16/11/2012

524. Les biches


Biches qui rôdez dans le bois,
Calmes, perplexes, attentives,
Et qui, dans l'instant où j'arrive,
Vous dissipez autour de moi

Lentement, mollement, chacune,
En cercle autour de mon regard,
Comme un nuage au ciel du soir
Se défait autour de la lune.

Que j'aime vos airs vaporeux,
Et ces grands flocons de silence
Qui tombent avec nonchalance
De vos pas prudents et peureux !

Douces, et pourtant infidèles,
Vous fuyez en tressant vos pieds,
Avec des regards effrayés,
Comme un oiseau avec ses ailes !

Tendres animaux clandestins
Vêtus de bure, Couventines,
Qui frémissez dans le matin
Comme des cloches en sourdine,

Dans cette suave saison
J'entends bien vos songes qui volent.
Lorsque les calmes chemins sont
Pleins de sentiments sans paroles !

O rêveuse Communauté
En oraison dans le feuillage.
Immenses papillons d'été.
Corps qui ne semblez qu'un sillage.

Vos yeux sont de dolents soupirs
Dressés sur la brise amollie;
Mais puisque la mélancolie
N'est que le voile du désir.

En quel lieu, dans quelles ténèbres,
Le crime enivrant du plaisir,
A la fois bachique et funèbre,
Vient-il sur vous s'appesantir ?

 Quand glissez-vous, furtives, promptes,
Voraces aussi, vers celui
Dont le cri puissant vous conduit
Par delà l'espoir et la honte ?

O biches, dont le noble ennui
Dans les bleus matins se promène,
Je songe à ces heures des nuits
Où vous avez une âme humaine...

Les Forces Eternelles