04/02/2012

366. Les innocentes ou la sagesse des femmes. 5

5. Que j'eusse aimé bondir, en te pressant à mon côté, dans ces carrioles ferrées qui traversent au galop, là-bas, les dalles défoncées des rues, arrosées en vain et qui fument de chaleur, cependant que le cri barbare, brutal, audacieux des cochers de Naples, ce « ha ! » stupéfiant de satisfaction et de jouissance, semble exciter encore la sournoise volupté, dans l'azur épandue ?
Ne me consolerai-je pas, en toi de toute espérance, dans Salerne, la ville haute, dont les ruelles tortueuses se traînent comme les noires racines du lierre, tandis qu'à ses pieds, son petit port de marbre, figé de silence, rêve, le soir, sur l'huile incarnate de la mer endormie, comme la lune dans un ciel rose ?
Ne voudras-tu pas, mon amour, me restituer l'univers, sauf dans cette chambre de l'attente, du doute et de la stupeur, où tu t'es glissé un jour avec cet air furtif et coupable de celui qui a volé un trésor, qui le dissimule et l'apporte dans l'insécurité et l'angoisse? Ce bien dérobé que tu m'apportes, c'est en effet le monde immense et réduit dont je t'ai fait le détenteur.
Et il est vrai que tu viendras toujours vers moi chargé d'un trouble mystérieux, qui est l'incompréhension de ta personne, que tu ne peux plus concevoir désormais, pour l'avoir vue déformée et agrandie jusqu'au divin dans mon œil ébloui et reconnaissant...