LE REPROCHE
Il n'aurait pas fallu que vous fussiez méchant,
Ou du moins seulement à ces moments extrêmes
Où les femmes, gisant dans un rêve oppressant,
Ne cherchent plus le cœur des hommes qu'elles aiment.
Mais j'étais ce soir-là sage et triste. Pourquoi
Ai-je vu votre injuste et brumeuse colère ?
Je ne connaissais plus vos yeux ni votre voix,
Et votre cruauté ne savait pas me plaire.
Mon esprit, recherchant la céleste amitié,
S'épouvantait ainsi qu'un vaincu qu'on désarme;
Vous n'aviez pas le droit de m'infliger des larmes
Hors du plaisir, qui n'a pas besoin de pitié !
J'accepte que votre âme âprement se soulève
Aux instants où ma vie en la vôtre s'achève
Parmi tant de fureur et d'intrépidité ;
Mais parfois le désir impétueux fait trêve,
Ces jours-là ont besoin de charme et de bonté ;
Il faut plus de bonheur à l'amour lorsqu'il rêve
Qu'il n'en faut à la volupté !
LE NOBLE ÉTHER DES NUITS..
Le noble éther des nuits, mon amour, condescend
A courber sur nous deux sa bonté qui se pâme;
Nous rêvons, et pourtant ce n'est pas innocent, '
Sans nous voir nous tremblons de nous sentir présents.
Tant la volupté vient de l'âme !
Toi prudent, moi gonflée d'un éclatant amour
Que la divine paix de t'approcher modère.
Nous regardons la sombre et ductile atmosphère
Où les astres brillants sont des fragments de jour,
J'écoute nos deux voix se taire tour à tour,
Comme on se tait quand on espère.
Le vent fait crépiter un arbre vert et brun.
Comme le blé léger rompu par la faucille.
Mes refus, dans tes bras, se défont un à un,'
Il ne reste de moi, tant mon être vacille.
Que ce qui reste encor de l'encens qui grésille
Entre la flamme et le parfum !
Mon amour, le désir qui déchire et dévoile,
Qui comble, qui saccage, et achève et détruit,
A-t-il mêlé nos corps jusqu'aux profondes moelles.
Mon âme est hors de moi, l'infini m'éblouit,
Me suis-je unie à toi, me suis-je unie à lui,
Je sens que mon cœur s'est, dans la fougueuse nuit,
Accordé avec les étoiles !
Les Forces Eternelles