Le paysage est calme et dur,
D'une candeur qui désaltère ;
On croit que ce morceau d'azur
Repose sous un globe en verre.
Un cytise se laisse choir
Sur la blanche épine fleurie.
Écoute les parfums du soir,
Confidences de la prairie !
L'atmosphère est un bleu désert,
Sans rien qui soupire ou qui tremble ;
L'herbage mielleux des prés semble
Doucement mâchonné par l'air,
Tant son suc imprègne et sature
D'une exacte et nette liqueur
L'espace peinturé d'odeurs
Et capitonné de verdure !
Sur le divan pâmé du temps,
Le croissant de la lune froide
Jette sa lame, courbe et roide
Comme la dague d'un sultan.
Je n'ignore rien, ô Nature,
De votre vague immensité,
Je subis la tendre torture
Qu'impose un vaporeux été,
Je sais qu'un invincible abîme
Enlace mes pieds et mon corps,
Et que j'avance vers le crime
Inconcevable de la mort.
Belles choses naturelles !
Que par vous mon rêve a saigné !
Mais par mes chants, tout imprégnés
D'un élixir dont je chancelle.
J'enclave l'homme, dédaigné,
Au sein de la vie éternelle !
Que suis-je ? Un humble atome errant,
Dont l'ardeur fut grave et pieuse,
Qui vit le réel d'un œil franc
Voilé de stupeur amoureuse,
Et j'ai rendu, en l'adorant.
L'évidence mystérieuse...
Les Forces Eternelles