeurs
Est-ce toi ou bien moi que j'aime

Source de l'illustration : http://fc06.deviantart.net/fs18/f/2007/149/a/1/Nocturn_by_saretta1.jpg

126. "L'inquiet désir"


Voici l'été encor, la chaleur, la clarté,
La renaissance simple et paisible des plantes,
Les matins vifs, les tièdes nuits, les journées lentes,
La joie et le tourment dans l'âme rapportés.

Voici le temps de rêve et de douce folie
Où le coeur, que l'odeur du jour vient enivrer,
Se livre au tendre ennui de toujours espérer
L'éclosion soudaine et bonne de la vie,

Le coeur monte et s'ébat dans l'air mol et fleuri.
Mon coeur, qu'attendez-vous de la chaude journée,
Est-ce le clair réveil de l'enfance étonnée
Qui regarde, s'élance, ouvre les mains et rit ?

Est-ce l'essor naïf et bondissant des rêves
Qui se blessaient aux chocs de leur emportement,
Est-ce le goût du temps passé, du temps clément,
Où l'âme sans effort sentait monter sa sève ?

Ah ! mon coeur, vous n'aurez plus jamais d'autre bien
Que d'espérer l'Amour et les jeux qui l'escortent,
Et vous savez pourtant le mal que vous apporte
Ce dieu tout irrité des combats dont il vient.

Le cœur innombrable, poèmes, Calmann-Lévy, 1901

125. "Le coeur, La chaude chanson, Azur"


Le coeur

Mon coeur tendu de lierre odorant et de treilles,
Vous êtes un jardin où les quatre saisons
Tenant du buis nouveau, des grappes de groseilles
Et des pommes de pin, dansent sur le gazon...
Sous les poiriers noueux couverts de feuilles vives
Vous êtes le coteau qui regarde la mer,
Ivre d'ouïr chanter, quand le matin arrive,
La cigale collée au brin de menthe amer.
Vous êtes un vallon escarpé ; la nature
Tapisse votre espace et votre profondeur
De mousse délicate et de fraîche verdure.
Vous êtes dans votre humble et pastorale odeur
Le verger fleurissant et le gai pâturage
Où les joyeux troupeaux et les pigeons dolents
Broutent le chèvrefeuille ou lissent leur plumage.
Et vous êtes aussi, coeur grave et violent,
La chaude, spacieuse et prudente demeure
Pleine de vins, de miel, de farine et de riz,
Ouverte au bon parfum des saisons et des heures,
Où la tendresse humaine habite et se nourrit

Le cœur innombrable, poèmes, Calmann-Lévy, 1901
* * *


La chaude chanson

La guitare amoureuse et l'ardente chanson
Pleurent de volupté, de langueur et de force
Sous l'arbre où le soleil dore l'herbe et l'écorce,
Et devant le mur bas et chaud de la maison.

Semblables à des fleurs qui tremblent sur leur tige,
Les désirs ondoyants se balancent au vent,
Et l'âme qui s'en vient soupirant et rêvant
Se sent mourir d'espoir, d'attente et de vertige.

Ah ! quelle pâmoison de l'azur tendre et clair !
Respirez bien, mon coeur, dans la chaude rafale,
La musique qui fait le cri vif des cigales,
Et la chanson qui va comme un pollen sur l'air

Le cœur innombrable, poèmes, Calmann-Lévy, 1901
* * *

Azur

Comme un sublime fruit qu'on a de loin lancé,
La matinée avec son ineffable extase
Sur mon coeur enivré tombe, s'abat, s'écrase,
Et mon plaisir jaillit comme un lac insensé !

O pulpe lumineuse et moite du ciel tendre,
Espace où mon regard se meurt de volupté,
O gisement sans fin et sans bord de l'été,
Azur qui sur l'azur vient reluire et s'étendre,

Coulez, roulez en moi, détournez dans mon corps
Tout ce qui n'est pas vous, prenez toute la place,
Déjà ce flot d'argent m'étouffe, me terrasse,
Je meurs, venez encor, azur ! venez encor

Le cœur innombrable, poèmes, Calmann-Lévy, 1901

124. "Deux êtres luttent dans mon coeur"


Deux êtres luttent dans mon coeur,
C'est la bacchante avec la nonne,
L'une est simplement toute bonne,
L'autre, ivre de vie et de pleurs.
La sage nonne est calme, et presque
Heureuse par ingénuité.
Nul n'a mieux respiré l'été ;
Mais la bacchante est romanesque,
Romanesque, avide, les yeux
Emplis d'un sanguinaire orage.
Son clair ouragan se propage
Comme un désir contagieux !
La nonne est robuste, et dépense
Son âme d'un air vif et gai.
La païenne, au corps fatigué,
Joint la faiblesse à la puissance.
Cette Ménade des forêts,
Pleine de regrets et d'envies,
A failli mourir de la vie,
Mais elle recommencerait !
La nonne souffre et rit quand même :
C'est une Grecque au coeur soumis.
La dyonisienne gémit
Comme un violon de Bohême !
Pourtant chaque soir dans mon coeur,
Cette sage et cette furie
Se rapprochent comme deux soeurs
Qui foulent la même prairie.
Toute deux lèvent vers les cieux
Leur noble regard qui contemple.
L'étonnement silencieux
De leurs deux âmes fuse ensemble ;
Leurs front graves sont réunis ;
La même angoisse les visite :
Toutes les deux ont, sans limite,
La tristesse de l'infini !...

123. Un ouvrage en anglais

Dionysian Aesthetics in the Works of Anna de Noailles
2003. 453 pages. $75.00
ISBN 0-8387-5499-6. LC 2002021540

This study, the first ever to appear in English, re-examines Anna de Noailles' poetry and prose alongside manuscripts and private documents, in relation to the works of French and European artists and thinkers from among her predecessors as well as her contemporaries. The author shows how this woman of foreign origins envisioned and constructed an original poetic world by actively engaging with her literary and intellectual heritage - as represented by Lamartine, Hugo, Baudelaire, Mallarmé, Proust, Schopenhauer, and Rilke, among others - while discovering vital sources of inspiration in her Greek ancestry and in Nietzsche's groundbreaking philosophy. Not only did Noailles create a distinctive voice in the world of French letters but also her influence reached writers of both genders in France, in other European countries, and across the Atlantic. Through the focusing lens of Anna de Noailles, Perry revives multiple facts of the culture in which she wrote. More crucially still, this book reevaluates a writer whose historical stature and whose incorporation by the French establishment as a representative of "feminine" poetry have tended to overshadow her literary merits. Suzanne Nash, Professor of French, Princeton University

About the author : Catherine PERRY. An American born and raised in Lausanne, Switzerland, Catherine Perry spent ten years in Morocco before settling in the United States. Now Associate Professor of French and Francophone Studies at the University of Notre Dame, her academic interests include intellectual history, literary theory, gender studies, representations of North Africa in European literature and painting, and literature from the Maghreb. She has published numerous articles no French and Francophone writers of all periods.

http://romancelanguages.nd.edu/people/perry-catherine/
http://www.catherine-perry.org/
http://catherineperry.wordpress.com/

122. Un portrait inconnu de la comtesse de Noailles. 1

Découverte d’un portrait d’Anna de Noailles réalisé en 1949

Alexandre d’Oriano, président du Cercle Anna de Noailles, a envoyé à Catherine PERRY*, cette reproduction d’un portrait réalisé en 1949, après la mort d’Anna de Noailles. Il s'agit d'un document rare et sans doute très peu connu. Source du document : http://www.annadenoailles.org/
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 Je remercie très vivement Madame Catherine PERRY*, d'avoir bien voulu m'autoriser à reproduire ce document que l'on pourra visualiser dans son format original dans le message 121.
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 *Catherine Perry. Romance Languages & Literatures
343 O’Shaughnessy Hall. University of Notre Dame
Notre Dame, IN 46556, USA
 cperry@annadenoailles.org
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121. Un portrait inconnu de la comtesse de Noailles. 2