J'ai cessé de t'aimer, Vie excessive et triste,
Mais tu t'agrippes à mon corps,
Mon être furieux veut mourir, et j'existe !
Et ta force me crie : « Encor ! »
Je me hausse en souffrant jusqu'au néant céleste,
Mais tes pieds d'aigle sont sur moi ;
Et plus je te combats. Destin sournois et leste,
Plus notre embrassement s'accroît.
— Quel plaisir désormais, ou quelle accoutumance
Mêlerait nos yeux ennemis ?
Je ne peux pas vouloir que toujours recommence
Une chance éclose â demi.
J'ai tout aimé, tout vu, tout su; la turbulence
M'aurait fait marcher sur les flots,
Tant le suprême excès a le calme et l'aisance
Des larges voiles des vaisseaux !
Le plaisir, — c'est-à-dire amour, force, prière, —
Eut en moi son prêtre ébloui ;
Je ne puis accepter de tâche familière,
J'étais vouée à l'inouï !
Je ne peux pas vouloir que toujours se prolonge
Un chemin qui va décroissant;
Le réel m'offensait, la tempête et le songe
Secouraient mon âme et mon sang.
Certes, j'ai bien aimé la raison, haute et nette,
Elle fut mon rocher rêveur ;
Mais ayant soutenu ses volontés secrètes,
Je cède ma force à mon cœur.
— Beau ciel d'un jour d'automne, où vraiment rien n'espère,
Ni l'azur froid, ni l'air peureux.
Accueillez dans le deuil calme de l'atmosphère
Mon chagrin candide et fougueux !
Accueillez votre enfant qu'ici plus rien ne tente,
A qui ce drame prompt survint
D'avoir bu la douleur au point d'être contente
De quitter le soleil divin !
Les Forces Eternelles