6. Et voyez donc ce qu’elle écrit dans son poème Les Héros, "affirmation de la vie" :
La tristesse du soir autour de moi s’amasse
Le monde est un étroit enclos
Mais je quitte le sol, je monte dans l’espace
Et je parle avec les héros !
Que d’autres cherchent l’air des bois, de la montagne
Et la brise des océans
Je m’enferme dans l’ombre où nul ne m’accompagne
Je respire chez les géants.
Elle voue à la France un intransigeant amour. Elle cite à satiété ce vers de Verlaine : "L’amour de la patrie est le premier amour". Tantôt, pour la chanter, elle trouve les tons les plus délicats, célébrant par exemple à ravir "les ruisseaux parfumés de trèfle et d’armoise... au-dessus desquels s’élève le clocher de Corbeil ou de Château-Thierry". Tantôt, elle la déifie, même si elle ne lui appartient pas par le sang. A d’autres, qui ont eu le bonheur de lui appartenir "depuis des siècles", de répondre désormais à l’adage de Goethe : "Ce que tu as hérité de tes pères, acquiers-le pour le posséder". Quant à elle, elle aura même chanté la France, dans Le Pays, avec ivresse :
Ma France, quand on a nourri son cœur latin
Du lait de votre Gaule,
Quand on a pris sa vie en vous comme le thym
La fougère et le saule
Quant on a bien aimé vos forêts et vos eaux
L’odeur de vos feuillages
La couleur de vos jours, le chant de vos oiseaux
Dès l’aube de son âge.
Quand amoureux du goût de vos bonnes saisons
Chaudes comme la laine
On a fixé son âme et bâti sa maison
Au bord de votre Seine...
[…] Quand votre nom, miroir de toute vérité
Emeut comme un visage
Alors on a conclu avec votre beauté
Un si fort mariage
Que l’on ne sait plus bien, quand l’azur de votre œil
Sur le monde flamboie
Si c’est dans sa tendresse ou bien dans son orgueil
Qu’on a le plus de joie...