LORSQUE JE SOUFFRE ENCOR ….
Lorsque je souffre encor plus qu'à mon habitude
De ces maux accablants à travers quoi je vis,
Et que, ni les beaux cieux éventés, ni l'étude,
Ni mes regards toujours soulevés et ravis,
Ne peuvent rehausser mon esprit, asservi
Par la pusillanime et sombre inquiétude,
Je songe avec horreur à l'instant de ma mort,
A cet instant subit, étranger, sans espace,
Où contre un mur secret le faible corps se casse,
Déjà vidé d'amour, d'espoir et de remords...
- N'éviterai-je pas la hideuse amertume
De sentir, - quand la mort étrangle le mourant,
Le bâillonne, l'aveugle et le remplit de brume, —
Que ton être, qui fut ma force et ma coutume,
A mon esprit terni devient indifférent ?
CONTINUITÉ
Les véritables morts sont les cœurs sans audace
Qui n'ont rien exigé et qui n'ont rien tenté ;
Sous l'azur frénétique où d'autres sont rapaces
Ils n'ont pas bu l'espoir, ni dévoré l'été.
Ils n'ont pas su souffrir comme il convient qu'on souffre,
Sans plus pouvoir manger, dormir, ni respirer,
Pareils à ces poissons livides et nacrés
Qui gisent, arrachés hors du bleuâtre gouffre.
Le bonheur turbulent, qui réjouit les airs
Et jette un cri panique à quoi tout se rallie,
A vu ces cœurs peureux préférer leur désert
Au risque illimité de la mélancolie ;
Cependant tout est vif, continuel et sûr
De ce qui fut ! J'ai vu, sur une antique grève,
Des temples, absorbés par le sable et l'azur,
Prolonger le divin et poursuivre leur rêve.
Ainsi, les corps hardis, dont les vœux exaucés
Mêlent la joie au fiel que les Destins imposent,
Porteront dans la mort et ses métamorphoses
Le plaisir obtenu, qui ne peut pas cesser...
Les Forces Eternelles