Été, je ne peux pas me souvenir de vous :
Tel est votre secret, et telle votre force.
Que dès que je vous vois jaillir de toute écorce
Un radieux effroi fait trembler mes genoux !
Quoi ! Vous étiez ainsi l'autre année, et vous êtes
Ce même éclatement de verdure et d'odeur,
Cet excès d'abandon et de molle tempête
Par quoi vous endormez ou déchaînez le cœur ?
— Le monde est un pompeux pavillon de feuillage
Les bosquets, panachés de bouquets triomphants,
Se balancent ainsi qu'au dos des éléphants
L'éclatant palanquin de l'Inde qui voyage.
L'odeur d'eau d'un torrent s'envole avec gaîté
Et s'épand en subtile et liquide poussière ;
Je songe à mon enfance, où j'ai tant souhaité
Voir l'eau d'un lac charmant rester bleue dans mon verre I
Par ma fenêtre ouverte une guêpe tanguant
Se heurte à tout l'azur et bondit dans ma chambre.
Son corps impétueux, couleur d'agate et d'ambre,
Semble être pourchassé par son propre ouragan.
J'entends les mille chants légers de la Nature ;
Tout composé de bruits, que le silence est beau!
Je vois la fleur crémeuse et large des sureaux
Comme une Voie lactée rêver dans la verdure.
Et le vent buissonnier, indocile, riant,
Chargé de ciel, d'espace et de longs paysages,
Est pareil à ces vins venus de l'Orient
Dont le secret empois a le goût du voyage...
Les Forces Eternelles