Éveil d'une journée heureuse !
L'atmosphère semble mousseuse
De chaleur, d'éclat, de langueur.
La force brusque de mon cœur
Bondit au ciel comme une balle ;
Comme de secrètes cymbales
L'argent des prés, l'argent des cieux,
Se rapprochent en chocs joyeux
Qui scintillent comme des lances !
Dans la verdure, le silence,
— Halètement calme et dispos
Sur qui passent de fines limes, —
Est incrusté de bruits infimes :
Cris légers, bonds légers d'oiseaux,
Rouet aérien des guêpes,
Frais chevrotement d'un ruisseau
Que la menthe rose intercepte.
— O jeune splendeur de l'été
Sûr de soi-même, indestructible,
Si saturé de volupté
Que votre orgueil semble insensible,
Je souffre lorsque vous riez
De toute votre verte force,
Avec les pommiers, les poiriers,
Les rameaux fuselés ou torses ;
Je souffre lorsque je comprends
Que votre éblouissant torrent,
Céleste, écumeux, qui se pâme,
Ne pourra réjouir mon âme
Que pendant quelque temps encor !
— Saviez-vous quel puissant accord.
Mêlé d'ineffable torture,
M'apparente avec la nature,
Par tous les rêves de ce corps
Plus que vous gonflé de verdure,
De plaisir défaillant et fort,
De soleil, d'espoir, do folie?
— L'injuste ferveur qui me lie
A l'univers aveugle et sourd
Est mon triste et blâmable amour.
O solitude nostalgique !
Que peut ce végétal cantique
Qui m'emplit et me méconnaît
Et me fait chanceler ? Je n'ai
De repos, d'oubli, de délices,
Que près de vous, tendre complice,
Indolent et fougueux ami !
— Que vos bras étendus soient mis
Devant l'espace qui m'oppresse.
Guerroyant plaisir des caresses,
Tumulte des regards humains,
Fureur des lèvres et des mains,
Dérobez à mon cœur qui souffre
Le limpide et bleuâtre gouffre,
Puisque l'amour seul peut ôter
La tristesse de la beauté !
Les Forces Eternelles