25/11/2012

604. Le chant de Praxô

Je t'aime. J'ai trouvé le repos sur ton cœur;
Je t'aime et je te crois. Je n'étais pas heureuse,
J'interrogeais en vain la nue immense et creuse ;
Tu me suffis. Je suis ton épouse et ta sœur.

Je t'ai longtemps cherché. Les astres magnétiques,
Le chant des flûtes, l'air, le bruit mouillé des flots,
Promettaient à mon cœur, soulevé de sanglots,
Ton ardeur, à la fois tutélaire et panique !

D'où viens-je ? L'univers n'a jamais délié
Le nœud qui me retient unie au paysage.
Je suis moi-même azur, astre, torrent, feuillage,
Mais cette parenté j'ai voulu l'oublier.

Jadis le brasillant éther des matinées
Me faisait défaillir d'un bondissant amour,
J'ai vraiment retenu dans ma bouche étonnée
La saveur bleuâtre du jour !

Je souffrais cependant. Le chuchotant espace
Ne me répondait pas quand il m'interpellait,
Et mon cœur ressemblait à ces chevreaux voraces
Qui convoitent en vain les raisins violets.

Comment t'ai-je irrité ? J'entends bien ta colère,
Quel fut mon tort ? toi qui donnes le plaisir,
Sans doute as-tu le droit, si j'ai pu te déplaire.
De reprendre la joie et de m'en dessaisir.

Que crains-tu ? Entends-moi, je ne suis pas changeante,
J'ai gardé sans ennui la maison, quand mes sœurs
S'en furent par la route aux nombreuses odeurs
Saluer, loin d'ici, Pindare d'Agrigente.

S'il me faut te quitter, cher faune, je mourrai.
L'univers moite et bleu qui fut mon clair domaine
M'est moins apparenté que la chaleur humaine
Où s'apaisent mes vœux et mon songe effaré.

Que ferai-je sans toi ? Sur les rochers des sables,
Où la mer au doux bruit vient déplier son voile,
Je ne scruterai plus l'avenir ineffable,
Sous le ciel illustré d'étoiles !

Que m'importe à présent le suave chemin
Où l'odorant figuier, au feuillage écarté,
Semblait porter vers moi le ciel des nuits d'été,
Ce n'est plus qu'à travers la bonté de tes mains
Que mon cœur gémissant rejoint l'éternité...

Les Forces Eternelles