16/02/2013
651. Au cimetière de Publier (74)
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Publier. vue générale |
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Le cimetière de Publier |
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Le cimetière dans son environnement |
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Entourée de rouge : la tombe d'Anna de Noailles |
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La stèle "Anna de Noailles" |
"C'est là que dort mon cœur, vaste témoin du monde"
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11/02/2013
650. Poème de l'Amour. 1924.
Remarque. Une large sélection des textes de ce recueil a déjà été publiée dans les messages 310 à 329.
Quelques uns de ces poèmes sont repris dans les messages 643 à 649 ci-après. Le titre affiché est celui de leur premier vers.
643. Je ne t'aime pas
644. Le silence répand son vide
645. Quand tu me plaisais
646. Le temps n'est pas toujours
647. Les vers que je t'écris
648. Je t'aimais par les yeux
649. Ils sont les bâtisseurs
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A propos du recueil "Poème de l'Amour"
in "Anna de Noailles", par Claude Mignot-Ogliastri, page 343 à 345
Éditions Méridiens Klincksieck 1987. ISBN 2-86563-150-8
Bergson saluait chaque œuvre d'A.de Noailles, car il lui reconnaissait le don « de voir se pénétrer les unes les autres bien des choses que nos sens et notre intelligence nous présentent comme distinctes. De là des intuitions dont le métaphysicien pourrait faire son profit ».
Le
9 septembre 1924, il la félicite d'obtenir « des mots qu'ils expriment
l'inexprimable. De votre " Poème de l'Amour se dégage ce que j'appellerais
une métaphysique de la
sensation. Par une opération magique, vous nous faites
apercevoir clins la sensation tout un monde de pensées avec lequel — je ne sais
comment — elle coïnciderait ; l'infini nous apparaît ainsi dans l'élémentaire.
Mais en même temps se découvre l'immensité d'illusion (...) qui est au fond de
la passion humaine ».
Comme
le rappellera Mauriac, cette analyse impitoyable de l'amour apparaissait déjà
dans les deux précédents recueils. La nouveauté ici est le renoncement à la
véhémence, à l'amplitude. Ces 175 poèmes sans titres, numérotés et donc
inséparables, sont jetés d'un trait, sans grand souci de l'alternance régulière
des rimes, comme sur les deux cahiers manuscrits où ils figurent, page après page. Ils ont de 4 à 12
vers, au plus 40, avec une prédilection pour l'octosyllabe […] parfois combiné
à l'alexandrin.
[…] Ce souffle court,
haletant peut paraître monotone - certains critiques, comme Lucien Fabre,
suggéreront d'élaguer des poèmes superflus - mais convient à l'unité d'un thème
: ici l'amour, dans le recueil suivant, la mort. Le grand mérite du Poème
de l'Amour, c'est
donc de façonner un instrument pour L'Honneur de Souffrir, livre plus convaincant.
A.
de Noailles fit don du manuscrit à Jean Rostand, l'un de ceux qui l'avaient
incitée à ce resserrement formel. Mais sa nouvelle manière nuisit au succès du
recueil, qui n'eut qu'une trentaine d'articles. Critiques élogieux, sauf
Emmanuel Buenzod qui, dans La Semaine
littéraire de Genève, condamne « ces 220 pages de galimatias » comme
une « chute », une « erreur » à oublier et réparer bien vite. Aux Nouvelles Littéraires, en» août, Martin du Gard
remplace un éreintement du féroce Léautaud par un éloge de Lucien Fabre, poète
et admirateur à la fois de Valéry, Noailles et Maurras. Thibaudet,
invariablement, la trouve romantique, tout en comparant certains vers à du
Racine.
De
bons papiers […] louent l'analyse stendhalienne, le « poème intellectuel de la
passion », dit Thérive, signalent le renversement des sexes : Mme de Noailles
est devenue le Samson de Vigny, note Rageot. C'est « la mésalliance d'une Muse
avec un pygmée », renchérit Souday, à qui « Si vraiment les mots
t'embarrassent, Ne dis rien... » rappelle le « Sois charmante et tais-toi » de
Baudelaire. Enfin quand le poète offre « la renommée éternelle » à celui qui ne
sera, « dans quelque humble retraite, Qu'un homme vieux et fatigué », on songe
à Ronsard -et Hélène.
Métérié
(Le Feu), Vaudoyer (RII) ou Le Cardonnel (Le Journal) savent voir le feu lyrique
sous ce renoncement à l'effusion et aux paysages. Mais d'autres se disent «
déconcertés », ce qui agace A. de Noailles. Ainsi félicite-t-elle Vandérem qui
applaudit dans la Revue de
France à ces
« vers serrés, nerveux, laconiques » et la rapproche de Louise Labé, de voir ce
livre « tel qu'il est,
à la fois prolongement de mon œuvre et comme détaché d'elle, jeté plus avant
dans le feu, — ce qui étonne et dépayse nos critiques et penseurs frivoles, qui
me veulent retenir aux jardins ! »
Mauriac,
dont l'article en octobre 1924 est l'un des plus pénétrants, n'est pas de
ceux-là, « qui voudraient que, tous les ans », elle « recommençât d'écrire Le
Coeur innombrable ». Il montre la lucidité terrible du nouveau recueil — «
Je t'aime / Comme si tu n'existais pas », mais aussi le détournement de sens
opéré sur le « Il faut d'abord avoir soif » de Catherine de Sienne, placé en exergue.
La Sibylle Noailles est « d'avant le Christ ».
Et il conclut : « Nul poète n'aura su mieux nous enseigner qu'en dehors de
Dieu, rien n'existe que l'amour charnel, mais que cet amour se distingue mal de la haine et
qu'il a le goût du néant. »
649. Ils sont les bâtisseurs
Ils sont les bâtisseurs hasardeux des pensées,
L'âme la plus puissante est parfois dépassée
Par ces rêves actifs que l'on voit se mouvoir.
Laissons se balancer dans leur ombre décente
L'excessive tristesse et l'excessif besoin !
Confions le secret ou la hâte oppressante
Au silence sacré qui ne les livre point.
Un souvenir dormant cesse d'être coupable,
Tout ce qui n'est pas dit est innocent et vrai ;
S'il consent à garder sa face sombre et stable
Le mensonge lui-même est un noble secret.
Ô Vérité tentante et qu'il faut qu'on esquive,
Monacale pudeur, effort, renoncement,
Sainteté des torrents retenant leur eau vive,
Solitude du cœur et de la voix qui ment !
Tendresse de la main qui parcourt et qui lisse
La vie atténuée et calme des cheveux,
Tandis que le désir se prive du délice
De déchaîner l'orage éloquent des aveux.
Résolution pure, auguste et difficile
De n'accaparer pas l'esprit avec le corps,
De rester étrangers, pour que le plus fragile
Ne soit pas prisonnier de l'ineffable accord !
Feintise d'être heureux en dehors de l'ivresse,
Accommodation aux paisibles instants :
Plus que les cris, les pleurs, les secours, les caresses,
Vous êtes le mérite insondable et constant !
Poème de l'Amour 1924
L'âme la plus puissante est parfois dépassée
Par ces rêves actifs que l'on voit se mouvoir.
Laissons se balancer dans leur ombre décente
L'excessive tristesse et l'excessif besoin !
Confions le secret ou la hâte oppressante
Au silence sacré qui ne les livre point.
Un souvenir dormant cesse d'être coupable,
Tout ce qui n'est pas dit est innocent et vrai ;
S'il consent à garder sa face sombre et stable
Le mensonge lui-même est un noble secret.
Ô Vérité tentante et qu'il faut qu'on esquive,
Monacale pudeur, effort, renoncement,
Sainteté des torrents retenant leur eau vive,
Solitude du cœur et de la voix qui ment !
Tendresse de la main qui parcourt et qui lisse
La vie atténuée et calme des cheveux,
Tandis que le désir se prive du délice
De déchaîner l'orage éloquent des aveux.
Résolution pure, auguste et difficile
De n'accaparer pas l'esprit avec le corps,
De rester étrangers, pour que le plus fragile
Ne soit pas prisonnier de l'ineffable accord !
Feintise d'être heureux en dehors de l'ivresse,
Accommodation aux paisibles instants :
Plus que les cris, les pleurs, les secours, les caresses,
Vous êtes le mérite insondable et constant !
Poème de l'Amour 1924
648. Je t'aimais par les yeux
Je t'aimais par les yeux, je puis
Me détourner de ton visage,
Te parler sans boire à ce puits
De ton regard vibrant et sage.
Je t'accosterai comme font
Les prêtres avec les abbesses;
Plus rien ne trouble et ne confond
Une paupière qui s'abaisse.
Si terrible que soit l'amour,
Si spontané, ferme, invincible,
Le cœur heureux l'aidait toujours...
Mais tu me seras invisible.
Grave, je porterai le deuil,
Que nul hormis toi ne soupçonne,
De dédaigner sur ta personne
L'injuste beauté de ton œil.
Quand ta voix engageante et tiède
Voudra reprendre le chemin
De mon coeur, qui te vint en aide
Avec la douceur de mes mains,
J'aurai cet aspect d'infortune
Qui surprend et fait hésiter;
Tu pourras, sombre iniquité,
Croire enfin que tu m'importunes !
Comment me nuirait désormais
Ton fin et vivant paysage
Si mes yeux n'abordent jamais
Son délicat coloriage ?
Si jamais je ne me repais
De la nourriture irritante
Par quoi je détruisais ma paix ?
Si plus rien en toi ne me tente ?
Et qu'étais-tu, toi que j'ai craint
Plus que toute mort et tout blâme,
Si ton charme succombe au frein
Du noble souci de mon âme ?
Poème de l'Amour. 1924
Me détourner de ton visage,
Te parler sans boire à ce puits
De ton regard vibrant et sage.
Je t'accosterai comme font
Les prêtres avec les abbesses;
Plus rien ne trouble et ne confond
Une paupière qui s'abaisse.
Si terrible que soit l'amour,
Si spontané, ferme, invincible,
Le cœur heureux l'aidait toujours...
Mais tu me seras invisible.
Grave, je porterai le deuil,
Que nul hormis toi ne soupçonne,
De dédaigner sur ta personne
L'injuste beauté de ton œil.
Quand ta voix engageante et tiède
Voudra reprendre le chemin
De mon coeur, qui te vint en aide
Avec la douceur de mes mains,
J'aurai cet aspect d'infortune
Qui surprend et fait hésiter;
Tu pourras, sombre iniquité,
Croire enfin que tu m'importunes !
Comment me nuirait désormais
Ton fin et vivant paysage
Si mes yeux n'abordent jamais
Son délicat coloriage ?
Si jamais je ne me repais
De la nourriture irritante
Par quoi je détruisais ma paix ?
Si plus rien en toi ne me tente ?
Et qu'étais-tu, toi que j'ai craint
Plus que toute mort et tout blâme,
Si ton charme succombe au frein
Du noble souci de mon âme ?
Poème de l'Amour. 1924
647. Les vers que je t'écris
Les vers que je t'écris ne sont pas d'Orient,
Je ne t'ai pas connu dans de beaux paysages,
Je ne t'ai vu mobile, anxieux ou riant,
Qu'en des lieux sans beauté qu'animait ton visage.
Tout le tragique humain je l'ai dit simplement,
Comme est simple ta voix, comme est simple ton geste,
Comme est simple, malgré son fastueux tourment,
Mon invincible esprit que ton œil rend modeste.
Mon front méditatif, et qui porte le poids
De sentir s'emmêler à mes pensers les astres,
Te bénit pour avoir appris auprès de toi
Le rêve resserré et les humbles désastres.
Et si ton innocent et rayonnant aspect
Ne m'avait longuement imposé son mirage,
Je n'aurais pas la vive et misérable paix
Qui préserve mes jours des douleurs sans courage.
Je ne t'ai pas connu dans de beaux paysages,
Je ne t'ai vu mobile, anxieux ou riant,
Qu'en des lieux sans beauté qu'animait ton visage.
Tout le tragique humain je l'ai dit simplement,
Comme est simple ta voix, comme est simple ton geste,
Comme est simple, malgré son fastueux tourment,
Mon invincible esprit que ton œil rend modeste.
Mon front méditatif, et qui porte le poids
De sentir s'emmêler à mes pensers les astres,
Te bénit pour avoir appris auprès de toi
Le rêve resserré et les humbles désastres.
Et si ton innocent et rayonnant aspect
Ne m'avait longuement imposé son mirage,
Je n'aurais pas la vive et misérable paix
Qui préserve mes jours des douleurs sans courage.
Poème de l'Amour 1924
10/02/2013
646. Le temps n'a pas toujours ...
Le temps n'a pas toujours une égale valeur,
Tu cours et je suis immobile,
Je t'attends ; cela met quelque chose en mon cœur
De frénétique et de débile !
Tu cours et je suis immobile,
Je t'attends ; cela met quelque chose en mon cœur
De frénétique et de débile !
J'entame avec l'instant un infime combat
Que départage le silence.
L'heure, qui tout d'abord semblait me parler bas,
Frappe soudain à coups de lance.
Que départage le silence.
L'heure, qui tout d'abord semblait me parler bas,
Frappe soudain à coups de lance.
Elle semble savoir, et garder son secret,
Le destin se confie à elle;
On ne pénètre pas dans cette ample forêt
Où rien n'est promis ni fidèle !
Le destin se confie à elle;
On ne pénètre pas dans cette ample forêt
Où rien n'est promis ni fidèle !
Puisque la passion, en son sauvage trot,
Gaspille sa richesse amère,
Révérons ces instants de la vie éphémère
Gaspille sa richesse amère,
Révérons ces instants de la vie éphémère
Dont chacun nous semblait de trop !
Attendre : épuisement sanglant de l'espérance,
Tentative vers le hasard,
Hâte qui se prolonge, indécise souffrance
De savoir s'il est tôt ou tard !
Impatience juste, exigeante et soumise,
À qui manque, pour bien lutter,
Le pouvoir défendu de refaire à sa guise
L'univers puissant et buté !
Certes, mon cœur ne veut te faire aucun reproche
Des minutes que tu perdais;
Tu me savais vivante, active, sûre et proche,
Moi, cependant, je t'attendais !
Sans doute la démente et subite tristesse
Qui se mêle aux jeux éperdus
Est le profond sanglot refoulé que nous laisse
La douleur d'avoir attendu !
Poème de l'Amour. 1924
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